Par Marcela Latorre

La « qualité » est un concept d’entreprise pour évaluer des produits : emballages, paquets, caisses, bref, des choses, des objets. L’être humain n’est pas externalité, il a une profondeur intérieure qu’on ne lui a pas fait découvrir, par conséquent il ne regarde aussi que cette dimension-là chez les autres.

Ce terme « qualité », si éloigné de l’humain, se diffuse comme l’une des valeurs centrales de ce qui est exigé aujourd’hui dans le monde de l’éducation ; personne ne parle d’humanité, personne ne parle de mettre l’être humain au centre, puisque l’objectif de l’éducation d’aujourd’hui vise uniquement les résultats et que l’étudiant réussisse à devenir « quelqu’un ».

C’est quoi, « être quelqu’un » ? C’est être un professionnel, ce qui souvent ne suffit pas, il faut en plus un master, et même un doctorat, et pour cela payer cher, bien entendu.

Mais nous sommes encore loin d’approfondir la réflexion sur le sens de l’éducation, sur comment l’on pourrait, par exemple, qualifier les personnes pour qu’elles découvrent quelles sont leurs plus grandes aspirations, qu’elles trouvent leur projet, qu’elles découvrent le sens de leur vie.

Nous vivons donc déconnectés de nous-mêmes, en nous regardant les uns les autres comme des objets. Et nous devons démontrer que nous valons quelque chose pour les autres. Et nous regardons les autres comme ça aussi, comme « homo objetus » : des « choses » qui doivent faire quelque chose pour moi.

Silo, penseur argentin, s’exprime ainsi : « Tant que je ne percevrai de l’autre que sa présence “naturelle”, l’autre ne sera qu’une présence objectale, ou plus précisément animale. Tant que ma perception de l’horizon temporel de l’autre sera anesthésiée, l’autre n’aura de sens pour moi qu’en tant que “pour-moi”. La nature de l’autre sera un “pour-moi”. Mais en construisant l’autre dans un “pour-moi”, je me constitue et je m’aliène dans mon propre “pour-soi”. Je veux dire que si je suis “pour-moi”, je ferme mon horizon de transformation. Celui qui chosifie se chosifie lui-même et ferme ainsi son horizon. »

Nous sommes donc dans le monde des objets. À partir de ce constat, on comprend mieux pourquoi tout se vend, pourquoi les conditions minimales sont accessibles à certains et pas à tous, pourquoi l’éducation produit des objets de bonne qualité, pourquoi l’individualisme, le consumérisme et la violence se répandent.

Comment pourrait-on avancer depuis ce fait d’être considérés comme des objets pour devenir réellement des êtres humains ? En cessant de regarder seulement l’externalité et en commençant à percevoir nos registres, nos expériences intérieures, nos nécessités profondes, notre mission.

Sur ce chemin pour nous humaniser, l’éducation est fondamentale, c’est elle qui peut nous qualifier, nous ouvrir la porte, nous fournir des outils pour nous développer de manière intégrale, afin que nous soyons capables de faire nos contributions à ce monde, dans lequel ont leur place tous les êtres humains, et pas seulement les objets qui servent ou ne servent pas.

Enfin, en prenant contact avec notre monde intérieur, nous pourrions y trouver l’amour profond. Cet amour qui se traduit en bonté, en affection, en la capacité de laisser l’autre exister, d’admirer, et de valoriser les êtres qui nous sont proches ; cet amour qui permettrait d’éloigner la souffrance, la violence et les maladies de l’âge de l’Homo Objetus. Notre poétesse Gabriela Mistral le disait déjà aux maîtres d’école : « Aime. Si tu ne peux aimer beaucoup, alors n’enseigne pas aux enfants »

 

Traduction de l’espagnol : Claudie Baudoin