Par Gabriel Bulgach

Début août, Walter Festa, maire de Moreno (N.d.T. situé à l’ouest de la capitale argentine, Moreno est l’un des districts les plus peuplés de la province de Buenos Aires), a signé le décret par lequel le sous-secrétariat à la Nonviolence et au développement humain entre en fonction. Ce sera une expérience sans précédent en Argentine, notamment par la désignation d’un humaniste au développement de sa fonction. Nous transcrivons la conversation que nous avons eue avec Alejandro Roger, le récent directeur du nouvel espace institutionnel.

Comment est né le projet d’un espace institutionnel orienté vers la promotion de la Nonviolence et du développement humain ?

Après l’expérience qui nous a conduit à Moreno, la Première Marche Mondiale pour la Paix et la Nonviolence, ceux d’entre nous qui ont participé à différentes activités liées à l’humanisme et au Message de Silo, avons décidé de donner vie au Conseil pour la Paix et la Nonviolence, avec de nombreux acteurs sociaux (groupes d’enseignants, militants du secteur de la santé, activistes sociaux, groupes de voisins). Un point exclusif qui a marqué et marque les activités de cet espace est que la Nonviolence soit une politique d’État, non seulement dans cette municipalité mais aussi dans la province de Buenos Aires et dans notre pays. Toutes les activités qui se sont développées à partir de cette construction, ont été consacrées à fournir des outils à toutes les organisations, groupes de quartier et institutions éducatives, sociales, politiques et culturelles. Ces activités sont : prise de contact avec notre intériorité et nos pratiques de connaissance de soi, la sensibilisation de leurs propres actions, la prise de conscience des besoins pratiques de démocratie directe et participative afin que le groupe social dispose du pouvoir décisionnel, en fonction de la direction de notre destin en tant que société, de notre présent et de notre futur.

L’expérience de la multiplicité des ateliers, des journées, des activités développées et la nécessité d’avancer dans les propositions de socialisation des dispositifs, ont conduit à la création d’un appareil politique qui nous permettrait de progresser localement pour contribuer à la politique par la théorie et la pratique de la Nonviolence dans tous ces domaines. C’est ainsi qu’est né le Mouvement Humaniste de Voisinage (MoVeH), qui s’appuie sur son support central, dans la mise en œuvre du plan humaniste municipal, en se référant au livre Lettres à mes amis, de Silo, Lettre 10, point 3. Le MoVeH, dans un processus franc d’adaptation croissante, s’est développé depuis son origine au contact de la diversité politique, nous amenant à participer à différents espaces politiques orientés vers la construction de l’Unité dans la diversité, dans l’action et la lutte, dans le contexte de notre pays où un modèle politique égoïste, violent et anti-humaniste parvient à faire évoluer, non seulement la politique locale mais également en Amérique latine, détruisant tout progrès réalisé par les gouvernements sensibles socialement, et accélérant rapidement les conditions conduisant à la destruction du tissu social, et ce jusqu’à aujourd’hui. Dans cette édification, des progrès sont réalisés dans la création de campagnes en collaboration avec de nombreuses organisations, avec pour objectif un Plan de lutte Nonviolente pour la défense de la démocratie et des droits acquis, mettant l’accent sur la désobéissance civile comme instrument d’autodéfense contre le monopole institutionnel de la violence.

C’est dans ce contexte que se déroulent les conversations avec des acteurs du gouvernement local de caractéristiques populaire et participatif, en ayant une série d’entretiens approfondis avec le chef du gouvernement local sur la nécessité que la Nonviolence (physique, économique, ethnique, psychologique, institutionnelle, sexuelle, de genre, ou symbolique) soit une politique d’État, en mettant en œuvre les mesures institutionnelles nécessaires afin que l’on puisse agir de manière décisive au niveau politique dans cette voie.

C’est à ce stade qu’a été mis en place un décret du maire de la municipalité de Moreno, approuvé par le Secrétariat du Gouvernement : la création du Sous-secrétariat à la Nonviolence et au développement humain. Pour la première fois dans l’organigramme d’une municipalité, a été mis en place un espace visant à faire de la Nonviolence une politique étatique.

Quelles seront les lignes de travail et les objectifs généraux du Sous-secrétariat à la Nonviolence et au développement humain ?

Les lignes de travail seront les suivantes :

– Mettre en œuvre les politiques de l’État visant à prévenir et à surmonter la violence personnelle et sociale sous toutes ses formes.

– Coordonner et créer des politiques de mise en œuvre globales sur les questions qui génèrent de la violence.

– Effectuer un travail structurel pluraliste et interconnecté et concevoir des mises en œuvre coordonnées conjointement avec toutes les organisations, associations civiles et institutions politiques, religieuses, culturelles, sportives et éducatives qui travaillent, ou dont les objectifs impliquent de surmonter toutes les formes de violence, de discrimination et/ou souffrance personnelle et sociale.

– Former, façonner et promouvoir des outils clairs pour l’exercice de la Nonviolence en tant que nouvelle culture en cours, en insérant une politique étatique Nonviolente, allant dans le sens du dépassement du colonialisme culturel violent dans lequel nous avons été formés, en favorisant la reconstruction du tissu social.

Photo Gabriel Bulgach

Quand le sous-secrétariat sera-t-il opérationnel et où sera-t-il mis en place ?

La gestion est déjà en cours. Le 2 août dernier, suite à une fuite de gaz et une explosion dans la 49e école du quartier San Carlos de Moreno, la directrice adjointe de l’école, Sandra Calamano et son collègue Rubén Rodriguez ont été tués. La violence institutionnelle est mise en évidence par le manque d’engagement des gouvernements national et provincial, ainsi que le conseil d’école local intervenu pendant 1 an pour le gouvernement provincial, prenant en charge la gestion de ceux qui avaient été élus par le vote populaire.

Dans ce contexte, qui a touché l’ensemble de la communauté locale, une équipe municipale de contrôle a été mise sur pied, dont nous faisons partie depuis le début. A partir de notre position, nous nous sommes mis à la disposition de la direction et de la communauté – en parvenant à articuler des réponses communes avec les mères des élèves et les enseignants, qui se sont retrouvés sans bâtiment où ils pouvaient donner leurs cours et recevoir un repas – en aidant à coordonner ces premières mesures. Nous collaborons à la formulation d’une réponse commune avec différents domaines de l’assistance sociale et psychologique, de l’éducation au niveau ministériel, de la santé mentale et du territoire en matière de droits. Nous avons lancé des ateliers quotidiens avec des outils de relaxation et des expériences de paix. Nous coordonnons une prochaine journée avec les enseignants des écoles de la région. Nous accompagnons par des médiations le conflit pédagogique et son approfondissement dans la recherche de solutions. Nous avons commencé à concevoir une stratégie qui conduirait à un transfert collectif après l’explosion et ses conséquences, en partant du projet d’une fresque de création collective par la technique de la mosaïque, avec la participation des enseignants, des parents, des élèves, et des membres de la communauté, afin de produire une création collective de messages. Cela a également été développé dans d’autres écoles par des bénévoles avec qui nous partageons sensibilité et stratégie de gestion. Nous mettons à la disposition des différents acteurs sociaux, les Parcs d’étude et de réflexion de La Reja, afin d’accompagner les échanges conduisant à la résolution des conflits.

Cette expérience nous a mis en mesure de faire avancer notre gestion dans la pratique, sur le territoire et pour un conflit concret.

D’autre part, la Direction des Musées a proposé la création d’un couloir culturel de Moreno, on prend les Parcs d’étude et de réflexion de la Reja, un des points culturels, comme un centre inspirant de la Nonviolence dans la culture populaire locale. A partir de ce concept, nous avons participé à des rencontres avec le Conseil pour la Paix et la Nonviolence (association civile à but non lucratif), le Sous-Secrétariat à la Culture et la Direction générale des musées, où se dérouleront des visites guidées avec des élèves des écoles, des expériences sur les symboles du Parc (portail, monolithe, fontaine, salle), des entrées dans les espaces intérieurs, des contacts avec le profond, des expériences artistiques dans la Salle et des échanges sur les expériences de la visite expérientielle dans la salle polyvalente.

Le fonctionnement de la gestion Nonviolente se situe essentiellement dans les différentes sphères du travail social, culturel, politique, éducatif, spirituel, de quartier et dans le travail institutionnel. Conscients des limites budgétaires de notre municipalité, nous avons opté pour un accompagnement qui implique un engagement et un véritable militantisme, tenant compte du contexte économique dans lequel nous vivons aujourd’hui, en donnant le meilleur de chacun d’entre nous.

Comment les voisins et les organisations sociales peuvent-ils contacter le sous-secrétariat ?

Ce mois d’août a été notre premier mois de gestion et de création de la zone qui dépend du Secrétariat du Gouvernement. Comme il s’agit d’une nouveauté dans l’organigramme municipal, il y a encore de nombreux liens et relations à établir, ainsi que des espaces de gestion physique, etc. Aujourd’hui, tout voisin, toute organisation ou institution peut nous contacter en s’adressant au siège central de la municipalité ou à ses délégations. Également par mail : subsecretarianoviolencia@moreno.gov.ar

Quels types de programmes ou de services seront mis à disposition ?

Dans notre programme de travail, nous avons des objectifs à court, moyen et long terme, conscients que les aspirations planifiées ont un caractère complexe, car elles vont vers la reconstruction du tissu social et la sensibilisation à la nécessité de matérialiser une nouvelle culture, celle de la Nonviolence, comme un paysage essentiel où se forment les nouvelles générations.

Dans les différentes étapes que nous avons proposées se trouve : la création du premier observatoire de la violence, composé de personnes provenant de différents domaines : santé, éducation, culture, développement social, organisations sociales ; mise en place de formateurs à la Nonviolence au niveau municipal (formation déjà adoptée par l’UTN) ; développer le diplôme de Nonviolence (qui est aujourd’hui proposé à l’Université populaire d’Escobar et les contacts commencent à l’UNM) ; création du Programme de médiateurs pour la paix sociale ; mise en œuvre du Programme d’accompagnement en soins palliatifs, « l’art de l’accompagnement » (mis en œuvre par l’équipe de bénévoles en soins palliatifs de l’hôpital Tornú) ; création du Conseil municipal de la Nonviolence (composé d’organisations, d’institutions, d’espaces institutionnels et de municipalités) ; des ateliers sur les méthodes de Nonviolence et les pratiques de connaissance de soi, ainsi que la pratique et la stratégie de lutte Nonviolente pour tout groupe de voisins, organisation ou institution qui le souhaite ; chercher à créer des centres de communication directe dans les différents quartiers de Moreno.

Aujourd’hui nous avons 2 Directions Générales :

Direction générale de la gestion de la Nonviolence, dont les axes centraux sont :

  1. Réaliser un plan systématique global, formel et informel pour la mise en œuvre de la formation et de la création d’une prise de conscience Nonviolente, dans tous les domaines, dans les organisations intermédiaires et de quartier.
  2. Mettre en place des outils accessibles à tous les voisins de la commune de toutes les délégations municipales (manuel de formation des individus, des organisations et des réseaux solidaires avec la méthodologie de la Nonviolence active).
  3. Coordonner des sessions de formation continue sur la méthodologie de la Nonviolence active et fournir des informations aux organisations sociales sur le self défense non violent. Application de programmes existants éducatifs ou non. Promotion et ouverture de centres de communication directe.

Et la Direction Générale du Développement et de l’Intégration Humaine dont les axes principaux sont :

  1. Développer des politiques participatives chargées d’étudier les formes de mise en œuvre de la démocratie directe qui rendent possible une plus grande participation du voisinage à la prise de décision.
  2. Conseiller et agir sur la détection du risque de conflit social, en étudiant et en donnant des outils démocratiques et non violents pour leur résolution : référendum, plébiscites, consultations populaires obligatoires parmi d’autres instruments de politique étatique Nonviolente.

Nous considérons que ces premières étapes dans la mise en œuvre d’une politique d’État Nonviolente dans la municipalité sont une condition de départ pour sa multiplication à d’autres niveaux de l’Etat, tant municipaux, provinciaux que nationaux. Une telle consolidation dans le cadre de l’orientation de ce grand travail nécessite beaucoup de soutien de la part de tout être qui s’identifie à cet horizon des choses. Notre gestion est ouverte pour recevoir la contribution et le regard de tous ceux qui se sentent engagés dans ces objectifs, quel que soit leur domaine d’activité. Nous aspirons à ce que dans notre municipalité, ainsi que dans notre province et dans notre pays, les questions centrales des programmes gouvernementaux soient celles qui génèrent souffrance et violence dans notre peuple, et la mise en place de politiques qui mènent à leur dépassement.