par Mathieu Aucouturier

Dans l’idéal capitaliste, la libre circulation des biens et des capitaux crée une concurrence qui promeut les meilleurs produits et fait disparaitre les produits inutiles ou peu compétitifs. Dans la réalité, le modèle du libre échange est loin de tenir ces promesses de rendre le monde meilleur. Pour comprendre pourquoi le libre échange ne favorise pas les entreprises les plus vertueuses (bien au contraire), il faut s’intéresser aux externalités : les effets externes (positifs ou négatifs) créés par les agents économiques sur leur environnement ou sur les acteurs environnants.

Par exemple, un apiculteur crée une externalité positive puisque ses abeilles pollinisent gratuitement les champs des agriculteurs voisins. Au contraire, les algues vertes qui apparaissent chaque année sur les côtes bretonnes sont une externalité négative de l’agriculture intensive : elles ont clairement un coût (ne serait-ce que celui du ramassage) mais ce coût n’est pas facturé au pollueur.

Les entreprises qui veulent maximiser leurs profits, et ainsi garantir leur pérennité ont tout intérêt à ignorer les externalités négatives inhérentes à leur activité car leur prise en compte induirait très souvent des coûts supplémentaires. Ce système créé donc un déséquilibre qui renforce les entreprises qui ne considèrent pas les externalités négatives de leur activité au détriment de celles, plus éthiques, qui cherchent à réduire ces externalités négatives. Ce déséquilibre n’étant régulé par la loi (il suffirait pourtant d’une volonté politique pour que ce soit le cas), il ne reste qu’un moyen de rendre la balance commerciale plus équitable, le boycott/ »buycott » citoyen.

La plateforme i-boycott, née de ce constat qu’une entreprise ne réagit que lorsque l’on s’attaque à ses profits, permet aux citoyens de reprendre les commandes et de devenir des consom’acteurs. Le principe est simple, lorsque un citoyen remarque des pratiques peu éthiques d´une entreprise, il rédige une campagne de boycott en s’appuyant sur des sources fiables et la communauté décide de soutenir ou non la campagne de boycott. Lorsqu’un certain seuil est atteint, l’entreprise est informée de la campagne et un droit de réponse lui est accordé. Les boycottants ont alors la possibilité de voter pour l’arrêt ou le maintien de la campagne de boycott, qui est levée lorsque la majorité le décide. La démarche s’inscrit donc dans une logique purement démocratique, non violente et bienveillante, tout le monde peut y trouver son compte et les citoyens retrouvent un véritable levier d’action politique qu’ils avaient perdu notamment à cause des pratiques des lobbyistes.

Si le boycott est une pratique très ancienne et ayant prouvé son efficacité par le passé, l’originalité de la plateforme i-boycott, réside dans l’implication directe des citoyens, l’utilisation de la viralité des réseaux sociaux et de la communication. Les aspects viralité/communication me semblent être des atouts majeurs de la plateforme, en effet vous pouvez très bien boycotter une grande firme sans que cela n’ait de réel impact (la firme n’ayant pas connaissance du manque à gagner), en revanche, communiquez sur les réseaux sociaux que vous participez à une campagne de boycott à leur encontre, et l’effet de levier devient bien plus puissant, puisque non seulement la firme prend conscience du chiffre d´affaires perdu, mais en plus elle comprend que la viralité des réseaux sociaux risque de faire accroitre le nombre de boycottants et ternir son image de marque.

En plus de la campagne numérique, le lancement des antennes d’i-boycott dans différentes villes de France permet de mettre en place des actions de sensibilisation afin d’informer et d’interpeler les citoyens devant ou dans les lieux de consommation. Nous pouvons souhaiter que cette plateforme constituera un levier puissant pour modifier les pratiques toxiques des entreprises et qu’elle permettra aux masses de se rendre compte qu’elles ont dans leur portefeuille un pouvoir insoupçonné. Je pense pouvoir conclure avec une citation d´Anne Lappe qui est devenue en quelque sorte le slogan d’i-boycott : A chaque fois que vous dépensez de l´argent vous votez pour le type de monde que vous voulez.

Plus d´infos sur i-boycott.org

L’article original est accessible ici