Qui est responsable du conflit ?

On ne sait pas combien d’Ukrainiens sont morts, ni combien de jeunes Russes on a obligé à combattre. Si on en juge par les images, des milliers de personnes seraient concernées, si l’on prend en compte les blessés, les traumatisés, ceux dont la vie a été fracturée et les autres horreurs que produit cette guerre en Ukraine.  Des milliers de bâtiments détruits, des habitations, des écoles, des espaces de vie commune anéantis. D’innombrables vies et projets interrompus, des relations brisées par la guerre. Les personnes déplacées et les réfugiés se comptent déjà par millions. Mais ce n’est pas tout. Il y a déjà des centaines de millions de personnes dans le monde qui sont touchées par l’augmentation du coût de la vie et le chiffre pourrait atteindre des milliards.

Une grande partie de ces êtres humains a grandi à la même époque. Sans se connaître, ils se sont battus jusqu’à ce que leur vie soit amputée. Ou bien, comme de nombreux jeunes Ukrainiens, ils se cachent pour ne pas être appelés à la guerre « … je suis trop jeune pour mourir et pour tuer… » disent-ils. Et puis, il y a de nombreux enfants, vieillards et femmes dont la vie a été fracturée par une guerre dont, paraît-il, personne ne voulait.

Qui désigne-t-on comme responsable de tels crimes ? Celui qui a appuyé sur la gâchette ou lancé le missile ? Celui qui a donné l’ordre d’attaquer ? Celui qui a fabriqué l’arme, celui qui l’a vendue, celui qui en a fait don ? Celui qui a conçu le programme informatique de guidage du missile ? Celui qui par son discours a mis le feu aux poudres ou semé la zizanie ? Celui qui avec ses articles et fausses informations a cultivé la haine ? Celui qui a mis en scène des fausses attaques et de faux crimes de guerre pour rejeter la faute sur le camp d’en face ?

Dis-moi, s’il te plaît, qui tu pointes du doigt. Celui qui, impassible à son poste de décideur, tire profit de la mort ? Celui qui invente des histoires pour voler quelqu’un ? On sait bien que la première chose qui meurt en temps de guerre c’est la vérité… Alors, serait-ce les représentants politiques qui sont les responsables ? Serait-ce les grands médias de propagande ? Serait-ce ceux qui font fermer et censurent certains médias ? Ou ceux qui fabriquent les jeux vidéo dans lesquels il faut tuer son adversaire ? Serait-ce Poutine le dictateur d’une Russie qui veut s’étendre et revenir à ses aspirations impérialistes ? Ou serait-ce l’OTAN qui encercle de plus en plus la Russie malgré sa promesse de ne pas se développer et après avoir triplé le nombre de pays adhérents ? Qui de tous ceux-là porte une part de responsabilité ? Aucun ? Ou seulement quelques-uns ?

Ceux qui désignent des coupables sans faire référence au contexte dans lequel tout ceci est rendu possible, ceux qui pointent du doigt les « médias », cette cible facile, en oubliant de mentionner ceux qui profitent vraiment et tirent un bénéfice de la mort, ceux qui font cela, au-delà de leur étroitesse d’esprit, se font complices de ces situations propices à l’apparition de conflits.

Une fois qu’on a trouvé un responsable et réclamé une punition, cela compense-t-il pour autant le sacrifice inutile de la victime ? La douleur du blessé est-elle allégée ? A-t-on ramené à la vie l’être aimé ? Et, le plus important : cela permet-il d’empêcher que cela se reproduise ?

Quand on réclame un châtiment, c’est la vengeance que l’on recherche, pas la justice. La véritable justice réside dans la réparation des dommages causés.

Beaucoup de gens ont peine à croire ce qui est en train de se passer. C’est comme si on était revenus en arrière dans l’histoire.  Nous pensions que cela ne se reproduirait pas, mais aujourd’hui nous voyons cela de tout près car c’est aux portes de l’Europe que le conflit a lieu, devant nos yeux. Nous avions pris l’habitude de voir dans les victimes des guerres des gens éloignés de nous et avec la peau colorée, pas des blancs aux yeux bleus. On voyait des enfants aux pieds nus, pas des enfants portant des bonnets à pompon ou des ours en peluche. Aujourd’hui nous nous sentons plus concernés et nous manifestons notre solidarité, mais nous oublions que ceci est le prolongement de ce qui se passe ou s’est passé dans de nombreuses régions du monde : Afghanistan, Soudan, Nigéria, Pakistan, R.D. du Congo, Yémen, Syrie, Balkans, Irak, Palestine, Libye, Tchétchénie, Cambodge, Nicaragua, Guatemala, Viêtnam, Algérie, Rwanda, Pologne, Allemagne ou Libéria.

Il ne s’agit pas ici d’un conflit entre Ukrainiens et Russes, pas plus qu’ailleurs il ne s’agit de conflits entre Sahraouis et Marocains, entre Palestiniens et Juifs, entre Chiites et Sunnites. Le véritable conflit à l’œuvre, ce sont les pouvoirs qui utilisent les peuples et les pays en les manipulant, en les opprimant et en les mettant face à face pour les avantages ou le profit qu’ils en tirent.

Le véritable problème, ce sont ceux qui s’enrichissent de la guerre, c’est le complexe militaro-industriel, ce sont les sans cœur qui veulent maintenir leur pouvoir et leur propriété en dépit des besoins de tous les nécessiteux du monde, ces majorités qui se battent chaque jour pour se construire une vie digne.

Il s’agit là d’un sujet complexe, enraciné dans notre histoire : la manipulation des populations pour qu’elles s’affrontent entre elles pendant que certains acteurs tirent profit de ces conflits.

Rappelons-nous que les 5 pays qui ont le droit de véto aux Nations Unies sont également les 5 principaux producteurs d’armes au monde. Les armes appellent les guerres et les guerres appellent les armes…

D’autre part, les guerres sont un héritage de notre passé préhistorique. Jusqu’à aujourd’hui, nous avons toujours vécu avec elles, en les considérant presque comme « naturelles » parce qu’elles ne représentaient pas un grave danger pour l’espèce. Quel pourrait bien être le problème pour l’humanité lorsqu’un quelconque peuple primitif entre en conflit avec un autre et que quelques centaines d’individus en meurent ? En quelques années, leur population est remontée à des milliers. Puis, le compte des victimes de la guerre n’a fait qu’augmenter, avec les progrès technologiques dans l’art de tuer. Lors des dernières guerres mondiales, les morts se sont comptés par dizaines de millions. Avec l’arme nucléaire, la puissance destructrice augmente chaque jour davantage. Maintenant, oui, avec la possibilité de conflit nucléaire, notre espèce est bel et bien en danger. Aujourd’hui, c’est l’avenir de l’être humain qui est menacé.

Nous ne pouvons pas nous permettre cela. C’est un tournant dans l’histoire de l’espèce humaine, nous sommes tous concernés.

À nous, les peuples, de montrer que nous savons nous réunir et que nous gagnerons à marcher ensemble plutôt qu’à nous affronter.

On a déjà fait deux fois le tour de la planète et je vous assure qu’on n’a rencontré personne qui pense que les guerres nous font avancer.

Soixante pays ont déjà proscrit les armes nucléaires en signant le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Obligeons nos gouvernements à le ratifier. Isolons les pays qui défende l’armement nucléaire.

La doctrine de la « dissuasion » a échoué, et on trouve des armes nucléaires de plus en plus puissantes dans un nombre de pays toujours plus grand. La menace nucléaire n’a pas été supprimée, elle devient au contraire de plus en plus forte. En tous cas, à titre de première étape, remettons les armes nucléaires entre les mains d’une institution des Nations Unies refondée autour d’une mission claire en faveur du multilatéralisme et de la résolution des principaux problèmes de l’humanité : la faim, la santé, l’éducation et l’intégration de tous les peuples et de toutes les cultures.

Soyons cohérents et exprimons nos opinions à haute voix pour que les brutes qui nous représentent nous entendent : nous ne pouvons plus nous permettre d’autres conflits armés. Les guerres sont la lie de l’humanité. L’avenir sera sans guerre ou il ne sera pas.

Les générations futures nous en remercieront.

 

Traduit de l’espagnol par Nathalie Moreau