1. L’effort en vue d’extrader et poursuivre Julian Assange pour son journalisme constitue une menace pour tout journalisme futur qui lutterait contre le pouvoir et la violence, mais une défense pour la pratique des médias faisant la propagande de guerre. Alors que le New York Times a profité des travaux d’Assange, sa seule couverture de la procédure actuelle se trouve dans un article à propos de points techniques de procédure — en évitant d’aborder le fond de l’affaire et en allant jusqu’à affirmer faussement que le contenu était inaudible ou inaccessible. Le silence des médias états-uniens commerciaux est assourdissant. Non seulement les efforts déployés par le président Donald Trump en vue d’emprisonner Assange (ou, comme il l’avait publiquement demandé dans le passé, le tuer) entrent en contradiction avec les fictions entretenues par les médias sur la Russie et contredisent la prétention fondamentale de respect de la liberté de la presse aux Etats-Unis, ils remplissent une fonction importante, clairement dans l’intérêt des producteurs de médias en faveur des guerres. Il s’agit de punir quelqu’un qui a osé mettre en lumière la malfaisance, le cynisme et la criminalité des guerres des Etats-Unis.

2. La vidéo du meurtre collatéral et les documents sur les guerres d’Irak et d’Afghanistan nous informent sur certains des plus grands crimes de ces dernières décennies. La révélation des méfaits d’un parti politique états-unien servait l’intérêt public et n’était pas une infraction — certainement pas le crime de « trahison » contre les Etats-Unis par un non ressortissant, un concept de trahison qui assujettirait le monde entier à des dictats impériaux — et certainement pas le crime qualifié « d’espionnage » qui doit être commis au profit d’un gouvernement et pas dans l’intérêt public. Si les tribunaux des Etats-Unis devaient juger les crimes révélés par Julian Assange, ses collègues et sources, ils n’auraient plus le loisir de poursuivre le journalisme.

3. L’idée selon laquelle la publication de documents gouvernementaux est autre chose que du journalisme, que le vrai journalisme impose de dissimuler les documents en les décrivant au public, est la recette parfaite pour tromper le public. Les allégations selon lesquelles Assange a aidé une source à obtenir des documents en commettant une infraction (mais dans le respect de la morale et de la démocratie) ne sont pas prouvées et ressemblent à de la poudre aux yeux permettant de poursuivre l’usage de pratiques journalistiques de base. Il en va de même pour les allégations selon lesquelles le journalisme d’Assange a causé grief à des gens ou les a mis en danger. Dénoncer la guerre est l’exact opposé de causer un préjudice aux gens. Assange a conservé les documents et demandé au gouvernement états-unien ce qu’il voulait rédiger à ce sujet avant de publier. Ce gouvernement a choisi de ne pas communiquer et accuse à présent Assange — sans preuve — d’être responsable de quelques morts dans des guerres qui ont fait énormément de victimes. Nous avons eu écho des témoignages cette semaine, selon lesquels l’administration Trump proposait de gracier Assange s’il révélait une source. Le refus de révéler une source est un acte de journalisme.

4. Des années durant, le Royaume Uni a prétendu qu’il voulait arrêter Assange en raison d’accusations criminelles provenant de Suède. L’idée selon laquelle les Etats Unis voulaient poursuivre le fait de publier des reportages sur ses guerres était tournée en dérision comme un fantasme paranoïaque. Que la société dans son ensemble accepte cet outrage porterait un coup très dur à la liberté de la presse et à l’indépendance de tout Etat vassal quant aux exigences des Etats Unis. Ces exigences ont tendance à être avant tout d’acheter plus d’armes et subsidiairement de participer en utilisant ces armes.

5. Le Royaume-Uni, même hors de l’Union Européenne, a des lois et des principes de droit. Le traité d’extradition avec les Etats-Unis exclut l’extradition pour des motifs politiques. Les Etats-Unis réprimeraient Assange brutalement avant son procès et après celui-ci. La proposition de l’isoler dans une cellule carcérale au Colorado serait équivalente à la poursuite de la torture à laquelle Assange a déjà été soumis durant des années, selon le rapporteur spécial des Nations Unies Nils Melzer. Un procès pour « espionnage » interdirait à Assange de fonder sa défense sur ses motivations. Un procès équitable serait impossible dans un pays dont les politiciens les plus hauts placés ont déjà condamné Assange dans les médias depuis des années. Le Secrétaire d’Etat Mike Pompeo a désigné Wikileaks comme un « service non-étatique d’espionnage hostile », le candidat à la présidence Joe Biden a appelé Assange un « terroriste high tech. »

6. Jusqu’à présent, la procédure est illicite. Les Etats Unis ont violé le droit d’Assange à la confidentialité des relations client-avocat. Au cours de l’année dernière, à l’ambassade d’Equateur, une personne a espionné Assange 24 heures par jour, sept jours sur sept, y compris au cours de ses entretiens privés avec ses avocats. Assange s’est vu refuser les facilités permettant de préparer adéquatement sa défense pour les audiences. Le tribunal a démontré un extrême manque d’impartialité en faveur de l’accusation. Si les producteurs de médias commerciaux relataient les détails de cette mascarade, ils seraient vite traités avec hostilité par les détenteurs du pouvoir, ils se trouveraient du côté des journalistes sérieux, ils se trouveraient au côté de Julian Assange.

 

Traduction de l’anglais, Serge Delonville

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