Plus de huit millions six cent mille Vénézuéliens ont participé à l’élection présidentielle ce dimanche 20 mai 2018, dont le résultat a été le renouvellement du mandat de l’actuel président Nicolás Maduro. Les nouveaux Conseils législatifs régionaux ont également été élus, même si l’accent a été mis sur l’élection du président, le plus haut responsable de l’État.

Le président actuel a obtenu 68% des suffrages exprimés, contre 21% pour son principal adversaire, Henri Falcón. Javier Bertucci a été soutenu par 11% des préférences et le quatrième de l’affrontement, Reinaldo Quijada a recueilli un peu moins de 35 000 votes.

Le scrutin s’est déroulé d’une manière irréfutable et sans incidents majeurs, comme en témoignent les observateurs internationaux invités à participer. En comparaison avec les irrégularités flagrantes survenues lors des récentes élections au Honduras ou celles dénoncées par le candidat Efraín Alegre au Paraguay, l’élection peut être qualifiée d’absolument légitime.

Le gouvernement bolivarien ne peut non plus être accusé de forcer les électeurs à se rendre aux urnes, puisque le vote dans la nation Caribéenne est optionnel, différent en cela du cas argentin où la population doit obligatoirement assister au scrutin.

La raison de cette liberté d’exercer ou non le droit de vote, c’est que l’opposition la plus radicale ne peut s’attribuer l’abstention complète, quand bien même son appel aurait favorisé cette attitude.

Le nombre d’électeurs qui sont allés voter était de 48%, selon la projection du CNE (Conseil national électoral), soit un peu plus de six points de plus que celui enregistré l’année dernière à l’occasion de l’élection de l’Assemblée nationale constituante.

Sans aucun doute, le boycott de la droite nationale et internationale a influencé, les classes moyennes et supérieures avec un grand impact, mais certainement pas dans la mesure attendue par ses dirigeants. Par ailleurs, l’abstention doit être aussi pondérée compte tenu : d’une certaine lassitude électorale dans la population – appelée quatre fois à voter dans l’année -, puis de l’existence d’un nombre incertain de Vénézuéliens inscrits dans le registre qui ont émigré et de quelques actions d’intimidation ou de boycott, ce qui réduit l’univers total possible des électeurs.

Ces avatars, bien qu’ils mettent en évidence l’antagonisme connu d’une portion de la société face à la révolution bolivarienne sont sans effet sur la légitimité même de l’élection.

En termes de quantité de votes, Nicolás Maduro a obtenu un chiffre proche de six millions de suffrages (5 823 728 soit 92% de votes), perdant une partie des sept millions et demi de voix obtenues en 2013. Il est légitime de penser, dans une première approche, qu’il il y a parmi eux une quantité d’adhérents mécontents de la gestion actuelle, et qu’une certaine partie de la population accuse le coup des difficultés quotidiennes jointe à l’usure naturelle de tout gouvernement. D’autre part, le nombre élevé de votes obtenus et la clarté de la victoire expliquent le maintien d’un large noyau dur de soutien au Chavisme dans la population vénézuélienne.

Pour ce qui est des critiques externes, telles que celles exprimées par le président récemment réélu Sebastián Píñera, le Chili est l’un des pays ayant le taux d’abstention le plus élevé au monde, 51% lors de la dernière élection.

Quelque chose de similaire se manifeste de manière historique en Colombie, et autres pays juges de la qualité démocratique vénézuélienne. Le président sortant Juan Manuel Santos a été élu avec plus de la moitié des voix de 48% d’ électeurs, pourcentage identique à celui enregistré lors des élections au Venezuela, un peu plus élevé que la moyenne historique électorale colombienne entre 1978 et 2010, selon les données d’un rapport du Registre national.

Et qu’en est-il des États-Unis, le soi-disant gardien universel de la démocratie ? Lors de la dernière élection présidentielle, il y a eu 55,4% de votes validés sur le nombre total d’inscrits, mais en raison d’un système d’élection indirect, le candidat qui gouverne est celui qui a obtenu le moins de votes populaires que son adversaire (46% Trump face à 48% pour Clinton).

Même l’accusation d’utiliser un système clientéliste ou un vote contraint devrait faire rougir les gouvernements d’Amérique latine érigés en accusateurs de la démocratie vénézuélienne.

On peut étudier une vaste galerie de ces pratiques dans l’énorme bilan anti-démocratique mexicain, un autre des gouvernements qui soutiennent la charge contre le Venezuela.

La condamnation du mécanisme de mobilisation populaire développé par le Chavisme, qui lui a assuré tant de victoires électorales, s’explique par le mépris des critiques concernant l’organisation populaire, décisive pour réaliser des conquêtes sociales longtemps refusées aux majorités en souffrance.

Le triomphe électoral de Nicolás Maduro et de la Révolution bolivarienne est très pertinent, car il s’inscrit dans un contexte de guerre économique, de sanctions commerciales, de tentative d’asphyxie financière, de spéculation monétaire aiguë, d’appropriation intentionnelle des biens de consommation de base ou de leur commercialisation illégale, et de harcèlement et diffamation de ses principales figures emblématiques. En bref, une image similaire aux déstabilisations subies par de nombreux gouvernements progressistes ou de gauche, qui s’opposaient à la déraison colonialiste du Nord.

Le principal problème de la démocratie au Venezuela n’est pas le résultat de ses désaccords politiques internes, certes existants, mais plutôt celui provenant de l’extérieur.

 

Le problème n’est pas le Venezuela, mais la politique étrangère américaine

Il n’y a pas de bases solides pour délégitimer la réélection de Nicolás Maduro pour un nouveau mandat. Cependant, le « régime » américain (surnom habituellement utilisé dans la presse hégémonique de droite pour des gouvernements non apparentés) insiste et conspire pour la non-reconnaissance du gouvernement élu à une large majorité au Venezuela. Pour cela, il compte sur un entourage de voix conservatrices en Amérique latine et en Europe, dont les mérites démocratiques, mais surtout sociaux, sont rares.

Le gouvernement espagnol de Rajoy en a donné un échantillon exemplaire en réprimant la population de la Catalogne après le référendum remporté par le mouvement indépendantiste, emprisonnant plusieurs dirigeants et obligeant le président élu à l’exil. L’Europe entière est assiégée par une vague d’extrémisme néo-fasciste résultant de l’ajustement sévère auquel le système d’usure international a soumis sa population. Elle n’est pas en mesure de donner des leçons de quelque nature que ce soit.

L’extrémisme a également été la caractéristique remarquable du gouvernement Trump, mettant la planète à la veille d’un cataclysme nucléaire. La menace d’effacer la Corée du Nord de la surface de la terre, la rupture avec l’Iran de l’accord relatif à sa production nucléaire, l’abandon de l’Accord de Paris sur le changement climatique, la recrudescence des sanctions contre Cuba, la Russie et le Venezuela lui-même, montrent à l’évidence le parti pris unilatéral de la politique étrangère nord-américaine actuelle.

L’augmentation des dépenses d’armement et l’exigence auprès de ses alliés à l’OTAN de faire de même, les attaques contre la Syrie ; la complicité avec le régime israélien, coupable de l’assassinat et de l’apartheid du peuple palestinien ; l’alliance avec la monarchie saoudienne, responsable de multiples violations des droits humains dans son propre pays et de la mort de centaines de milliers de Yéménites, constituent une preuve évidente de la nature violente des occupants de la Maison Blanche aujourd’hui.

En Amérique latine, après des tentatives réitérées pour renverser et destituer de façon antidémocratique le gouvernement élu, l’animosité géopolitique nord-américaine est devenue une menace explicite d’intervention armée.

L’expérience accumulée par les États-Unis dans un grand nombre de conspirations antérieures, fait penser à la confluence de diverses tactiques illicites, parmi lesquelles se trouveraient des opérations de faux-semblants, le financement de groupes mercenaires, la cooptation de membres des forces de sécurité ou la constitution de prétendues « alliances de la communauté internationale ou latino-américaine ». Même les tentatives d’assassinat ne peuvent être exclues.

Au-delà du fait d’atteindre ou non l’objectif de destitution du gouvernement bolivarien, l’objectif poursuivi avec toute cette pression est d’instituer une sorte de punition exemplaire – aussi vieille que l’histoire elle-même – pour intimider quiconque ose se rebeller contre l’injustice instituée.

La chose la plus probable est que pour l’instant il n’y aura pas d’agression ouverte, car elle ne rencontre pas de consensus même entre les gouvernements de droite, et qui certainement connaîtrait une forte opposition.

Mais il ne fait aucun doute que les Etats-Unis continueront à boucler un périmètre de fer au Venezuela, une tactique qui non seulement causera des problèmes aigus à la population censée vouloir aider mais qui, comme ce fut le cas à Cuba dans les années 60, aura comme contrepartie le renforcement des alliances du gouvernement vénézuélien avec la Russie, la Chine, la Turquie, l’Iran et d’autres acteurs de la multipolarité émergente

 

Moyens justifiant la fin

L’encyclopédie en ligne Wikipédia signale que l’expression « la fin justifie les moyens » – dont l’origine a été injustement attribuée à l’ordre jésuitique par ses détracteurs – a été apposée par Napoléon sur la dernière page d’un exemplaire du « Prince » de Nicolas Machiavel, probablement comme une synthèse de sa lecture. Le principe peut sans doute être attribué au philosophe politique florentin, surtout en regard du contenu du chapitre XVIII de cette œuvre, dont le passage le plus éloquent énonce : « Que le prince songe donc uniquement à conserver sa vie et son État : s’il y réussit, tous les moyens qu’il aura pris seront jugés honorables et loués par tout le monde. »

Des siècles plus tard, dans une inversion également pragmatique de l’aphorisme, ce sont les médias qui sont appelés à justifier la fin. Les médias de grande diffusion.

C’est à travers eux,- avec de la propagande, des informations biaisées et attrayantes susceptibles d’élaborer des scénarios de films – qu’ils essaient de convaincre le public des avantages du système capitaliste, de la culture occidentale et de la nécessité et de l’équité des guerres (des croisades ?) qui sont entrepris en leur nom.

Ces médias, appartenant à quelques groupes économiques, monopolisent le spectre en concentrant massivement les audiences. Ils décident quels contenus doivent être montrés ou pas, exerçant une manipulation indue mais efficace et une censure de l’information. Leurs lignes éditoriales empêchent le libre exercice de la profession journalistique, expulsant de leurs rangs tous ceux qui ne s’adaptent pas à militer idéologiquement pour leurs buts commerciaux et politiques, trahissant des principes déontologiques élémentaires.

Ces véhicules audiovisuels hégémoniques sont ceux généralement utilisés pour générer des sentiments communs avant une agression contre un pays. La diabolisation de l’ennemi, la caricature insidieuse de certains de ses aspects, sont les techniques utilisées pour générer de l’aversion et de l’horreur chez le spectateur sans méfiance.

Cette agression de la communication est toujours le premier pas pour assouplir l’opinion publique, pour produire une matrice d’acceptation, afin de justifier l’immense souffrance que la dévastation de la guerre apportera.

Cela s’est passé ainsi avec la Libye, avec l’Irak, avec la Syrie – pour ne citer que les événements récents – et le même vieux stratagème est en train d’être utilisé contre le Venezuela.

Pour cette raison, en tant que défense préventive et efficace de la paix, il est nécessaire d’arrêter la vague de désinformation qui préfigure le conflit et de résister à ses effets néfastes. Si pour les gens de bonne volonté il est universellement admis que la fin ne justifie les moyens en aucune façon, il est nécessaire d’instituer aussi la maxime inverse. Les médias ne doivent servir à ne justifier aucune fin.

 

Traduction de l’espagnol : Ginette Baudelet