Ce samedi 6 juillet il y a lieu un rassemblement au Port de Nice (Quai des docks) pour manifester la solidarité à l’équipage du navire Sea-Watch3 et pour crier le désaccord avec les politiques italiennes, françaises et européennes concernant l’accueil des migrants, puis pour affirmer les valeurs humanistes et de fraternité dans la Mer Méditerranée.

Voici le discours/appel lu à la fin du rassemblement :

Avec un tweet daté 24 septembre 2018, pendant la crise de l’odyssée de l’Aquarius, un député niçois demandait « au gouvernement français de refuser l’entrée de l’Aquarius à Marseille ». Il ajoutait que « aucun port français ne doit devenir Lampedusa ». Ce n’était pas la première fois que ce député intervenait sur le sujet. Avec une note publiée le 14 août 2018 sur son site, à l’époque où nos amis de l’association « Tous citoyens » avaient lancé une pétition pour accueillir l’Aquarius au port de Nice, il se demandait « pourquoi ces bateaux, s’il ne s’agit que de sauver des vies, n’accostent-ils pas en Libye, en Tunisie ou en Algérie ? ». Son discours est en totale continuité avec celui tenu par le ministre italien Matteo Salvini et l’extrême droite italienne. Les nombreux rapports internationaux et la tragédie qu’a connu la Libye cette semaine avec le bombardement d’un camp de rétention de migrants, ont prouvé que la Libye, pays en guerre civile, non, n’est pas un port sûr. Pas plus que la Tunisie ne peut être un port sûr et une destination pour les migrants, puisque la législation de l’état tunisien à propos de la protection internationale est floue et n’assure pas de tout la sécurité des migrants.

Nous pensons que la ville de Nice, la plus grande ville française de la Méditerranée avec Marseille, c’est une ville dont l’histoire a été toujours une histoire marquée par l’accueil et par la mixité, comme toute les grandes villes portuaires ou de frontière éparpillées aux quatre coins de la Méditerranée : Palerme, Naples, Tanger, Marseille, Algésiras, Barcelone, Oran, Alexandrie, Athènes, Beyrouth et toutes les autres grandes villes portuaires qui ont permis, avec leurs échanges millénaires depuis la traversée des premiers bateaux phéniciens et l’installation des premiers emporium dans ce grand espace bleu qu’est la Méditerranée, de créer une identité commune, une identité transnationale capable de rassembler l’occident et l’orient, le nord et le sud : l’identité méditerranéenne. D’ailleurs, il ne faudrait jamais oublier que le nom même d’Europe vient de l’Orient, puisque c’était selon le mythe, le nom de la princesse phénicienne de Tyr, dans l’actuel Liban. L’Europe a ses origines dans l’Orient, et c’est l’histoire d’un espace où longtemps la mer reliait les terres plutôt que les séparer comme un mur.

Nous croyons que la ville de Nice mérite bien mieux qu’être représentée par les mots d‘un député niçois qui reflètent d’ailleurs une tendance bien répandue parmi les dirigeants politiques européens, car Nice a contribué tout au long de son histoire à participer et forger cette identité méditerranéenne à laquelle nous croyons. Une identité, celle méditerranéenne que selon Jacques Hutzinger est « d’abord culturelle. Cette identité méditerranéenne nous appartient, à nous européens du Sud et Maghrébins, et elle traverse nos autres appartenances, notre appartenance à l’Europe ou au monde arabe, à la chrétienté ou à l’islam, au monde développé ou au monde sous développé. Nous avons oublié que nous étions également méditerranéens et pas seulement atlantiques, occidentaux ou arabo-islamiques. Il y a parenté de culture et de mode de vie, fondée sur la lumière, la vigne, l’olivier, le verbe, le geste, mais aussi le dialogue, l’ouverture, la réflexion mais encore la sensibilité, l’affectif, la mémoire. »

Et alors oui, que Nice puisse être à la hauteur de son histoire et un symbole d’ouverture et d’accueil, de sensibilité et de lumière. Nous demandons à Christian Estrosi, Maire de Nice, de déclarer sa disponibilité à accueillir les bateaux des ONG comme la Sea-Watch, l’Acquarius, la Mediterranea, l’Alan Kurdi, et à accueillir les réfugiés. Ce port de Nice est grand. D’un côté à l’autre les grands yachts de luxe et les grands bateaux de croisière et touristiques en dessinent la forme. Nous, aujourd’hui, nous avons choisi de nous retrouver ici au Quai des Docks, face aux pointus, ces petits bateaux en bois à voile latine si proches de ce qu’on retrouve partout en Méditerranée, et qui représentent comme l’olivier et la vigne, ce que dans le monde ancien les grecs appelaient une koiné, une langue commune entre locuteurs de langues maternelles différentes. Ouvrons le port de Nice pour en faire un sanctuaire et un noyau de résistance pour tous les citoyens appartenant à une même patrie : la Méditerranée.

 

Voir aussi : Rassemblement citoyen à Nice en soutien de l’équipage du navire Sea-Watch3