Rédigé par Thalif Deen

 

Les États-Unis et 18 autres États membres de l’ONU ont été critiqués pour avoir refusé aux femmes le droit légitime à l’ « autonomie corporelle », c’est-à-dire le droit de disposer de son propre corps sans contrainte ni pression extérieure.

La directrice de Women’s March Global, Uma Mishra-Newbery, a déclaré à notre confrère, Inter Press Service que les Nations Unies travaillent pour faire progresser la lutte pour les droits des femmes.

 

Mais de nombreux pays membres du Conseil des droits de l’homme continuent de négocier la diminution des droits fondamentaux des femmes, a-t-elle souligné.

 

En septembre 2019, ajoute-t-elle, le monde a vu les États-Unis, en partenariat avec 18 autres États membres, présenter une déclaration affirmant qu’il n’existe pas de droit international à l’avortement.

Selon elle, les États membres de l’ONU ont également été témoins « des violations graves et persistantes des droits de l’homme en Arabie saoudite », notamment la torture continuelle des femmes défenseuses des droits de l’homme emprisonnées comme Loujain al-Hathloul.

 

« Pourtant, les Nations unies et les États membres ne parviennent pas à tenir l’Arabie saoudite véritablement responsable de ses actes. L’ONU doit tenir ces gouvernements responsables alors qu’ils œuvrent à priver les femmes de leurs droits sans aucune conséquence », a-t-elle déclaré.

 

Outre les États-Unis, les 18 pays retenus sont le Bahreïn, le Belarus, le Brésil, la République démocratique du Congo, l’Égypte, le Guatemala, Haïti, la Hongrie, l’Irak, la Libye, le Mali, le Nigeria, la Pologne, la Russie, l’Arabie saoudite, le Soudan, les Émirats arabes unis et le Yémen.

 

Les États membres qui refusent l’accès des femmes à un avortement médicalisé pénaliseraient environ 1,3 milliard de personnes, selon la Women’s March Global.

 

Dans le cadre d’une campagne mondiale pour les droits de procréation des femmes, la Marche mondiale des femmes a attiré l’attention sur « la suppression dangereuse et alarmante des droits des femmes à l’autonomie corporelle, attirant l’attention de la communauté internationale sur ces questions urgentes » .

Les 45 manifestations – le quatrième événement de cette année, avec la participation de millions de femmes et leurs partenaires – ont eu lieu en Afrique, au Canada, en Amérique centrale et du Sud, en Europe et en Asie.

Purnima Mane, ancienne sous-secrétaire générale de l’ONU et directrice exécutive adjointe du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), a déclaré à Inter Press Service que le rassemblement du 18 janvier organisé par le Woman’s March « arrive à un moment critique de notre histoire ».

Elle ajoute que seulement 48 des 58 pays membres des Nations unies avaient signé la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948.

Néanmoins, les Nations Unies, en tant qu’organisme, ont été limitées dans son action en faveur de l’avortement, en raison de son exclusion en tant qu’intervenant sur les traités des droits de l’homme, suite à une opposition importante de nombreux intervenants, a-t-elle ajouté.

« En revanche, ces traités ne sont pas juridiquement contraignants et certains pays considèrent spécifiquement que ces sujets sont couverts par le droit national ».

Par exemple, le Programme d’action (PA) de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) de 1994, se concentre sur l’obligation des gouvernements d’empêcher les avortements dangereux mais ne mentionne pas de légaliser l’avortement.

 

Cette obligation peut bien sûr ouvrir la porte à des débats nationaux sur les liens entre la santé globale des femmes et leur autonomie corporelle. Les traités internationaux sur les droits de l’homme que la plupart des gouvernements ont ratifiés soutiennent le droit des femmes à la liberté et à la santé.

Les Nations unies offrent souvent des tribunes aux pays qui ont déjà mis en œuvre ces droits avec succès pour montrer l’exemple et en tirer des enseignements, en intégrant plus largement les droits des femmes, y compris le droit à l’autonomie corporelle, a déclaré Purnima Mane, ancienne présidente et directrice générale de Pathfinder International.

Antonia Kirkland, responsable mondiale d’Equality Now, a déclaré à Inter Press Service que les femmes de l’ONU, aux côtés des gouvernements mexicain et français et des féministes du monde entier, ont choisi l’autonomie corporelle et les droits à la protection sexuelle et à la procréation comme l’un des six thèmes de la Coalition d’action du Forum pour l’égalité entre les générations à l’approche de Pékin 2025.

« C’est un signe encourageant qui montre que l’attention et les ressources sont concentrées dans cette direction et qui, espérons-le, peut aider à contrecarrer les initiatives visant à restreindre davantage l’accès à l’avortement dans des pays comme les États-Unis, ainsi que la grossesse et la maternité forcées dans les pays d’Amérique latine ».

 

Antonia Kirkland a déclaré que ces dernières années, on a assisté à un recul alarmant et soutenu de la santé et des droits sexuels et de procréation des femmes dans le monde entier.

Axer la première édition de Women’s March de la décennie sur l’autonomie corporelle revient à braquer les projecteurs sur l’oppression systématique qui continue d’empêcher les femmes d’exercer leur autonomie sur leur propre corps et leurs choix en matière de contraception, a-t-elle noté.

Selon Purnima Mane, l’avortement est en fait disponible dans de nombreux pays depuis des années, mais qu’il est fortement réglementé avec de sévères restrictions le rendant difficile d’accès.


Au cours des dernières années, ces restrictions ont connu une croissance rapide presque à travers tous les pays.

L’animosité envers la contraception complique la situation, même s’il est amplement prouvé que la prévention des grossesses non désirées grâce à l’accès à des moyens de contraception modernes permet de réduire les taux d’avortement, a-t-elle poursuivi.

 

« La combinaison des restrictions dans la pratique de l’avortement et de l’accès précaire à la contraception pour éviter les grossesses non désirées, conduit à une augmentation des avortements clandestins et des taux élevés de morbidité et de mortalité chez les femmes », explique Purnima Mane, qui a siégé au conseil d’administration de plusieurs organisations internationales à but non lucratif, notamment en tant que présidente du conseil des sages-femmes du Centre de recherches pour le développement international (CRDI) au Canada.

 

Purnima Mane a également souligné que le droit des femmes à l’accès à la contraception est la première étape essentielle préconisée par le UNFPA (Fonds des Nations unies pour la population) pour améliorer la santé et les droits procréationnels des femmes.

 

 

« Si les femmes reçoivent l’éducation et toutes les informations nécessaires, ont accès à des services et des ressources appropriés et bénéficient d’un environnement politique et contextuel favorable, leur capacité et leur droit à prendre des décisions concernant leur propre corps seront renforcés, ce qui sera bénéfique pour leur santé et leur bien-être ».

 

 

Elle a déclaré que les Nations unies aident les gouvernements nationaux à réaliser tout ce qui a est évoqué grâce au rôle de soutien qu’ils jouent aux niveaux mondial et national.

« Des organisations comme le UNFPA ont besoin de tout le soutien et de tous les encouragements possibles pour faire avancer le monde vers la réalisation de l’objectif consistant à faire en sorte que les femmes soient en mesure de prendre des décisions concernant leur propre corps et, en fin de compte, leur propre vie ».

Selon Antonia Kirkland, les Nations unies ont un rôle essentiel à jouer dans la protection des femmes et des jeunes filles, ce qui implique de travailler en partenariat avec les États membres pour garantir que chacun soit libre de prendre ses propres décisions concernant son corps et puisse accéder facilement à l’aide au planning familial, aux services de santé et à l’information.