A quoi sert une Commission Nationale des Droits de l’Homme ?  En Mauritanie, à privilégier les droits d’une minorité !

C’est par un décret présidentiel qu’en juillet 2006 Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, le seul président élu démocratiquement en Mauritanie, a institué la CNDH (Commission Nationale des Droits Humains). A l’époque, des défenseurs notoires des droits humains en font partie, comme Boubacar Messaoud, Président de SOS Esclave et Fatimata Mbaye, Présidente de l’Association mauritanienne pour les Droits de l’Homme.

Après le coup d’état de 2008, le pouvoir militaire instrumentalise cette Commission. Les membres militants des droits humains sont remplacés par des ONG fantoches qui ferment les yeux sur les problématiques soulevées par beaucoup d’acteurs de la société civile.

Dans son rapport d’octobre 2017 soumis au Comité des Droits de l’Homme aux Nations unies à Genève, la Fondation Alkarama souligne le manque de transparence et de clarté dans le processus de désignation des membres de la CNDH, constate l’absence de représentativité et de diversité des membres puisqu’aussi bien seuls trois types d’ONG sont sélectionnés ( celles militant pour les enfants, les femmes et les personnes handicapées), et indique surtout que la CNDH se concentre sur les droits économiques et sociaux au détriment des droits civils et politiques des citoyens mauritaniens.

En conséquence, le SCA (Sous-Comité d’accréditation des Institutions nationales des Droits de l’Homme) a estimé que la CNDH mauritanienne n’était pas 100% conforme aux Principes de Paris adopté en 1993 par l’Assemblée générale des Nations unies. Son statut A a été rétrogradé en statut B, statut en passe d’être revisé prochainement.

Durant la décennie du mandat du Président Mohamed Ould Abdel Aziz (2008-2019), le mouvement de l’IRA a été dans la ligne de mire de la CNDH hostile au discours anti-esclavage et anti-discrimination de ses militants. Le pouvoir exalte une société unie, homogène, des citoyens libres, sans problèmes spécifiques si ce n’est ceux communs à toutes les sociétés. Ces revendications qualifiées d’un autre âge ternissent l’image du pays aux yeux de la communauté internationale.

 

C’est l’époque où quelques militants de l’IRA cèdent aux sirènes du pouvoir en échange d’une gratification. C’est l’époque où la CNDH appelle à l’élimination physique de Biram Dah Abeid, le Président de l’IRA, parce qu’il a incinéré publiquement les textes apocryphes de l’islam codifiant l’esclavage. C’est l’époque où une délégation de la CNDH se rend à New York pour demander à l’ONU de ne pas accorder le Prix des Nations unies des Droits de l’Homme à Biram Dah Abeid. Prix dont il a effectivement été honoré en décembre 2013, comme l’ont été les Martin Luther King et Nelson Mandela.

Et, comble de cynisme pour une Commission censée œuvrer pour les droits humains, la CNDH réclame la peine de mort contre le blogueur Mohamed Cheikh Mkhaitir, accusé de blasphème et d’apostasie, et heureusement défendu par Amnesty International et Human Rights Watch.

Commission des Droits de l’Homme ou porte-parole d’un Etat autocratique ?  Apartheid : insulte ou vérité ?

L’attribution le 18 février dernier du Prix du Courage à Biram Dah Abeid lors du Sommet pour les Droits de l’Homme et la Démocratie à Genève va déclencher une campagne de lynchage médiatique contre l’IRA. Campagne déclenchée par cette même CNDH.

Lors de son discours devant l’assemblée onusienne, Biram Dah n’a pas pourtant pas changé de plaidoyer. Ila rappelé la permanence d’un système de gouvernance où une ségrégation structurelle écarte les Noirs Mauritaniens de toutes les sphères de la société. En 2017 déjà, le Rapporteur spécial des Nations unies, Philip Alston indiquait que les Haratines et les Afro-Mauritaniens sont systématiquement absents de toutes les positions de pouvoir réel et exclus de nombreux aspects de la vie économique et sociale alors que ces groupes représentent plus des deux tiers de la population.

https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G17/053/84/PDF/G1705384.pdf?OpenElement

Et rien n’a changé aujourd’hui. Aucun Afro-Mauritanien ne figure dans les cadres de l’armée, des douanes, de la police, de la sureté de l’Etat ni de la justice. Partout les Maures blancs, dits Beydane, occupent ces postes décisionnels.

 

Mais ce qui a mis le feu aux poudres à Genève, c’est le terme utilisé par Biram Dah Abeid pour qualifier cette situation : apartheid. Si rien dans le droit mauritanien n’organise un développement séparé sur base d’une supériorité de race comme ce le fut en Afrique du Sud, si les lois mauritaniennes proclament l’égalité des citoyens et pénalisent la ségrégation au motif de l’identité et de l’ascendance, rien dans les faits ne respecte ces nobles principes. Alors que « apartheid » ne signifie rien d’autre que « mis à part », la réalité objective est sans appel : les Noirs Mauritaniens sont « mis à part » dans leur propre pays.

Le Président de la CNDH, Ahmed Salem Ould Bouhoubeyin, a immédiatement réagi le 21 février en revendiquant l’exclusivité de la lutte pour les droits de l’homme à la CNDH, reléguant ainsi Biram Dah Abeid dans le clan des nationalistes agitateurs.

https://www.youtube.com/watch?v=YUAH4A1M6QM

Les droits de l’homme sont pourtant des valeurs universelles, les restreindre à l’analyse d’un seul pays est en soi antinomique, voire soupçonnable.

Cette déclaration de la CNDH a ouvert la porte à un déchaînement de violences verbales. Le chef d’un parti suprématiste, Daoud Ould Ahmed Aicha, va jusqu’à évoquer une collusion juive visant à accaparer les richesses gazières de la Mauritanie. La Fondation Raoul Wallenberg est accusée d’avoir « créé le personnage de Biram Dah Abeid » pour déstabiliser la Mauritanie et fomenter l’éradication de l’islam.

Des voix s’élèvent pour « imposer les peines les plus sévères aux abuseurs de la patrie et de ses symboles, en commençant par le Député Biram Dah Abeid ».

Le site mauritanien du CRIDEM résume ce déferlement d’accusations mensongères en titrant le 23 février : « Il faut « abattre » le soldat Biram ».

http://cridem.org/C_Info.php?article=733089

Il n’y a que la vérité qui blesse

C’est évident : le terme « apartheid » est un mot qui fait mal à la Mauritanie.
Mis à part sa connotation juridique, apartheid signifie ségrégation, discrimination, exclusion. Un système sociétal pérenne en Mauritanie que l’hypocrisie et l’amour-propre des autorités s’évertuent à camoufler.

La brèche est ouverte mais tenter d’étouffer une voix respectée dans le monde qui dénonce le statu quo discriminatoire de la société mauritanienne est voué à l’échec.

Fidèle aux principes de non violence que l’IRA respecte depuis 2008, Biram Dah Abeid poursuivra son combat tant que la question de l’égalité des citoyens mauritaniens ne sera pas entièrement résolue.

N’empêche que cette campagne de diabolisation soulève les inquiétudes quant à la sécurité de Biram Dah Abeid, ses partisans et compagnons de lutte. Certains brandissent le spectre d’une insurrection de Noirs mauritaniens. D’autres prônent une partition du pays.

Et si le terme d’apartheid a provoqué un tel tollé en Mauritanie, n’est-il pas opportun aujourd’hui que les autorités envisagent l’étape suivante : l’installation d’une Commission Vérité et Réconciliation, pour garantir l’avenir de l’Etat mauritanien.

IRA Belgique

Bruxelles, 2 mars 2020

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