Par Laura Tiernan

L’édition de cette semaine de The Lancet – la plus importante revue médicale, évaluée par des membres du corps médical – contient une lettre de 117 médecins de 18 pays, renouvelant leur appel à une action urgente pour sauver la vie de Julian Assange, éditeur de WikiLeaks. Leur lettre paraît moins d’une semaine avant le début de l’audience d’extradition vers les États-Unis à Londres qui pourrait décider du sort d’Assange.

La lettre des médecins, longue de deux pages, figure dans la section correspondance de The Lancet sous le titre « Arrêtez la torture et la négligence médicale de Julian Assange ». Il a été écrit par le Dr Stephen Frost (Royaume-Uni), le Dr Lissa Johnson, psychologue clinique (Australie), le Dr Jill Stein (ancien chef du Parti vert américain) et William Frost (Royaume-Uni).

« Le cas d’Assange… présente de multiples facettes », écrivent les médecins. « Il concerne la loi, la liberté d’expression, la liberté de la presse, le journalisme, l’édition et la politique. Mais il est aussi clairement lié à la médecine et à la santé publique. Cette affaire attire l’attention sur plusieurs aspects préoccupants qui méritent une attention particulière et une action concertée de la part de la profession médicale ».

Il y a près de trois mois, le 22 novembre, plus de 65 médecins ont adressé une lettre ouverte au gouvernement britannique pour contester la détention illégale et arbitraire d’Assange. Une lettre de suivi a été envoyée au gouvernement australien le 16 décembre. Aucun des deux gouvernements n’a répondu.

En lançant leur appel à leurs collègues médecins du monde entier – The Lancet a 1,8 million d’abonnés – les auteurs de la lettre décrivent les multiples violations des droits humains commises par les gouvernements états-unien, britannique, suédois, équatorien et australien contre Assange. Cela inclut près d’une décennie de « détention illégale et arbitraire » et de persécution impitoyable de l’État, qui s’apparente à une « torture psychologique prolongée ».

Les lecteurs de la revue pourraient être choqués d’apprendre que les médecins traitant Assange à Londres ont subi des tentatives d’intimidations et ont été surveillés par l’État, méthodes couramment utilisées par les dictatures militaires. « Il régnait… une atmosphère de crainte autour quand il s’agissait de lui prodiguer des soins médicaux à l’ambassade », raconte la lettre, les médecins traitants étant obligés de déclarer leur identité à la police.

« Il est inquiétant de constater que cet environnement d’insécurité et d’intimidation, qui compromet encore plus les soins médicaux offerts à Assange, était délibéré », écrivent-ils. Assange a fait l’objet d’une opération de surveillance secrète 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à l’intérieur de l’ambassade, comme l’a montré des enregistrements vidéo et audio secrets qui sont apparus par la suite.

« Il a été surveillé en privé et avec des visiteurs, notamment des membres de sa famille, des amis, des journalistes, des avocats et des médecins. Non seulement ses droits à la vie privée, à la vie personnelle, au privilège juridique et à la liberté d’expression ont été violés, mais son droit à la confidentialité entre médecin et patient l’a également été ».

Les signataires affirment avec force : « Nous condamnons la torture d’Assange. Nous condamnons le refus de son droit fondamental à des soins médicaux appropriés. Nous condamnons l’atmosphère de peur qui règne aux cours des visites médicales. Nous condamnons les violations de son droit à la confidentialité entre médecin et patient. La politique ne peut être autorisée à se mêler du droit à la santé et à l’exercice de la médecine ».

« Doctors for Assange » (comme les médecins sont collectivement appelés) ont lancé un nouveau site web, et leur lettre à The Lancet y fait référence : « Nous invitons nos collègues médecins à se joindre à nous en tant que signataires de nos lettres pour ajouter une voix supplémentaire à nos appels. Alors même que les autorités désignées du monde entier en matière de détention arbitraire, de torture et de droits de l’homme ont ajouté leurs appels aux avertissements des médecins, les gouvernements ont mis sur la touche l’autorité médicale, l’éthique médicale et le droit à la santé ».

« Cette politisation des principes médicaux fondamentaux nous préoccupe beaucoup, car elle a des implications qui vont au-delà du cas d’Assange. L’abus par négligence médicale à motivation politique crée un dangereux précédent, par lequel la profession médicale peut être manipulée comme un outil politique, ce qui, en fin de compte, mine l’impartialité de notre profession, son engagement en faveur de la santé pour tous et son obligation de ne causer aucun préjudice ».

Les docteurs ont catégoriquement averti : « Si Assange meurt dans la prison britannique, comme l’a prévenu le Rapporteur spécial des Nations Unies, il aura effectivement été torturé à mort. Une grande partie de cette torture aura eu lieu dans un service médical de la prison, sous la surveillance de médecins. La profession médicale ne peut pas se permettre de rester silencieuse, du mauvais côté de la torture et de l’histoire, pendant qu’une telle parodie se déroule ».

Hier, les Doctors for Assange ont envoyé une copie de leur lettre à Priti Patel, la secrétaire d’État à l’Intérieur, et à Marise Payne, la ministre des Affaires Étrangères d’Australie. « Les droits de M. Assange à bénéficier des soins médicaux et à l’absence de torture doivent être respectés. À cette heure tardive, nous vous demandons d’agir avec fermeté », ont écrit les médecins.

En guise de conclusion, les médecins écrivent : « Nos demandes sont simples : nous appelons aux gouvernements d’arrêter la torture de Julian Assange et de lui garantir l’accès aux meilleurs soins médicaux disponibles avant qu’il ne soit trop tard. Notre demande aux autres est la suivante : rejoignez-nous ».

 

Traduction de l’anglais, Maryam Domun Sooltangos