Par Harro Colshorn

« Nous en avons assez » – Sous cette formule, une large alliance appelle à une manifestation à Berlin le 18 janvier. Cela fait déjà plusieurs années que cette manifestation a lieu au début de la Semaine verte internationale et montre l’exemple en matière d’agriculture écologique rurale, d’élevage respectueux des animaux, de lutte contre le changement climatique et de bonne alimentation.

L’UE encourage l’agro-industrie – avec de graves conséquences

Cette année en particulier, ces objectifs sont particulièrement d’actualité. La Politique agricole commune (PAC) de l’Union Européenne pour les années 2021 – 2028 est en cours de renégociation. Chaque année, l’UE soutient l’agriculture avec 60 milliards (!) d’euros – le plus gros poste du budget de l’UE. La majeure partie des profits des entreprises agricoles provient de cette aide de l’État. La règle actuelle est la suivante : si vous possédez beaucoup de terres, vous obtenez beaucoup d’argent. En effet, le soutien est principalement basé sur le nombre d’hectares des exploitations. Ainsi, les grandes fermes reçoivent beaucoup d’argent, les petites fermes, par contre, peu d’argent – en contraste flagrant avec tous les discours du dimanche pour la préservation de l’agriculture rurale !

Mais ce n’est pas tout : l’argent public n’est dépensé que pour la surface cultivée, mais pas pour les bienfaits de la société. Avec les conséquences qui en découlent : le déclin des fermes, les monocultures, le glyphosate et la perte de biodiversité, les méga-étables et la résistance aux antibiotiques, et le changement climatique.

Mais il existe un autre chemin : pour le bénéfice de tous, y compris l’environnement !

Beaucoup de gens montrent que les choses peuvent être faites différemment et mieux. De plus en plus d’agriculteurs pratiquent l’agriculture écologique et élèvent leurs animaux de manière respectueuse. De plus en plus de citoyens se décident pour des aliments de qualité et artisanaux de la région ou soutiennent solidairement les exploitations agricoles, et forment un mouvement pour un changement agricole et alimentaire mondial.

Le mouvement de l’économie du bien commun préconise une économie qui récompense l’activité économique orientée vers le bien commun. Il serait si facile de mettre ces idées en pratique dans l’agriculture, qui tire ses profits non pas du marché mais principalement des aides d’État : L’argent public pour le service public !

Un soutien y compris de la part des institutions de l’État

Ce ne sont pas seulement le Bund Naturschutz (Union allemande pour la protection de la nature), les associations d’agriculture biologique et les autres partisans de « Nous en avons assez » qui réclament une telle politique agricole, mais même des institutions étatiques telles que l’Agence fédérale de l’environnement (UBA) et la « Commission pour la politique agricole » du ministère fédéral de l’Alimentation et de l’Agriculture (BMEL).

Dans l’avant-propos du « Rapport sur l’environnement et l’agriculture 2018 », le président de l’UBA résume ainsi la situation : « La concentration sur quelques types de cultures, l’utilisation massive d’engrais et de pesticides dans les champs et de produits pharmaceutiques dans les étables, ou l’excès de lisier dans les régions où l’élevage est intensif sont préjudiciables à la biodiversité, contaminent les eaux souterraines et nos eaux de surface, polluent le sol et l’air et contribuent au changement climatique ». Pour réduire l’impact environnemental de l’agriculture, le président de l’UBA appelle à une réorientation des subventions agricoles de l’UE :

« La réforme de la politique agricole commune doit parvenir à ce que ce ne soient plus les exploitations qui occupent le plus de terres qui reçoivent le plus d’argent, mais celles qui font le plus pour l’environnement. »

Le lobby agricole et l’association d’agriculteurs continuent de résister

Dans son premier projet de réforme de la PAC, la Commission européenne propose des premiers pas timides dans cette direction. Elle s’inscrit dans le modèle à deux pôles en vigueur jusqu’à présent. Les paiements forfaitaires à la surface, qui représentent environ 73 % des aides, relèvent du premier pôle, le reste étant utilisé pour financer des programmes de développement rural dans le cadre du deuxième pôle, qui comprend les mesures agro-environnementales. La proposition de la Commission européenne prévoit qu’à l’avenir, comme par le passé, une prime de base par hectare sera versée via le premier pôle. Les agriculteurs pourraient compléter ce dispositif s’ils participent à une mesure environnementale. Il faut laisser aux États membres le soin de décider de la forme que cela doit prendre. Indépendamment de cela, les programmes de développement rural existants doivent être poursuivis dans le cadre du deuxième pôle.

Même ces propositions de changement timides vont trop loin pour le lobby agricole et l’association des agriculteurs. Ils veulent que tout reste comme avant. Les associations environnementales, quant à elles, réclament des mesures plus audacieuses.

Propositions concrètes pour un tournant agricole

Même le Conseil scientifique de la politique agricole du BMEL, dans son rapport d’avril 2018, plaide pour une politique agricole et rurale orientée de manière cohérente vers le bien-être public. Les paiements forfaitaires à l’hectare actuels ne soutiendraient ni les agriculteurs particulièrement démunis ni les agriculteurs particulièrement engagés sur le plan environnemental. Une grande partie de l’argent serait de toute façon répercutée sur les propriétaires fonciers par le biais des loyers. Le Conseil fait des propositions concrètes pour la réorientation du soutien agricole et souligne que cela nécessite une « affirmation politique ». Malheureusement, la ministre allemande de l’Agriculture Julia Klöckner n’a pas encore montré de signes d’une telle affirmation ni même d’une position claire.

Il est donc d’autant plus important de soutenir les associations agricoles et environnementales critiques et les actions menées dans le cadre de « Nous en avons assez » et de promouvoir ainsi une bonne orientation commune en matière d’alimentation et d’agriculture.

Assez avec le principe de l’arrosoir !

  • Subventions uniquement pour une agriculture respectueuse de l’environnement et du climat !
  • Fonds publics uniquement pour l’élevage respectueux des animaux !
  • Des soutiens plus importants pour les petites et moyennes exploitations agricoles qui produisent des produits alimentaires sains pour nous tous !

 

Les soutiens de la manifestation du 18.01. à Berlin. Informations complémentaires sur : www.wir-haben-es-satt.de

 

Traduit de l’allemand par la rédaction francophone