En novembre 2020, la Cour de justice de la CEDEAO a reconnu l’Etat de Guinée responsable de meurtres, d’actes de torture, d’arrestations arbitraires et de dénis de justice lors du massacre de 2012 au cours duquel les forces de sécurité ont attaqué des habitants non armés dans le village de Zoghota  pour avoir manifesté contre une société minière.

Pour exiger de l’Etat guinéen l’exécution de cette décision de justice,  les avocats et les victimes, membres de la communauté de Zoghota,   organisaient ce mercredi 23 décembre 2020 une conférence de presse à Conakry. C’est la maison de la presse située au quartier Bipé dans la commune de Ratoma qui a servi de cadre à l’événement.

Ls survivants de ce massacre demandent à la République de Guinée de respecter les termes du jugement, d’enquêter et de punir l’entreprise et les commandants des forces de sécurité qui ont perpétré ces crimes, d’indemniser la communauté pour les violations de leurs droits humains.

En rappelant les circonstances dans lesquelles les faits se sont produits à l’époque, l’un des animateurs de la conférence rappelle <<  aux environs de 1h du matin, le 4 août 2012, les forces de sécurité guinéennes investirent le village de Zoghota, tirant sans distinction sur tout ce qui bougeait, tuant six villageois, blessant plusieurs autres, incendiant des maisons et volant des biens personnels >>.

Dans le communiqué de presse publié par les conférenciers, les propos de certaines victimes sont rapportés. C’est le cas de Kpakilé Gnédawolo Kolié, président de la communauté,  également chef du collectif des victimes du massacre « lls sont venus la nuit, alors que le village était endormi. Nous avons été réveillés par le bruit des balles, et quand les gens sont sortis pour voir ce qui se passait, ils ont abattu nos pères et nos frères. Certains villageois arrêtés lors de l’attaque ont été torturés par des agents de force de sécurité qui leur ont coupés les bras, le cou et les poignets. Les forces de sécurité ont également arrêté et torturé arbitrairement des habitants de Zoghota avant et après le massacre >>.

Au dire de Maître Formo Frédéric Loua, président de l’ONG Les Mêmes Droits pour Tous ( MDT), il s’agissait d’une répression à  une manifestation contre la violation des droits sociaux et environnementaux dans la localité de Zoghota.

<< L’attaque était des représailles pour une manifestation à grande échelle contre les pratiques d’emploi et la destruction de l’environnement dans la mine de minerai de fer de Zoghota appartenant à Vale-BSG’ Ressources (VBG), un conglomérat minier international. A u cours des manifestations, des villageois de plusieurs communautés entourant la mine – dirigés par les habitants du village de Zoghota ont occupé le site de la mine et ont été accusés d’avoir détruit les biens de l’entreprise >>, à fait savoir cet activiste de droits humains.

Selon lui, le massacre n’a jamais fait l’objet d’une enquête par les autorités guinéennes. Sur ce, maître  Foromo accuse :  « Les forces de sécurité et de l’entreprise ont fourni des explications contradictoires sur les meurtres. L’organisation guinéenne des droits de l’homme Les Mêmes Droits pour Tous (MDT) a déposé une plainte pénale contre plusieurs responsables des forces de sécurité en 2012, mais l’affaire n’a jamais avancé. La plupart des accusés ont refusé de comparaître devant le juge d’instruction et le dossier a finalement été transféré à un tribunal militaire, où il est laissé aux oubliettes. La responsabilité de la société minière n’a jamais fait l’objet d’une enquête approfondie, malgré des preuves évidentes de sa participation à la planification et à l’exécution de l’attaque ».

N’ayant donc aucune suite favorable à cette plainte contre les agents de la force de sécurité mis en cause dans cette affaire et cela, après 8 ans d’attente, les habitants de Zoghota représentés par  l’organisation  guinéenne  Les Mêmes Droits pour Tous (MDT) et Avocates  for Community Alternaives (ACA), une organisation de défense des droits humains basée au Ghana, ont porté le dossier devant la Cour de justice de la CEDEAO en octobre 2018. Un tribunal régional ayant le pouvoir de tenir les Etats d’Afrique de l’Ouest responsables de violations des droits humains.

C’est ainsi qu’un an après le dépôt de ce dossier, le 10 novembre 2020, la Cour de justice de la communauté des États de l’Afrique de l’Ouest a rendu une décision confirmant les allégations des plaignants et donc des habitants de Zoghota.

«La Cour a reconnu que les forces de sécurité guinéennes avaient violé le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à la torture et aux arrestations arbitraires, ainsi que le droit à un recours juridique effectif. Après huit longues années, les auteurs de ces actes odieux seront tenus responsables de leurs crimes.

La Cour a donné un délai de six mois à l’Etat guinéen pour payer un montant total de 4,56 milliards de francs guinéens (environ 463.000 dollars américains) aux victimes et à leurs familles. Nous demandons à l’Etat guinéen d’exécuter correctement cette décision de justice de la CEDEAO que nous considérons d’ailleurs une jurisprudence >>, a fait savoir Me Pépé Antoine Lama, avocat de MDT et membre du Conseil de l’Ordre du Barreau de Guinée.

C’est pour exiger justement de l’Etat guinéen l’exécution correcte de cette décision de la Cour de justice de la CEDEAO que ces avocats accompagnés d’un représentant de la communauté de Zoghota victime ont animé cette conférence de presse.

Au cas où la République de Guinée refuserait d’exécuter à la lettre cet arrêt de la Cour, ces avocats de la défense préviennent qu’ils ne tarderont de recourir aux mécanismes prévus par les textes juridiques de la CEDEAO.

<< Les 6 mois ont déjà commencé à  courir. Si au terme des 6 mois la Guinée n’exécute pas la décision telle que prononcée par la Cour de justice de la CEDEAO, nous n’hésiterons pas à recourir aux mécanismes de sanctions qui sont prévus par les textes au niveau de la CEDEAO >>, prévient Me Pépé Antoine Lama.

De Conakry,  Mamadou Bhoye Laafa Sow pour Pressenza