Madame la Professeur Galassi, vous êtes écologiste. En ce moment, on semble se focaliser essentiellement sur cet état d’urgence, sur les effets de la crise alors que l’origine se trouve ailleurs. De quoi s’agit-il de votre point de vue écologiste et à quoi devrait-on s’attaquer au plus vite ?

L’origine de la pandémie est claire : nous avons à faire à un virus extrêmement agressif qui, comme tous les virus, se propage en pénétrant dans les cellules du porteur. Il a muté et a été transmis d’animaux sauvages qui vivent normalement dans des forêts aux hommes dont les cellules sont très proches des cellules animales. Les mammifères, dont l’homme fait partie, peuvent être contaminés par près de 300 000 virus selon des estimations. La solution n’est clairement pas d’exterminer les mammifères. Mais nous devrions laisser les animaux sauvages vivre dans les forêts et nous contenter de nous nourrir d’animaux d’élevage.

Qu’est-ce qui a été entrepris dans le passé dans ce sens ? Pourquoi est-ce que cela n’a pas suffi ? Manquons-nous de conscience ? 

On n’en a pas fait assez pour interdire les marchés d’animaux sauvages où l’on vend des chauves-souris, des civettes, des pangolins vivants ou tout récemment tués et sanguinolents. Et on n’en fait pas assez pour protéger l’écosystème dans lequel ils vivent. On fait comme si tous ces systèmes étaient à notre seule disposition. Mais ce n’est pas le cas, certains écosystèmes jouent un  rôle important dans l’équilibre climatique ou pour la biodiversité. Si on transforme ces surfaces en terres agricoles ou si on en exploite les ressources naturelles, cela peut provoquer des dommages irréversibles et imprévisibles.

Y a-t-il trop peu de gens qui s’engagent pour la préservation ? Est-ce que les contre-pouvoirs sont trop puissants ?  

Les activistes ont bien souvent les meilleures intentions mais ils sont peu nombreux. Les pouvoirs économiques ont quant à eux un unique objectif : tirer profit de chaque situation.

« Tires-en les enseignements » c’est souvent ce qu’on nous disait enfant.  Mais est-ce vraiment le cas ? Est-ce qu’on apprend vraiment quelque chose de cette situation ?

Nous ne sommes plus des enfants et on aurait dû remarquer depuis un bon bout de temps que ce mode de développement renforce les déséquilibres et détruit l’environnement comme nous l’ont aussi confirmé les scientifiques, les sociologues et le Pape François dans son encyclique Laudato Si’. Malheureusement cette « leçon » punit encore une fois les plus faibles et les plus démunis, alors que l’économie et la finance trouvent encore des moyens pour en tirer profit.

On a parfois l’impression que la leçon ne suffirait même pas si demain tout était fini. Ne devrions-nous pas souhaiter finalement que tout ça ne finisse pas trop rapidement ? 

Comme tous, je souhaite que cette situation se termine et je me réjouis que ça reprenne enfin, la vague consumériste pourrait nous emporter ce qui se révèle à nouveau être rapidement négatif pour l’écosystème et qui va entrainer  des différences sociales. Je pense qu’on n’a trop peu utilisé le temps du confinement pour réfléchir. Beaucoup avaient trop peur, ont suivi le développement de  la pandémie de manière passive et se sont protégés.

Que penseriez-vous si la pandémie était une réaction d’autodéfense de la nature ? 

La nature ne réagit pas comme nous, elle n’a pas besoin de se défendre contre nos attaques. La Terre s’est transformée à plusieurs reprises, suite à des catastrophes encore plus grosses, causées par les gens. Le monde n’est pas fragile, il résiste à beaucoup de choses. Mais l’espace de vie pourrait devenir hostile pour notre espèce, pas parce que la nature l’a « décidé » mais en raison de notre inaptitude.

Nous avons cherché à pénétrer dans les endroits les plus retirés de la planète, pour y découvrir des richesses. Aujourd’hui dans certaines villes on trouve des oies, des singes ou des cerfs. Est-ce une sorte de vengeance ? 

J’ai également vu des vidéos dans lesquelles les éléphants traversent les rues ou les kangourous sautillent en ville. Je ne pense pas qu’ils posséderont notre monde artificiel, ils ont besoin de leur environnement naturel. Mais si on venait à disparaître à tout jamais, la nature reprendrait forcément ses droits comme à Angkor ou dans d’autres cités antiques qui sont à nouveau envahies par la végétation.

Est-ce que la densité de la population a un impact ?

Nous sommes nombreux mais pas encore assez nombreux. Il y aurait de la place et de la nourriture pour tous si les plus riches mangeaient moins de viande et utilisaient moins d’énergie, et si le déséquilibre social était moindre. Plus de frugalité nous ferait également du bien. Renoncer à la pression consumériste ferait du bien à la Terre. Nous pourrions commencer ainsi à apporter les changements que chacun se souhaite.

 

Traduction de l’allemand, Frédérique Drouet