La doctrine sanitaire du Covid n’est pas un humanisme. Un point de vue du Nouvel Humanisme sur la crise sanitaire.

Dans cette série de 4 articles, nous exposons un point de vue humaniste sur les deux ans de crise du Covid en France. Dans un premier temps (Article I – 5 parties), nous plantons le décor avec les oppositions entre les conceptions du néolibéralisme et celles de l’humanisme universaliste, afin de préciser depuis quelle conception nous nous exprimons.

Ceci nous permettra dans un deuxième temps (Article II), de montrer comment le « grand capital », sautant par-dessus son propre dogme néolibéral, a utilisé l’autoritarisme et la brutalité pour manipuler la société, la santé et les êtres humains pendant ces deux années.

Dans un troisième temps (Article III) nous donnerons notre point de vue sur la prophylaxie autoritaire et la dégradation de l’éthique du soin vécues et observées dans ces deux années.

Enfin, nous dégagerons des pistes d’ouverture du futur (Article IV) pour le développement d’une médecine et d’une santé publique du point de vue du Nouvel Humanisme.

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I. Être humain et société : La conception humaniste face à la conception néolibérale (5 parties)

(1/5) Stupeur des humanistes face aux orientations choisies pour traiter l’épidémie de covid en France

(2/5) Les racines de la crise du Covid : l’idéologie néolibérale

(3/5) Les conceptions humanistes face aux conceptions néolibérales

(4/5) Comprendre l’imaginaire capitaliste pour s’en affranchir

(5/5) En synthèse : se positionner face aux grotesques prétentions du « système »

Synthèse des 5 parties :

Dans ce premier article, nous opposons en 6 points les conceptions néolibérales de l’être humain et de la société, et celles du Nouvel Humanisme.

  1. Les humanistes placent l’humain comme valeur et préoccupation centrales, là où le néolibéralisme place l’argent.
  2. Dans la société, tout ce qui est produit a un sens, une intention qui n’est pas dirigée vers une satisfaction personnelle isolée comme le pensent les néolibéraux, mais vers le dépassement de la douleur et de la souffrance en soi et chez les autres.
  3. La pensée humaniste s’intéresse à intentionnalité d’un « être historique dont le mode d’action sociale transforme sa propre nature », là où le néolibéralisme s’intéresse à l’émancipation d’individus appartenant à un ordre naturel.
  4. Entre le monde et moi, il n’y a pas mon « cerveau » qui prend des « décisions rationnelles ou biaisées », il y a ma représentation spatio-temporelle, mue par la dynamique de mes intentions.
  5. Les critères que nous retenons pour juger des situations ne sont pas la « performance », mais l’utilité dans le projet de dépassement de la douleur et de la souffrance, la cohérence, et le traitement humain donné, égal à celui qu’on désire recevoir.
  6. Pragmatisme et vision historique sont incompatibles. L’accumulation de contradictions entre ce qu’on pense, ce qu’on sent et ce qu’on fait, mène à l’écroulement de toute construction humaine.

Puis, nous avançons la nécessité de comprendre l’imaginaire capitaliste dans sa forme néolibérale afin de s’en défaire, en portant ses grotesques prétentions sur la scène publique de la critique constructive qui ravive le projet de l’humanisation de la Terre.

 

Partie 3. Les conceptions humanistes face aux conceptions néolibérales

1. Face à la valeur de l’argent, nous affirmons l’être humain comme valeur et préoccupation centrales ;

2. Nous considérons que l’être humain naît dans un monde dans lequel son propre corps fait partie de la nature, et un monde non naturel, social et historique, de production d’objets et de signes spécifiquement humains. Dans la société, tout ce qui est produit a un sens, une intention. En définitive cette intention n’est pas dirigée vers une satisfaction personnelle isolée, mais vers le dépassement de la douleur et de la souffrance en soi et chez les autres.[1]

3. La vision de la réalité est toujours une interprétation[2]. La « réalité » est une structuration du monde, active et dynamique, toujours teintée de notre biographie, de nos valeurs, croyances et idées sur le monde, les autres et soi-même, liées à l’intentionnalité de notre conscience, et toujours dirigée vers le futur.

Là où la psychologie d’inspiration américaine a « découvert » en laboratoire les « biais cognitifs » de l’individu rationnel, la pensée humaniste s’intéresse à intentionnalité d’un « être historique dont le mode d’action sociale transforme sa propre nature »[3]. Depuis cette conception, les représentations, les discours et les récits qui prétendent démontrer une « réalité » indiscutable, indépendante de tout regard humain, sont objets de notre critique radicale.

4. Les représentations du monde ont lieu quelque part chez l’humain. Ce « quelque part » est d’abord notre espace de représentation[4], l’espace psychique qui épouse les limites du corps. C’est depuis notre point d’observation intérieur que nous désignons des « hauteurs », des « profondeurs » et des « distances »[5]. Entre le monde et moi, il n’y a donc pas « mon cerveau qui prend des décisions », comme le martèlent les neurosciences actuelles, il y a ma représentation spatio-temporelle, mue par la dynamique de mes intentions ; formée par les traductions en images des impulsions – plus ou moins profondes – de mes sens externes, internes et de ma mémoire, et par mon horizon temporel.

Ainsi, notre expérience de « déplacement » dans les profondeurs du propre paysage, dans la mémoire, la sensation et l’imagination, cette capacité de retour sur soi, fonde-t-elle et justifie-t-elle la liberté humaine. Les systèmes répressifs, en soumettant la société à l’autoritarisme, tentent toujours de contrôler les mouvements intérieurs des personnes, en désignant des « pensées dangereuses », des « valeurs suspectes », des « idées complotistes ».

5. Les critères que nous retenons pour juger des situations ne sont pas la « performance », mais l’utilité dans le projet de dépassement de la douleur et de la souffrance, la cohérence, et le traitement humain donné, égal à celui qu’on désire recevoir. Assurément, une économie et un projet de société basés sur ces valeurs établissent une échelle de priorités bien différentes[6] de celles admises aujourd’hui comme vérité absolue, telle que l’idéal de concurrence libre et non faussée par exemple.

6. Le pragmatisme est martelé depuis plus d’une génération comme une valeur constructive. Lorsque nous dénonçons son immoralité, ses mentors opposent le fait que les choses changeant sans cesse dans notre monde accéléré, leurs erreurs sont commises en dehors de toute intention, à cause de « l’Empire des circonstances »[7]. L’adaptation pragmatique, en plus d’éviter le jugement moral, enlève toute notion de responsabilité des conséquences des actes chez les autres (puisque de toute façon la finalité des actes se trouve dans la satisfaction personnelle).

7. Mais voilà, pour les humanistes, les décisions sociales prises sans débat, sans dialogue, sans montrer en quoi les changements choisis contribuent à éloigner la douleur et la souffrance, s’enregistrent chez les individus et dans les relations sociales comme des contradictions entre ce qui est pensé, ressenti et agi. L’accumulation de contradictions finit par faire écrouler toute construction humaine. Cet écroulement s’exprime alors comme « crise », « désillusion », ou encore « fermeture du futur ». En même temps, un tel moment ouvre à de nouveaux choix possibles. Étudier et réfléchir sur les conditions qui ont mené à l’écroulement est alors la voie pour éviter dans le futur sa mécanique répétition.

 

Notes

[1]– Pour approfondir la vision humaniste, consulter : https://www.partihumaniste.fr/internationale/theses.html

[2]– voir note 4

[3]– voir note 4

[4]– Pour approfondir ces thèmes, voir Silo : Psychologie de l’image in Contributions à la pensée ; Notes de psychologie ; Le paysage intérieur et Le paysage humain in Humaniser la Terre ; Lettre à mes amis n°4 in Lettres à mes amis ; à propos de la crise personnelle et sociale. https://www.editions-references.com

[5]– Le langage commun nous fait dire « prenons un peu de distance, de recul », mais jusqu’à récemment, il manquait une étude sérieuse sur la nature de l’espace dans lequel se situent ces distances ou ce recul. Pour approfondir ce thème, voir Silo – Psychologie de l’image in Contributions à la pensée, https://www.editions-references.com/contributions.html

[6]– Cette perspective donne également un cadre rigoureux à l’écologie, souvent prisonnière de la vision naturaliste de l’être humain.

[7]– Terme souvent utilisé par Silo pour désigner la primauté de l’accumulation historique des intentions, qui apparaissent comme « circonstances » à un moment donné, et dont les êtres humains se retrouvent dépendants, par rapport à leur « volonté » ou à leur capacité ponctuelle d’influence, d’action ou de décision dans ce même moment donné.