« Les mots ne peuvent suffire à exprimer ma gratitude à chaque organisateur, chaque modeste donateur d’un dollar, à tous les parents travailleurs et aux rêveurs qui ont aidé à concrétiser ce mouvement, » a déclaré Alexandria Ocasio-Cortez à la foule enthousiaste qui s’est rassemblée à la fête nocturne pour célébrer son élection au Congrès [N.d.T. 6 novembre 2018]. « C’est exactement ça, pas une campagne ou un jour de scrutin, mais un mouvement, un mouvement plus grand pour la justice sociale, économique et raciale aux Etats-Unis d’Amérique. » Alexandria Ocasio-Cortez, ou « AOC » pour ses militants, est la femme la plus jeune jamais élue au Congrès. Cette femme de 29 ans, de la génération du millénaire, native du Bronx et d’ascendance portoricaine, est une fière militante des Sociaux Démocrates d’Amérique. Elle marque une inflexion majeure dans la politique électorale américaine. Au milieu d’un climat de violence nationaliste blanche liée à la présidence de Donald Trump, les élections de mi-mandat de 2018 introduisent un groupe d’élus représentant la diversité du pays comme jamais elle ne l’a été.

Alors que les Républicains renforcent leur majorité au Sénat américain, les Démocrates ont pris le contrôle de la Chambre des représentants. De nombreuses élections restent trop contestées pour conclure, notamment la lutte serrée et très observée pour le siège de gouverneur de Géorgie entre Stacey Abrams, qui deviendrait la première femme gouverneur afro-américaine du pays, et Brian Kemp, qui a refusé de se récuser comme Secrétaire d’Etat républicain pour la Géorgie, supervisant ainsi l’élection à laquelle il est candidat. Kemp, attaqué en justice pour sa campagne raciste de suppression d’électeurs, est légèrement en avance dans le décompte des voix, mais des milliers d’urnes doivent encore être dépouillées et Abrams refuse de concéder une défaite.

Cette élection a collectionné les premières. Au niveau national, un nombre historique de femmes était en lice. C’est la première fois que plus de 100 femmes entreront au Congrès. L’institutrice du Connecticut Jahana Hayes et la conseillère municipale de Boston Ayanna Pressley sont les premières femmes représentant leurs Etats au Congrès. Sylvia Garcia et Veronica Escobar sont les premières Latinas élues au Congrès pour le Texas. Au début du scrutin, dans le district Escobar à El Paso, la police des frontières américaine a entamé un exercice de « contrôle de foules » surprise, et ne l’a annulé qu’après une manifestation publique contre la tentative manifeste d’intimider les électeurs latinos.

Deb Haaland du Nouveau Mexique et Sharice Davids du Kansas sont devenues les premières femmes amérindiennes élues au Congrès. Davids est aussi lesbienne et une ancienne professionnelle du kickboxing.

Rashida Tlaib et Ilhan Omar sont les deux premières femmes musulmanes élues au Congrès. Tlaib, militante de Detroit, prend la succession de John Conyers. Elle sera la première représentante palestino-américaine. Elle déclare qu’elle emporte son mégaphone à Washington. Elle a déclaré à ses militants « Je vais vous élever par tous les moyens, non seulement par mon travail parlementaire, mais aussi en combattant chaque structure raciste ou oppressive qui doit être mise à bas, parce que vous méritez mieux. »

La législatrice du Minnesota Ilhan Omar est la première Américaine d’origine somalienne élue au Congrès. Dans son discours de victoire, elle a déclaré « Je me trouve ici cette nuit, en tant que représentante élue au Congrès, avec plusieurs « premières » associées à mon nom : première femme de couleur représentant notre Etat au Congrès ; première femme portant un hijab… et première réfugiée jamais élue au Congrès. »

Ces personnes ne sont que quelques-uns des agents du changement sortis victorieux des urnes au terme des élections de mi-mandat de 2018. Nombre d’entre eux soutiennent des politiques progressistes comme « l’aide médicale pour tous », un salaire horaire minimal de 15 dollars, des études universitaires sans endettement et une réforme complète du système d’immigration, ils sont aussi très préoccupés par le changement climatique.

Oui, la base a secoué la cime, mais il faudra encore voir si l’orientation dangereuse de notre pays vers l’autoritarisme tremble sur ses fondements. Le Président Donald Trump représente un mur, littéralement et figurativement. Les élections de mi-mandat de 2018 ont transformé ce mur en porte. Savoir si cette porte sera enfoncée ou verrouillée ne dépend pas que des élus, mais aussi des personnes qui les ont placés à ces postes. Ces élections ne sont pas une fin en elles-mêmes. Des temps comme ceux-là, sont ceux où les mouvements peuvent avoir le plus grand effet.

Plus de 110 millions de personnes ont voté, beaucoup plus que dans les élections de mi-mandat précédentes. Mais la moitié des électeurs potentiels sont restés chez eux ou ont été exclus par les tactiques de plus en plus répandues d’exclusion d’électeurs déployées dans tout le pays. Les mouvements qui ont soutenu ce résultat électoral historique pour les femmes et pour la diversité doivent aussi œuvrer pour augmenter l’implication, l’émancipation et la participation électorale. L’une des plus grandes victoires de la semaine fut l’adoption du quatrième amendement de Floride, rendant le droit de vote à 1,4 millions de Floridiens condamnés pour crime. C’est l’un des principaux actes pour les droits électoraux depuis le droit de vote des femmes en 1920. Il devrait être étendu à tout le pays.

A présent que ces représentants nouvellement élus entrent en fonction à la suite de ces campagnes très disputées, le vrai travail commence.

 

Traduction de l’anglais, Serge Delonville

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