Quatorze institutions financières françaises ont mis à disposition environ 29,8 milliards de dollars aux entreprises fabricants des systèmes d’armes nucléaires depuis janvier 2014. Le plus mauvais élève est la BNP Paribas qui non seulement se cache derrière une politique de non investissement hypocrite, mais qui en plus ne respecte même pas ses propres engagements ! 

Lauréate du prix Nobel de la paix, ICAN, la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires et l’ONG néerlandaise PAX publient le rapport Dont Bank on the Bomb – Ne financez pas la bombe – 2018. À l’heure ou les menaces d’emploi d’armes nucléaires sont de plus en plus présentes, ce rapport montre une augmentation des investissements financiers de 81 milliards $ dans la production de systèmes d’armes nucléaires.

Pour Beatrice Fihn, directrice exécutive de ICAN : « Si vous vous demandez qui bénéficie des propos de menaces de guerre nucléaire tenu par le Président Trump, ce rapport vous apportera les réponses. Voici les noms des sociétés qui vont bénéficier le plus d’un possible assassinat aveugle de populations civiles. Alors que notre sécurité diminue, ces sociétés misent sur le risque d’un Armageddon nucléaire pour obtenir des profits économiques. »

Pour la France, aucune institution financière examinée par le rapport ne dispose d’une politique d’exclusion totale d’investissement dans des entreprises produisant des systèmes d’armes nucléaires. Parmi les 14 institutions financières recensées, la BNP Paribas et le Crédit agricole sont les plus grands investisseurs (16,5 Mds $) suivit de la Société générale.

Étonnamment, ICAN France observe que Viel & Cie (pour 218 millions $) et la BNP (pour 67 millions $ont réalisé des opérations de financement auprès d’une entreprise d’armement indienne Larsen & Toubro, impliquée dans la production de missiles balistiques destinés à la puissance nucléaire indienne.

Cet investissement est incompréhensible en raison de la politique sectorielle « Défense » affichée par la BNP Paribas qui indique qu’elle « ne fournira pas de produits et services financiers et n’investira pas dans des entreprises identifiées comme étant impliquées dans les armes controversées » et ceci notamment pour les États qui ne sont pas membres du Traité de nonprolifération et de l’Alliance atlantique. L’Inde n’est pas membre de l’Otan, ni même du TNP. Il existe donc une faille sérieuse dans la politique RSE de financement et d’investissement.

ICAN France « attend une réaction urgente de Jean-Laurent Bonnafédirecteur général de BNP Paribas, Éric Raynaud, directeur Asie-pacifique et de Laurence Pessez, directrice RSE, et demande à être reçu rapidement afin qu’une politique d’exclusion forte, complète et pleinement mise en œuvre des armes nucléaires puisse être réalisée par la banque qui se dit être celle du monde qui change » !

Les institutions financières ont le choix : soit de contribuer à la fin des armes nucléaires, soit de fournir un financement aux entreprises produisant des systèmes d’armes nucléaires avec le risque de mettre un terme à notre existence.

Susi Snyder, de l’ONG PAX et coordinatrice du rapport, tient à souligner les résultats positifs : « Le Traité d’interdiction des armes nucléaires a enclenché un mouvement de désinvestissement, qui se concrétise par une diminution de 10 % d’investisseurs dans les systèmes d’armes nucléaires, et par une augmentation des institutions financières qui interdisent tout investissement dans ces entreprises d’armements. Les investissements ne sont pas neutres, il faut féliciter ces entreprises d’être du bon côté de l’humanité. » 

 

Synthèse des principaux éléments du rapport :

Ne financez pas la bombe 2018

Rapport mondial sur le financement des producteurs de systèmes d’armes nucléaires

« Les institutions financières ont le choix : soit de contribuer à la fin des armes nucléaires, soit de fournir un financement aux entreprises produisant des systèmes d’armes nucléaires aux risque de mettre un terme à nos vies. » Susi Snyder, coordinatrice du rapport Dont Bank on the Bomb, PAX, publié ce jour en partenariat avec ICAN.

Depuis l’adoption, le 7 juillet 2017 à l’ONU, du Traité d’interdiction des armes nucléaires, deux des cinq plus grands fonds de pension au monde ont annoncé des changements dans leurs relations avec les entreprises produisant des systèmes d’armes nucléaires :

  • ABP, le plus grand fonds de pension des Pays-Bas reconnait que les investissements dans les armes nucléaires sont un dilemme depuis quelque temps et a annoncé qu’en raison de « changements dans la société, également au niveau international les armes nucléaires ne rentrent plus dans notre politique d’investissement durable et responsable ». Au cours de la prochaine année, ABP veillera à ce que les entreprises produisant des systèmes d’armes nucléaires n’aient plus accès à leurs capitaux de 499 milliards de dollars.
  • Le fonds de pension du gouvernement norvégien (le second plus grand au monde) a également annoncé le retrait de ses capitaux (plus de 1000 milliards de dollars) aux entreprises produisant des systèmes d’armes nucléaires.

329 Institutions financières impliquées de manière significative

De janvier 2014 à octobre 2017, l’étude réalisée a recensé 329 banques, sociétés d’assurance, fonds de pension et gestionnaires d’actifs de 24 États qui investissent de manière significative au sein des 20 premières entreprises produisant des systèmes d’armes nucléaires. Il faut noter que sur le rapport précédant (2016), le nombre d’institutions financières était de 359, signifiant une baisse non négligeable des investisseurs.

Parmi les 329 institutions financières : 204 sont basées en Amérique du Nord (dont 189 aux États-Unis), 70 en Europe, 52 en Asie-Pacifique et 3 au Moyen-Orient et aucune située sur le continent africain et en Amérique latine.

Les 20 premières entreprises produisant des systèmes d’armes nucléaires

Le rapport Ne financez pas la bombe 2018 identifie les 20 premières entreprises impliquées dans la production de composants clés pour les systèmes d’armes nucléaires des États-Unis, de l’Inde, de la France et du Royaume-Uni. Cette liste n’est pas exhaustive, mais elle permet d’identifier les entreprises privées les plus impliquées dans le complexe industriel de ce secteur. Il y a bien sûr d’autres entreprises impliquées à une échelle différente ou indirectement.

525 milliards de dollars investis

Au total, plus de 525 milliards $ ont été mis à disposition d’entreprises productrices de systèmes d’armes nucléaires par les institutions financières listées dans ce rapport. Elles ont soit contribué via l’émission d’actions ou d’obligations, soit possédé ou géré des actions et des obligations, soit réalisé des prêts aux entreprises productrices de systèmes d’armes nucléaires entre janvier 2014 et août 2017.

Le top 10 des institutions financières a fourni, à lui seul, plus de 253 milliards $ aux producteurs de systèmes d’armes nucléaires identifiés ; soit près de la moitié de l’investissement total. L’ensemble des investisseurs de ce top 10 est basé aux États-Unis, les 3 premières entreprises (Blackrock, Capital Group, Vanguard) ayant investi, à elle seule plus de 110 milliards $.

En Europe, les plus grosses institutions financières sont les banques françaises BNP Paribas et le Crédit agricole, ainsi que la banque britannique Barclays, avec des investissements cumulés de l’ordre de 24 milliards $.

Dans la région Asie-Pacifique, les institutions bancaires japonaises Mitsubishi UFJ Financial et Mizuho Financial et l’Indien Life Insurance Corporation cumulent un investissement de plus de 17 milliards $.

22 institutions financières classées « Bons élèves » (Hall of fame)

Le rapport Ne financez pas la bombe 2018 identifie les institutions financières qui ont adopté, mis en œuvre et publié une politique qui empêche complètement toute implication financière avec les entreprises qui produisent des armes nucléaires.

22 institutions financières (contre 18 dans le rapport de 2016) ont mis en place et rendu public des politiques dont la portée et l’application sont complètes. Pour la première fois, une institution financière américaine (Green Century) à rejoint cette catégorie, dont la majorité des institutions sont européennes : Banca Etica (Italie), the Co-operative Bank (Royaume-Uni), Swedish Pension Fund AP7 (Suède), PenSam (Danemark).

Les investissements ne sont pas neutres. Le financement et l’investissement sont des choix actifs, basés sur une évaluation d’une entreprise claire et de ses projets. En adoptant et rendant public des politiques d’interdiction d’investissement dans le secteur de l’industrie produisant des systèmes d’armes nucléaires, les institutions financières démontrent activement la stigmatisation associée à ces armes de destruction massive. Ces institutions financières sont clairement en conformité avec toutes les dispositions du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.

41 institutions financières sont classées comme « Peut mieux faire » (Runners-up)

Le rapport met en évidence 41 autres institutions financières (provenant de 15 États, dont : Allemagne, Belgique, Canada, Espagne, France, Italie, Luxembourg…) qui ont engagé des démarches pour exclure les entreprises qui produisent des systèmes d’armes nucléaires de leurs investissements, mais dont leurs politiques ne sont pas complètes et n’empêche pas tous les types d’implication financières avec ces entreprises.

En effet, 11 de ces institutions financières excluent de leur investissement toutes les entreprises produisant des systèmes d’armes nucléaires qui ne sont pas membres de l’Otan ou non membres du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Avec l’adoption du Traité d’interdiction des armes nucléaires, ces institutions financières devraient étendre leurs politiques à l’ensemble des entreprises produisant des systèmes d’armes nucléaires, indépendamment de leur appartenance à une organisation militaire ou au TNP.

Nous pouvons remarquer une progression constante du nombre d’institutions financières classées dans cette catégorie puisque en 2013 leur nombre était seulement de 27, puis de 36 dans le rapport de 2016. Les institutions Azzad Asset Management (États-Unis), KBC (Belgique), Nationale Nederlanden (Pays-Bas), NEI Investments (Canada), Länsförsäkringar (Suède) et Nykredit (Danemark) sont ainsi totalement nouvelles.

La catégorie des « Peut mieux faire » est nécessairement large. En effet, elle couvre les institutions financières qui sont presque éligibles pour la catégorie des « Bons élèves » jusqu’à celles dont les politiques permettent toujours l’investissement de sommes d’argent considérables dans les producteurs d’armes nucléaires ; ils sont donc classés pour illustrer l’exhaustivité de leurs politiques. Même les politiques sans étoile sont incluses pour démontrer qu’il existe un débat large et continu parmi les institutions financières quand il s’agit d’inclure des critères impliquant les armes nucléaires dans leurs normes d’investissement socialement responsable. Malgré la diversité de ces politiques, elles montrent toutes une attitude commune concernant le fait que la participation à la production de systèmes d’armes nucléaires est controversée.