Le président équatorien menace de statuer bientôt sur le droit d’asile de Julian Assange, après que son gouvernement ait faussement accusé WikiLeaks de publier des dossiers sur un scandale qui menace de faire tomber le président.

Auteur Elizabeth Vos
Article original sur Consortium News

Le président équatorien Lenin Moreno a déclaré mardi qu’il déciderait « à court terme » du sort de Julian Assange après avoir affirmé que WikiLeaks avait « violé à plusieurs reprises » les conditions de l’asile d’Assange à l’ambassade d’Equateur à Londres en commentant un scandale liant une société panaméenne d’investissement à Moreno et sa famille.

Ces conditions, ou protocole, ont été imposées par l’Équateur à Assange en mars 2018 et lui interdisent de faire des commentaires publics sur des questions politiques en échange de l’autorisation de rester un réfugié à l’ambassade. Assange n’a jamais accepté le protocole, qui est en contradiction avec le droit international des réfugiés garantissant la liberté d’expression. De plus, il n’y a pas de protocole sur WikiLeaks, qui a toujours un compte Twitter fonctionnel.

Le président équatorien Lenin Moreno a déclaré aujourd’hui qu’Assange a « violé les « conditions » de son asile » et qu’il « prendra une décision » « à court terme » après que @WikiLeaks ait rapporté l’existence du scandale de corruption offshore #INAPapers qui a ravagé son gouvernement, » a indiqué mardi WikiLeaks sur Twitter.

WikiLeaks avait rapporté le scandale impliquant prétendument Moreno et sa famille avec INA Investments Corp, bien que WikiLeaks n’ait publié aucun document relatif à cette affaire. Le porte-parole de Moreno, cependant, a laissé entendre que WikiLeaks l’a fait. Une recherche sur le site Web de Wikileaks ne montre aucun fichier de ce type.

Selon Telesur English, le scandale est apparu en février, lorsque le législateur équatorien Ronny Aleaga a déclaré aux journalistes qu’il avait « reçu un dossier rempli anonymement de documents qui impliqueront Lénine Moreno et sa famille dans des crimes présumés de corruption, de parjure et de blanchiment de capitaux ». Le dossier est connu sous le nom de documents de l’INA.

L’histoire a été rapportée pour la première fois par le journal équatorien La Fuente dans un article intitulé : « Le labyrinthe offshore du Cercle présidentiel ». Les médias équatoriens ont rapporté que le bureau du procureur général a ouvert une enquête préliminaire et que Aleaga serait convoqué jeudi pour « donner sa version et reconnaître sa plainte ».

La présidente de l’Assemblée nationale, Elizabeth Cabezas, a également fait l’objet d’une enquête après avoir prétendument tenté d’empêcher une enquête sur ce scandale, a rapporté le journal public El Universo.

Blâmer WikiLeaks

Moreno en difficulté s’est jeté sur WikiLeaks et Assange.

Le porte-parole du président équatorien a affirmé hier soir que Maduro, Assange et le chef de l’opposition du pays, @MashiRafael, tentent de faire tomber le gouvernement, après un scandale embarrassant de dépenses offshore et somptueuses [@INAPapers / #INAPapers], a surgi la semaine dernière », a indiqué WikiLeaks.

Le journal équatorien el Telegrafo a rapporté :

« L’Australien a fondé le portail WikiLeaks, qui dans les derniers jours a diffusé des communiqués de presse et des images de la vie privée du président Lenin Moreno. Les fuites faites par WikiLeaks sur les communications électroniques du président Lenin Moreno motiveront des actions en justice, au niveau international, contre les directeurs dudit site, comme l’a annoncé le Chancelier de l’Equateur José Valencia. »

Moreno semble avoir tenté de détourner l’attention du scandale croissant en l’utilisant comme prétexte pour blâmer WikiLeaks et expulser Assange.

L’ancien consul à l’ambassade de l’Equateur à Londres, Fidel Narvaez, a répondu à l’accusation de Moreno en disant que WikiLeaks n’a jamais publié les documents de l’INA, mais a simplement twitté à ce sujet.

Narvaez a écrit :

« Il est absurde que le gouvernement de Lénine Moreno ait l’intention de lier Assange à des publications de pages sans aucun rapport avec Wikileaks, ou avec le contenu du New York Times, et il serait ridicule que l’accusation enquête sur une « fuite » qui n’existe pas, mais seulement dans les fausses nouvelles publiées par le journal que vous[Lenin Moreno] dirigez. »

Il a ajouté : « Il y a exactement un an, le gouvernement de Lénine Moreno a isolé Julian Assange dans un régime qui est presque une prison, qui depuis lors n’a pas publié un seul tweet. Le gouvernement cherche un prétexte pour mettre fin à l’asile de Julian et prépare les conditions pour soumettre le pays à une humiliation historique. »

Dans un article séparé, traduit électroniquement, Narvaez a fait valoir : « Bien qu’il s’agisse d’une accusation scandaleuse, la farce est allée si loin que l’Assemblée nationale équatorienne a publié une résolution pour enquêter sur Julian et qu’elle encourage le gouvernement à prendre des mesures pour  » protéger les intérêts nationaux « . Bref, le gouvernement cherche un faux prétexte pour mettre fin à l’asile et à la protection de Julian Assange. »

L’avocate et auteure Eva Golinger, une analyste latino-américaine, a également écrit sur Twitter (traduction électronique) : « Cette [accusation] est complètement fausse. Wikileaks n’a divulgué aucun document sur la corruption de Lénine Moreno. Ils n’ont envoyé qu’un tweet faisant référence aux preuves sur les actions illicites de Lénine qui avaient été publiées par d’autres médias. Blâmer Assange est irresponsable. »

Golinger ajouté dans un tweet séparé : « Ces fausses accusations font partie des efforts de @Lenin pour justifier la restitution illégale de Julian Assange aux Etats-Unis. Puisqu’il n’y a pas de base légale pour le faire, ils inventent des choses. Dangereux, irresponsable et une violation des droits de l’homme. »

Les accusations de Moreno ont été reprises par de grands organes de presse équatoriens tels que el Telegrafo, qui a rapporté que le secrétaire à la communication de l’Équateur avait accusé le président du Venezuela, Nicolas Maduro, de « financer les attaques de Julian Assange, pour mettre fin à la paix en Équateur et dans la région, et même de relier l’ancien président équatorien au plan ».

En décembre dernier, le New York Times a rapporté qu’en mai 2017, Paul Manafort s’est envolé pour l’Équateur pour des négociations avec le président Moreno, au cours desquelles ce dernier a discuté de la remise d’Assange en échange de « concessions comme l’allégement de la dette des États-Unis ». Le Times a cité « trois personnes familières avec les pourparlers, dont les détails n’ont pas encore été rapportés. »

Assange a demandé et obtenu l’asile à l’ambassade de l’Équateur à Londres en juin 2012. Il craint que s’il quitte l’ambassade, il soit arrêté pour avoir sauté la caution et extradé vers les États-Unis pour avoir publié des documents classifiés. Sous le gouvernement précédent du président Rafael Correa, le gouvernement équatorien a largement soutenu Assange, une attitude qui a beaucoup évolué sous Moreno.

Le scandale INA Papers a continué d’affaiblir le gouvernement Moreno, déjà impopulaire. Correa a tweeté (traduit électroniquement) le dimanche : « La fin est arrivée ! Il y a du désespoir à Carondelet [palais présidentiel]. Dans quelques heures, Moreno va essayer de partir pour des raisons de santé. La réalité : il sait qu’il est coupable. Nous avons toujours montré qui étaient les corrompus. Je m’excuse seulement d’avoir fait confiance à ce vaurien. »

 

traduction : Xavier Foreau