Avec cette interview de Thimbo Samb, nous faisons notre deuxième volet de la série #SOMOS (Nous sommes), dans lequel nous recueillons des témoignages d’actions, d’expériences personnelles ou sociales qui nous aident à sentir et à visualiser la nouvelle nation humaine universelle qui est en train de naître.

Témoignage plein de vérité et de passion de Thimbo Samb, porte-parole de la Communauté noire et afro-descendante en Espagne (CNAAE). Thimbo raconte son expérience de la façon dont il est arrivé en bateaux de fortune après quatre tentatives, la souffrance éprouvée au cours du voyage, puis le racisme et la solitude après son arrivée en Espagne.

Cette interview soulève également non seulement les conséquences de l’immigration, mais aussi l’examen et la profondeur des racines qui en sont la cause, dénonçant le pillage de l’Afrique par l’Europe pendant des siècles.

Lorsqu’on lui demande comment nous pouvons les aider, il explique que la meilleure façon n’est pas d’aider, mais de les accompagner et de leur donner une voix puisque personne mieux qu’eux ne peut parler de racisme et de discrimination. Enfin, il demande quelque chose de très simple : l’égalité des chances. Il est clair que « ll n’y aura pas de progrès, si ce n’est de tout le monde et pour tout le monde. »

 

Transcription de la vidéo :

Je m’appelle Thiambo, et on me connaît sous le nom de Thimbo. Ils m’ont d’abord demandé : comment tu t’appelles ? J’ai dit Thiambo, et ils ont écrit Thimbo. De là il m’ont transféré en prison ; je me suis retrouvé dans le centre de rétention des étrangers de Ténérife pendant 18 jours, sans pouvoir me doucher car il n’y avait pas d’eau chaude. Et je viens d’Afrique, du Sénégal. Je dis du Sénégal car l’Afrique n’est pas un pays, c’est un continent. De là ils m’ont embarqué dans un avion direction Madrid, puis de Madrid à Valence.

Je suis resté trois mois à dormir dans la rue, cherchant de la nourriture dans les poubelles pour pouvoir manger. Durant cette période où je vivais dans la rue, je vais vous dire, mon problème n’était pas la faim, c’était la solitude ; personne ne s’approchait de moi, personne ne voulait parler avec moi ; ce que j’ai vécu de plus difficile ici, c’est de découvrir que je suis noir, découvrir que je suis différent, simplement noir. J’étais en cellule… c’est comme ça ! Du fait d’être noir, d’être pauvre, d’être immigrant.

Et je le dis toujours, je ne suis pas là pour faire de la peine, non, je suis là pour dire ce que je vis, je parle à partir de mon expérience. Être noir en Espagne est très difficile. Tu sors dans la rue, tu marches, ils te voient et commencent à agripper leurs sacs à dos pensant que tu vas les voler.

Tu entres dans le métro, le siège à côté est libre, personne ne veut s’asseoir à côté de toi ; et ils te traitent de noir de merde ! Retourne dans ton pays ! Même s’ils ne t’écoutent pas, ils ne savent pas si tu es d’ici ou pas. Combien de personnes noires, immigrantes sont mortes ici ? Combien ? Si cela se voit aujourd’hui, c’est parce que nous avons des caméras. Nous sommes en train d’enregistrer tout ce qui se passe, mais nous vivons le racisme jour et nuit. Moi j’aime que l’on parle de l’immigration ; nous ne parlons pas seulement des consciences, mais plutôt des racines. Pourquoi ? Pourquoi ces gens risquent-ils leur vie en vivant ici, tout en sachant ce qui peut leur arriver ? Et bon nombre d’entre nous savent ce qui nous attend à la frontière du Sud. Mais malgré ça nous voyageons.

Ce qui nous plairait c’est de rester dans nos pays. Et eux savent comment freiner l’immigration ; il est très difficile de la freiner, mais ils peuvent la réduire, comment ? En cessant de piller nos ressources. Aussi, c’est pourquoi je suis tout à fait certain que lorsqu’ils auront cessé de piller nos ressources, nous, on cessera de venir ici, ou si on venait, ce serait pour un voyage d’agrément pour découvrir, comme n’importe quelle personne européenne.

Tout d’abord, ce que doivent faire les gouvernements occidentaux, c’est nous demander pardon pour tout ce qu’ils ont fait à nos ancêtres, et dans nos pays. Ils ont divisé nos pays, sans rien nous demander, jamais. Aux blancs, non racistes, qui veulent nous aider, je leur dis toujours il n’est pas nécessaire de nous aider, car il ne s’agit pas d’aider, mais d’accompagner. Ils peuvent nous accompagner, bien sûr ; de plus, nous nous avons besoin qu’ils nous accompagnent ; mais ni nous aider, ni parler à notre place ; qu’ils nous laissent raconter notre propre histoire, car nous n’avons pas besoin de voix ; toutes les personnes immigrantes, africaines, afro-descendantes, nous avons une voix ; s’ils veulent nous aider, qu’ils nous laissent en paix. L’unique chose dont nous avons besoin c’est d’un espace d’où faire entendre notre voix, comme tu le fais, bien ; mais qu’ils ne parlent pas à notre place ; personne n’est venu au monde en étant raciste, personne. Le racisme s’apprend dans les collèges, et à la maison. La meilleure solution c’est de nous laisser, que nous allions dans les collèges raconter notre histoire car nul ne la racontera mieux que nous. Et ça c’est une façon d’accompagner, pas d’aider. Tout ce que nous voulons c’est l’égalité, rien de plus. Et ça c’est la seule chose que je dirais.

 

Traduction de l’espagnol, Ginette Baudelet