Interviewé à l’occasion du Symposium « Résistance » au festival du film à Lisbonne le 16 novembre 2019, Juan Branco en sa qualité d’avocat, est revenu sur les conditions de détention au Royaume-Uni de Julian Assange, sous le coup d’une extradition aux États-Unis, où il risque une peine de prison de 175 ans pour espionnage.

Crédit vidéo : Xavier Foreau

La volonté politique de répression des États-Unis

Juan Branco : « On est dans une situation extrêmement compliquée, où les audiences d’extradition théoriquement commencent le 24 février, donc au fond, pour décider s’il doit être extradé aux États-Unis.

Ce qui est complètement absurde parce que dans le traité d’extradition, entre le Royaume-Uni et les États-Unis, sont explicitement exclus les délits politiques.

Or l’espionnage est considéré comme un délit politique dans l’ordonnancement juridique, des deux pays. Donc quoi qu’il arrive, concevoir qu’il puisse être extradé est absurde.

Le problème c’est qu’évidemment on est face à des procédures qui sont politiques et pas judiciaires, et donc à partir de là, le droit ne sert que de « containment », (…) à contenir au maximum la volonté politique de répression et de vengeance que mettent en place les États-Unis. »

Une situation de violence sur Julian Assange

Juan Branco : « On est en tant qu’avocat dans une situation très compliquée en plus où théoriquement, on aurait besoin de beaucoup plus de temps pour préparer notre défense, et en même temps de l’autre côté la réalité que Julian est mis dans une situation de telle violence au sein de la prison de Belmarsh, que tout est fait pour qu’on se précipite, pour qu’on ait une décision défavorable et qu’ils puissent se débarrasser de Julian et l’envoyer aux États-Unis.

Donc ils essaient de nous faire un chantage, quelque part presque affectif autour du corps de Julian qui est martyrisé aujourd’hui enfermé 23 /24 heures dans des conditions délirantes.

Et c’est très difficile pour nous, de résister à ce chantage et d’accepter de devenir quelque part complices en fait de cette situation, en demandant plus de temps pour nous assurer qu’il y ait une chance juridiquement parlant de sortir de là.

Cette violence psychologique qu’ils mettent en œuvre, y compris contre ses avocats, fait partie de toute une gamme, une panoplie, qu’on a vu se déployer depuis des années. »

Quels soutiens pour Julian Assange ?

Juan Branco : « On espère vraiment évidemment qu’il y aura une réaction auparavant, un miracle pourrait intervenir si Corbyn était élu par exemple, aux élections anglaises au début décembre (2019), mais on a appris à ne plus faire confiance aux politiques et de ne dépendre que de nous-mêmes.

Soutien à Julien Assange à Londres

Cette lutte va se mener grâce à la société, avec l’appui de la société.

C’est seulement en provoquant des mobilisations de plus en plus importantes, qu’on réussira probablement à sauver cet homme, et à empêcher qu’il ne soit quand même mis en prison de haute sécurité pendant 175 ans.

 

Pour n’avoir fait qu’une chose, parce que les accusations dont il fait l’objet aujourd’hui ne concernent que les publications de 2010 : sur les câbles diplomatiques américains et les journaux de guerre irakiens et afghans.

Il risque 175 ans de prison, dans une prison de haute sécurité à l’isolement, pour avoir tout simplement révélé des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

C’est vraiment un enjeu essentiel et on dépend de nous-mêmes.

Les médias ne jouent pas du tout le jeu évidemment, pour toute une série de raisons qui ont été exposées à la conférence qu’a donnée Jacob Appelbaum, qui ont créé des lignes de front et de divisions extrêmement violentes, qui font qu’on n’arrive pas en fait à solidariser toutes ces professions qui théoriquement devraient être en soutien de Julian Assange. »

Quel est son état de santé ?

Julian Assange: "Ich kann die schreckliche Ungerechtigkeit nicht vergeben"Juan Branco : « Il est extrêmement fragilisé évidemment par la violence qu’il subit donc pas seulement depuis avril, mais depuis des années d’enfermement dans des conditions qui sont quand même pas du tout évidentes, avec un déni très fort de toute une partie de la société, sur le fait qu’il souffrait de violences réelles.

On a longtemps prétendu qu’il s’était enfermé volontairement au sein de cette ambassade d’Équateur, ce qui est quand même le comble de l’absurdité !

Mais des personnes de bonne foi y croyaient parce qu’elles n’arrivaient pas à accepter la réalité de cette situation.

Cela pèse sur un homme qui a explosé au monde, s’est vu exposé du jour au lendemain comme une super star quand il avait 38 ou 39 ans. Aujourd’hui il en a quasiment 10 de plus.

Évidemment il a senti peser de façon extrêmement lourde le poids de ce temps passant, et de cette exposition médiatique extrêmement violente, extrêmement délétère.

On l’a qualifié de tout : de violeur, d’antisémite, d’agent du FSB, … !

Sans aucune preuve, et avec un relais systématique de la part des médias.

C’est absolument, franchement scandaleux ! »

 

Nous remercions Juan Branco pour sa disponibilité.