Le New York Times a publié un rapport d’enquête très bien informé sur la dissimulation par l’armée américaine d’un massacre commis en 2019 à Baghuz, en Syrie, qui a tué des dizaines de civils. Il s’agirait du deuxième rapport d’enquête sur des attaques aériennes américaines meurtrières sur des civils publié par le New York Times en l’espace de quelques semaines, et si je pensais davantage à des conspirations, je dirais que le journal de référence semble avoir été infiltré par des journalistes.

Le rapport contient de nombreuses révélations importantes, notamment le fait que l’armée américaine a largement sous-estimé les nombres de civils tués dans ses attaques aériennes et a menti à ce sujet au Congrès, disant que les forces d’opérations spéciales en Syrie ont régulièrement ordonné des attaques aériennes qui tuent des non-combattants sans avoir à rendre des comptes, en exploitant les ambiguïtés afin de contourner les règles destinées à protéger les civils; le rapport révèle aussi que :

– les unités qui déclenchent de telles attaques aériennes sont autorisées à procéder à leurs propres évaluations pour déterminer si les attaques étaient justifiées,

– la machine de guerre des Etats-Unis a tenté de faire obstacle à l’examen du massacre « à presque chaque étape » du processus, et que

– le bureau des enquêtes spéciales de l’armée de l’air n’enquête sur de tels incidents que lorsqu’il y a une possibilité d’attention médiatique élevée, une préoccupation quant au tollé venant de la communauté ou du gouvernement local, ou s’il y a une crainte quant à la diffusion d’images incriminantes.

« Mais, à presque chaque étape, les militaires ont agi d’une façon qui dissimulait l’attaque catastrophique », rapporte le New York Times. « Le nombre de morts a été minimisé. Les rapports ont été retardés, expurgés et classifiés. Les forces de la coalition dirigée par les États-Unis ont détruit le site de l’explosion au bulldozer. Et les hauts dirigeants n’ont pas été informés. »

Le journaliste Aaron Maté a qualifié l’incident de « l’un des pires massacres et scandales de dissimulation de l’armée américaine depuis My Lai au Vietnam. »

Traduction du tweet (partie sup.) :

Le NYT (New York Times) a révélé que les États-Unis ont bombardé 70 civils syriens et ont dissimulé ce bombardement. Le massacre de Baghuz a été découvert probablement seulement à cause des lanceurs d’alerte, enquêteur au Pentagone Gene Tate et juriste des Forces de l’air Lt.Col. Dean Korsak, qui ont protesté de l’intérieur contre la dissimulation.

Traduction du tweet (partie inf.)

Le My Lai de Syrie ? Les États-Unis ont massacré 70 civils et ont dissimulé ce massacre. Après avoir tué des douzaines de civils syriens lors d’un bombardement en 2019, l’armée américaine s’est disculpée et a dissimulé les preuves. C’est le dernier scandale dans…

mate.substrack.com

Quand le Times lui a demandé une déclaration, le Commandement central a donné la justification ridicule que peut-être ces douzaines de femmes et d’enfants tués dans des explosions répétées de bombes étaient en fait des combattants ennemis armés :

« Cette semaine, après que le New York Times ait envoyé ses conclusions au commandement central des États-Unis, qui a supervisé la guerre aérienne en Syrie, le commandement a reconnu les attaques pour la première fois, disant que 80 personnes avaient été tuées mais que les attaques aériennes étaient justifiées. Il a déclaré que les bombes avaient tué 16 combattants et quatre civils. Quant aux autres 60 personnes tuées, la déclaration a indiqué qu’il n’était pas certain qu’elles étaient des civils, en partie parce que les femmes et les enfants de l’État islamique prenaient parfois les armes. »

Je veux dire, comment répondre à une pareille défense ? Qu’est-ce que vous faites de cette défense ? « Peut-être que ces bébés étaient des combattants d’ISIS (Islamic State in Iraq and Syria, EIIS – État islamique en Irak et en Syrie) ? »

En lisant le rapport, on se rend compte de la quantité d’inertie qui a accueilli les tentatives pour faire la lumière sur ce massacre et combien cela aurait été facile de céder à l’oppression et d’abandonner ces tentatives ; ceci nous amène naturellement à nous demander combien d’autres incidents semblables ne sont jamais mis à découvert parce que les efforts pour les dévoiler ont été étouffés avec succès. Le Times dit que le massacre de Baghuz « se classerait au troisième rang des pires événements militaires causant des pertes civiles en Syrie si les 64 morts de civils étaient reconnues » ; mais il est clair que c’est plutôt dur de faire reconnaître certaines choses. »

Et cela permet de se rendre vraiment compte de la quantité de travail fournie pour la diffusion d’information de ce genre auprès du public, de l’importance de le faire, et de la faible chance d’arriver à le faire de nos jours.

Traduction du tweet (partie sup.) :

“Un avion d’attaque américain F-15E a lâché une bombe de 500 livres (1 livre = 0.454 kilogramme) sur une foule (de femmes et d’enfants), la faisant disparaître dans une explosion qui a tout fait trembler. Ensuite, un avion qui poursuivait ces personnes a lâché une bombe de 2000 livres suivie d’une autre, tuant la plupart des survivants. »

Traduction du tweet (partie inf.)

Comment les États-Unis ont Dissimulé une Attaque Aérienne Qui a Tué des Douzaines de Civils en Syrie.

Les militaires n’ont jamais mené une enquête indépendante sur un bombardement en 2019 du dernier bastion de l’État islamique, en dépit des inquiétudes au sujet de…

nytimes.com

Julian Assange est actuellement détenu à la prison de Belmarsh, où il attend de savoir si les juges britanniques vont annuler la décision d’un tribunal de première instance de ne pas l’extrader vers les États-Unis pour être poursuivi en vertu de la loi sur l’espionnage, pour des activités journalistiques ayant révélé des crimes de guerre américains. Des crimes de guerre qui ne sont pas sans rappeler ceux que vient de révéler le New York Times dans son reportage sur le massacre de Baghuz.

Le précédent que le gouvernement américain tente d’établir en persécutant Julian Assange aura, s’il réussit, un effet dissuasif sur le journalisme qui examine de près la machine de guerre américaine, pas seulement aux États-Unis, mais dans le monde entier. Si le gouvernement américain parvient à établir légalement qu’il peut extrader un journaliste australien pour avoir publié des informations d’intérêt public sur des crimes de guerre américains, il aura réussi à établir légalement qu’il peut faire appliquer cela à n’importe quel journaliste, où qu’il soit. Et vous pouvez dire adieu aux reportages d’investigation comme celui-ci.

C’est ce qui est en jeu dans l’affaire Assange. Notre droit de savoir ce que font les éléments les plus meurtriers du gouvernement le plus puissant de notre planète. Le fait que les dirigeants d’une puissance pensent qu’il est légitime de nous priver de ces informations en menaçant d’emprisonner quiconque tente de nous les fournir fait d’eux des ennemis de l’humanité entière.

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Traduction de l’anglais, Evelyn Tischer

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