Vidéo réalisé par Xavier Foreau | Photos : Claire Beilvert

Interview d’Alexandre Dereims[i], grand reporter et réalisateur de documentaires (prix Albert-Londres en 2009), lors de la présentation à Bordeaux de son dernier documentaire intitulé « Nous sommes l’Humanité », porteur du message pour le peuple des Jarawas[ii].

Qui sont les Jarawas ?

« C’est un peuple afro-asiatique qui vit sur les iles Andaman[iii] en Inde. Ceux sont des iles situées de l’autre coté du golfe du Bengale, et les Jarawas sont les derniers descendants des premiers humains partis d’Afrique il y a 70 000 ans, isolés sur cette ile et restés totalement intacts. »

« Aujourd’hui, ils sont menacés de génocide par le gouvernement indien. Ils ne sont plus que 400. Ils sont victimes d’un zoo humain puisqu’une route traverse leur forêt et tous les jours l’armée indienne accompagne des dizaines de 4×4 chargés de touristes qui ont payé pour prendre des Jarawas en photos. Il faut vous imaginer que la police va chercher les Jarawas dans ce territoire qui est sensé être sanctuarisé, et les forcent à se tenir au bord de la route pour que les touristes puissent les prendre en photo et leur jeter des bananes, ce qui est absolument abject et abominable. »

Quel est leur message ?

« Ça a été une des premières motivations pour faire ce film et aussi le fait qu’on ne leur avait jamais donné la parole. »

« Nous sommes donc allés les rencontrer avec leur autorisation ; d’ailleurs c’est pour ça qu’ils ne nous ont pas criblés de flèches, parce qu’ils ont plutôt l’habitude de se défendre contre les intrus en dehors de cette route. »

« On l’a fait aussi sans autorisation du gouvernement indien, donc c’était quand même assez risqué de faire ce travail, mais vraiment indispensable de recueillir leur témoignage et surtout leur message d’auto-détermination : les Jarawas veulent rester comme ils sont, ils ne veulent pas devenir indiens, ils veulent que leur territoire soit sanctuarisé, et continuer à vivre comme ils le font depuis 50000 ans. »

« Le message que nous donnent les Jarawas est un message humaniste très fort parce qu’ils vivent dans une société totalement égalitaire sans hiérarchie, sans chef, sans domination homme / femme. C’est une société qui est basée sur l’autonomie, la conscience et la solidarité, c’est assez exceptionnel et extraordinaire de voir un peuple qui vit comme ça. »

« C’est de voir le bonheur extraordinaire qu’ils ont, de cette manière de vivre, qui génère un bonheur profond, être impliqué tous ensemble, par rapport à ses propres compétences, ses talents, sans que l’on nous ordonne quoi que ce soit, impliqués dans un projet commun pour le bien de tout le monde : c’est surement une des grandes recettes du bonheur. »

« Ce film qui se nomme « Nous sommes l’Humanité », sorti au cinéma le 2 mai 2018, est toujours visible en VOD[iv]. Il porte ce message humaniste que je pense être absolument indispensable à notre époque qui voit l’effondrement de notre civilisation, et de notre mode de vie qui est en train de détruire notre planète. »

Quels enseignements pouvons-nous en tirer ?

« Évidemment on ne va pas redevenir des Jarawas, nus dans la jungle, vivant de chasses et de pêches. Nous en serions bien incapables. Mais il y a dans ce film, en regardant les Jarawas, un enseignement à tirer sur notre façon de nous organiser ensemble. »

« On ne peut pas abandonner nos hiérarchies comme ça évidemment, parce que ce sera le chaos. Mais on peut peut-être essayer. »

« Je pense que ce type d’organisation sociale est particulièrement adapté à tout ce qui est organisation de type ONG, parce qu’en effet ce sont des organisations porteuses d’un message universel de solidarité. Je pense qu’elles ont un particularisme qui leur permet de prendre en compte ces considérations sociales basées sur l’égalité, la confiance et l’autonomie. »

Quelles sont les actions possibles ?

« En plus de mon travail de réalisateur, j’ai réalisé ce film avec ma femme Claire Beilvert[v] qui est productrice, et mon directeur photo Raphaël Bauche[vi]. »

« On a été tous les trois là-bas, et risqué jusqu’à 28 ans de prison pour faire ce film. C’était très compliqué à faire, on a mis 6 ans. »

« On s’est rendu compte qu’il fallait que l’on investisse aussi le champ militant, parce qu’aucune organisation ne défend leurs droits, ni ne transmet leur message d’auto-détermination. Donc on a lancé une pétition[vii] en ligne sur le site jarawas.com. Vous pouvez signer cette pétition qui demande la fermeture de cette route où il y a ce safari photo, ce zoo humain. On a 265000 signatures déjà. Et puis vous pouvez contribuer financièrement en louant le film en VOD, toujours sur ce même site ou acheter un livre photo [viii] dont 50% du prix de ce livre (hors du coût de fabrication) est versé à l’association Jarawa. »

« Cela va nous aider à continuer à avoir plus de pétitions, notre but est de réunir un pôle de juristes pour nous aider à porter leur message et leurs droits auprès des grandes institutions internationales comme l’ONU, et évidemment au gouvernement indien. »

 

Notes

[i]Alexandre Dereims : https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Dereims

[ii]Peuple Jarawa : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jarawa

[iii] Iles Andaman : https://www.openstreetmap.org/#map=8/12.383/92.016

[iv]Film en VOD : https://www.wearehumanitymoviefr.com

[v]Claire Beilvert – The Jarawa Chronicles : https://clairebeilvert.photoshelter.com/

[vi]Raphaël Bauche : http://la-toupie.fr/reference/directeur/raphael-bauche/qui-se-souviendra-des-hommes/

[vii]Pétition : http://www.organicthejarawa.com/

[viii]Livre photo : https://www.wearehumanitymoviefr.com/products/photobook