Le Président Trump est connu pour son caractère antipathique et pour le rejet qu’il suscite. Mais il est important de comprendre que la politique étrangère des États-Unis répond à la stratégie de domination que ce pays entretient depuis plus de 200 ans. Conçue pour dominer politiquement et économiquement la planète, cette politique touche aujourd’hui la Syrie, a touché hier l’Irak et l’Afghanistan, avant-hier la République Dominicaine, Cuba, le Guatemala, le Chili, l’Argentine, les nations africaines, le Japon, et on pourrait continuer à énumérer les multiples « interventions » déclarées ou clandestines menées par ce pays pour imposer des dictateurs dociles et sanguinaires.

La Syrie n’est qu’une étape dans la domination recherchée par cette nébuleuse administration américaine – Trump ne fait que suivre une ligne déjà tracée démontrant que toute opposition sera combattue avec violence. Il est important de noter que les États-Unis ont la faculté de conduire leurs plans avec un halo de légitimité grâce à une presse qui se plie à leurs intérêts, et au soutien de pays comme la France et la Grande-Bretagne, avides de pouvoir.

Si nous pensons que la Syrie ne nous concerne pas, en raison de son éloignement, par méconnaissance de la géopolitique actuelle ou parce que nous sommes plus occupés par nos propres bouleversements, il est important de regarder la situation dans sa globalité et de comprendre que l’agression dans n’importe quel point de la planète est un avertissement de ce qui pourrait nous arriver si nous essayons, comme Cuba et d’autres pays proches, de nous affranchir du cercle d’influence du géant du nord. Nous devons comprendre la politique mondiale de manière globale, cette réalité où nul n’est à l’abri d’un renversement de l’autorité face à la tentative de subversion la plus timide, surtout si nos pays prétendent devenir des modèles de démocratie.

La présence de la Russie et de la Chine sur la scène du conflit à Damas représente la seule défense de ce pays déchiré par la guerre. Les tentatives de transformer le conflit actuel en un instrument pour s’emparer de la richesse de la Syrie, comme ce fut le cas avec d’autres pays de la région, se heurtent à deux géants opposés aux ambitions du Département d’État et de ses grandes entreprises, des géants qui ont aussi leurs vues sur ce territoire. En fin de compte, les pays les moins développés et affaiblis par l’interventionnisme des grandes puissances, nous sommes comme une bouchée appétissante et nous pouvons difficilement éviter d’être dévorés tôt ou tard.

Ces jours-ci, alors que les États-Unis bombardent la Syrie, se tient le sommet des Amériques, dont le thème central est la corruption et la gouvernance. Dans ce contexte, Luis Almagro, Secrétaire général de l’OEA*, n’a pas hésité à lancer ses missiles verbaux contre Cuba et, dans un paradoxe manifeste, à justifier l’agression américaine contre Damas, démontrant à quel point cet organisme répond aux politiques de la Maison-Blanche en contradiction avec ses principes en tant qu’entité régionale. Cela nous oblige à repenser la grande vulnérabilité de l’Amérique latine et des Caraïbes face à la pression exercée par les États-Unis sur leurs gouvernements pour qu’ils restent alignés et soumis, car la corruption et l’incontrôlabilité – les thèmes centraux du forum – sont quelques-uns des « effets collatéraux » de l’ingérence américaine dans tous nos pays.

Pour revendiquer la solvabilité morale, comme elle le prétend, la Maison-Blanche devrait accepter et respecter la volonté des populations, abandonner les tactiques interventionnistes dans les pays moins développés, s’abstenir de détruire leurs territoires par l’exploitation illégitime et irrationnelle de leurs ressources et se retirer de là où elle n’a pas sa place. Cela, pour commencer.

 

*OEA : Organisation des États Américains

 

Traduit de l’espagnol par Jean-Marc Dunet