Une possibilité, qui devrait être sérieusement envisagée, serait de mettre en place un Revenu de Base d’Urgence pour couvrir les besoins primaires des personnes pendant la durée de la pandémie, et pour éviter qu’elles ne soient inutilement exposées à la contagion pour chercher des ressources. La proposition d’un Revenu de Base n’est pas nouvelle. Depuis les années 1980, elle est présentée dans le monde entier comme une politique publique universelle. En termes simples, le revenu de base ne fait rien d’autre qu’assurer la subsistance matérielle de tous les individus, préservant ainsi leur droit à la vie.

Le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a déclaré il y a quelques jours que l’humanité, à cause du Coronavirus, est maintenant confrontée à la crise mondiale la plus grave depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Face à cela, différents pays ont mis en place des plans afin de protéger les populations des ravages d’une économie stagnante face à la pandémie.

Dans le cas du Chili, cependant, la réponse du gouvernement a été extrêmement mesquine. D’une part, la loi de protection de l’emploi se contente de forcer les travailleurs à recourir à leurs propres économies par le biais de l’assurance chômage, avec l’incertitude d’épuiser une réserve qui pourrait être nécessaire lors de futurs épisodes d’inactivité professionnelle. D’autre part, le Coupon COVID d’à peine 50.000 pesos chiliens par commande pour les 60% les plus vulnérables et délivré une seule fois, représente une contribution presque insignifiante pour ceux qui doivent essayer de subsister sans revenu au milieu de cette urgence sanitaire.

Devant la gravité de la crise, ces mesures sont certainement insuffisantes. Il est nécessaire que l’État assure et protège efficacement des secteurs plus larges de la population qui vivent actuellement dans une situation de détresse et de précarité.

Sans aller plus loin, il y a quelques jours à peine, la secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes CEPALC, Alicia Bárcena, a déclaré que les pays d’Amérique latine et des Caraïbes devraient assurer un revenu de base universel à tous leurs habitants dans le cadre de la construction d’un avenir différent pour la région. L’adoption d’un tel mécanisme ne coûterait pas plus de 6,3 % du produit intérieur brut PIB, ce qui représente le montant de l’évasion fiscale dans la région, a déclaré la responsable de la CEPALC lors d’un séminaire en ligne sur les perspectives en Amérique latine.

La haute fonctionnaire des Nations unies a inscrit la proposition d’un revenu de base universel dans la « construction d’un avenir civilisateur », pour lequel « il est nécessaire de modifier le modèle de fiscalité de l’État, en orientant les ressources publiques vers la consolidation des revenus ». La pandémie actuelle de covid-19, a déclaré M. Bárcena, « nous offre un carrefour de civilisation : soit nous retournons à la concentration de la mondialisation, soit nous construisons un avenir différent » (Pressenza 23.04.2020 – Inter Press Service).

Dans le cas d’un Revenu de Base pour le Chili – conçu dans le contexte d’une urgence sanitaire et sociale – nous proposons que cette mesure envisage les aspects suivants :

L’État fournira un montant maximum de 150.000 pesos par mois pour chaque personne faisant partie des 80% des ménages les plus pauvres pendant trois mois consécutifs. La valeur du montant à verser pour chaque personne dépendra du décile du revenu de son foyer. [N.d.T. Les revenus sont découpés en tranches égales de 10% appelées « déciles ».]

Les garçons et filles ainsi que les adolescents bénéficieront également du Revenu de Base d’Urgence, qui sera administré par leurs parents ou par les personnes avec lesquelles ils vivent dans le même ménage.

Le paiement mensuel du Revenu de Base d’Urgence par l’Etat serait effectué par virement bancaire, en utilisant le compte du RUT ou par chèque. [N.d.T. Le RUT : numéro à 8 ou 9 chiffres sert d’identifiant au Chili, propre à chaque personne et ne change jamais.]

Le coût total de la mise en œuvre d’un Revenu de Base d’Urgence, dans les termes exposés ici, est de l’ordre de 8 milliards de dollars US pour les trois mois au cours desquels la contribution de l’Etat serait effective, un chiffre qu’il est parfaitement possible pour l’Etat de débourser sans recourir à l’endettement.

Cette mesure permettrait en outre de faire bénéficier un plus grand pourcentage de personnes, y compris les secteurs intermédiaires, d’une contribution de l’État aux ménages, supérieure à celle qui serait fournie par le biais du Coupon Covid la Loi sur la protection de l’emploi et du Revenu Familial d’Urgence récemment annoncée.

Un autre avantage fondamental du Revenu de Base d’Urgence réside dans le fait qu’il permet de réduire considérablement la bureaucratie liée au calcul et à l’administration des contributions étatiques différenciées. En d’autres termes, elle permet de ne pas fragmenter la population ni d’établir des différences entre les travailleurs régis par le code du travail, indépendants, informels, au chômage ou retraités, en tenant compte d’un contexte dans lequel des solutions intégrales, urgentes et opportunes sont nécessaires.

Le Coronavirus a fait des centaines de milliers de victimes dans le monde entier issues de différents milieux sociaux, économiques ou ethniques, et a mis à l’épreuve la capacité de réaction des gouvernements. En ce sens, l’État chilien ne peut se laisser détourner idéologiquement par un modèle qui insiste sur l’augmentation des profits des grandes entreprises au détriment des soins à la population. La protection de la santé et la garantie de conditions de vie décentes pour tous les Chiliens doivent être au-dessus de toute considération économique la principale préoccupation de l’État et cela, comme nous l’avons dit, est parfaitement possible, s’il existe une volonté politique, grâce à un Revenu de Base d’Urgence, qui assure l’existence matérielle de tous les habitants du pays.

 

Traduction de l’espagnol, Ginette Baudelet