Europa City temple des loisirs et de la consommation

En 2010, le groupe Auchan décide de lancer un projet titanesque baptisé Europa City. Ce nouveau temple dédié à la consommation et aux loisirs serait construit dans le triangle de Gonesse, sur une zone cultivée de 80 hectares, entre les aéroports de Charles de Gaulle et du Bourget. Le site comprendrait une dizaine d’hôtels pour environ 2 700 chambres, un centre de conférences, un parc aquatique, un parc à thèmes, une ferme urbaine et un parc des neiges. Autrement dit, une piste de ski intérieure, comme celle de Dubaï. Ses promoteurs espèrent créer « la nouvelle destination de loisir du Grand Paris« . Mais derrière les alléchantes vidéos d’architectes se cache une réalité bien moins reluisante. Un collectif a d’ailleurs détourné ce film institutionnel pour dénoncer le « désurbanisme«  et le « fantasme » du projet. « Voici donc une réponse, joyeuse, vivante, au fantasme de verrouillage d’une métropole de béton, conçu par quelques mercenaires, entériné par une poignée d’élu.es de la région Île-de-France, plat comme une circulaire administrative, et agité comme un agonisant. »

De fausses promesses d’emplois

Auchan assure que 11 800 emplois seront créés par Europa City, dans un territoire connaissant l’un des taux de chômage les plus élevés d’Île-de-France. Des estimations largement surestimées selon les opposants, qui peinent à obtenir des études précises et sérieuses à ce sujet de la part d’Auchan. Dans un entretien accordé à Mediapart, Jacqueline Lorthiois, une socio-économiste qui a travaillé dans plusieurs ministères, rappelle qu’aucune promesse de création d’emploi par de grands projets, comme Europa City, n’a jamais été tenue. Elle cite notamment le cas de Paris Aéroport (Roissy et Orly) qui, lors des études prévisionnelles en 1975, promettait 70 000 emplois. En 1978, les résultats du recensement Insee ne comptabilisaient que 18 000 postes. Autre exemple, Disneyland Paris, ouvert en 1992, qui prévoyait jusqu’à 100 000 emplois, contre seulement 15 000 aujourd’hui. Ainsi, l’argument économique, qui permet de séduire les hommes politiques, est totalement galvaudé.

Dessin pour le Collectif du triangle de Gonesse. Nicolas Haverland - L'Atelier Monde
Dessin pour le Collectif du triangle de Gonesse. Nicolas Haverland – L’Atelier Monde

Un groupe chinois en embuscade

Auchan ne peut pas financer seul ce colossal investissement de 3,1 milliards d’euros. Il s’est donc associé au groupe Chinois Wanda. Pour comprendre ce que ce géant asiatique des loisirs vient faire dans la banlieue parisienne, il faut lire cet excellent article de Reporterre. On y apprend que Wang Jianlin, le PDG, est un richissime homme d’affaires qui possède notamment des dizaines d’immenses centres commerciaux, de parcs à thèmes et d’hôtels de luxe à travers le monde. De quoi rivaliser avec l’empire Disney ? Auchan veut faire croire qu’il s’appuie sur un partenaire d’expérience pour l’accompagner dans la partie « loisirs ». Mais comme le rappelle Reporterre, Wanda a été contraint de fermer l’un de ses parcs d’attraction en Chine très récemment.

Signalons également les craintes des parcs d’attraction français, à l’instar de la Compagnie des Alpes. Ce groupe possède notamment le Parc Astérix, qui se trouve à seulement 25 km du futur Europa City. Il a publié un cahier d’acteur dans lequel il détaille ses inquiétudes contre Wanda qui « ne cache pas ses velléités de conquête du marché des loisirs en Europe ». Son alliance avec Auchan reviendrait à « faire entrer sur le marché français un challenger qui ne dispose pas des savoir-faire ni de la connaissance du marché » et qui risquerait de déstabiliser les acteurs français « sur leur propre marché domestique ». Signalons au passage que la Compagnie des Alpes est actuellement en négociation avec le groupe chinois Fosun pour une entrée dans son capitalDe quoi rappeler que la France est devenue un nouveau terrain de jeu pour géants asiatiques en mal d’investissements.

Une menace pour le commerce de proximité

Europa City menace à la fois les petits commerçants de la région et les plus gros centres déjà existants. L’association des commerçants d’Aulnay-sous-Bois (CAPADE) vient de déposer un recours gracieux contre l’arrêté préfectoral afin d’empêcher la construction d’Europa City. Lors du débat organisé par le collectif pour le Triangle de Gonesse, Francis Palombi, le président de la confédération des commerçants de France, est monté au créneau. « Nous sommes le pays qui possède le plus grand nombre de mètres carrés de centres commerciaux. Nous devons dire non à cette dérive et rappeler le rôle de lien social des commerçants de proximité ». Au-delà de la désertification des centres-villes, une participante s’interroge sur le devenir des centres commerciaux dans le voisinage du futur Europa City. « Déjà qu’Aéroville a du mal à s’en sortir, Europa City tuerait sûrement O’Parinor. Donc, si on fait le total entre le nombre d’emplois créés et ceux qui vont être perdus, je ne suis pas sûre qu’on y trouve notre compte ». Les visiteurs, attendus en masse pour dépenser leur salaire dans les boutiques et espaces de loisirs, seront-ils au rendez-vous ? « Les gens n’ont pas le porte-monnaie élastique. Ce n’est pas parce que l’on augmente l’offre de sorties, que cela va augmenter les dépenses « , rappelle Jacqueline Lorthiois dans son entretien à Mediapart.

Un environnement dévasté

L’Île-de-France est l’une des terres les plus fertiles du monde comme l’ont rappelé plusieurs associations présentes lors de la soirée organisée par le collectif pour le Triangle de Gonesse. Il faut donc protéger ces terres agricoles à tout prix. D’autant que la chambre d’agriculture d’Île-de-France rappelle que « 100 000 hectares de terres fertiles ont disparu en l’espace de 50 ans au profit de l’expansion parisienne. Plus que jamais, le défi de la région est désormais de préserver un équilibre environnemental ainsi qu’un cadre de verdure appréciés par les citadins. » Pour éviter que ces terres ne disparaissent sous le béton, les collectifs proposent de nombreuses alternatives autour de l’agriculture urbaine. Les Ateliers Citoyens organiseront l’année prochaine des réunions à ce sujet. Le réseau de magasins Biocoop réfléchit également à lancer des partenariats avec des agriculteurs qui exploiteraient ces terres. Enfin, huit associations de protection de l’environnement de la région ont déposé le 21 novembre un recours devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Ils veulent faire annuler le décret préfectoral créant officiellement la zone d’aménagement concerté (ZAC) du Triangle de Gonesse qui autorise la construction d’Europa City.

Le logo pour dire Non à Europa City
Le logo pour dire Non à Europa City

Et l’usine de PSA ?

À quelques kilomètres du site choisi pour implanter Europa City se trouve l’ancienne usine de PSA Aulnay-sous-Bois, fermée en 2014. Soit 160 hectares devenus aujourd’hui une friche industrielle. Pourquoi ne pas implanter ce nouveau temple de la consommation à cet endroit ? Les opposants estiment qu’Auchan ne veut pas s’embêter à détruire cette ancienne usine alors qu’il peut tranquillement s’installer sur des terrains vierges juste à côté. D’autres éléments de réponse sont donnés sur le site dédié au Triangle de Gonesse. Parmi les excuses indiquées la « volonté de préserver la vocation industrielle du site ». Un logisticien y construit deux entrepôts qui créeront environ 170 emplois. La Société du Grand Paris et Siemens vont y installer un site de maintenance et d’entretien pour le futur métro du Grand Paris Express. PSA a annoncé vouloir y installer un centre de formation technique et commerciale destiné à accueillir 10 000 collaborateurs par an. Enfin la mairie d’Aulnay a pour projet de créer sur place une pépinière d’entreprises. Mais pour l’instant, tous ces projets peinent à se concrétiser.

De l’argent public gaspillé

Les collectivités locales vont devoir mettre la main au portefeuille. En effet, pour desservir Europa City, il est prévu de construire une gare supplémentaire sur la future ligne 17 du Grand Paris. Un surcoût à la charge du contribuable. Mais l’utilité publique de cette gare est loin d’être une évidence selon l’association des usagers des transports. De plus, il faudra aussi installer les réseaux d’eau, d’électricité, également à la charge des collectivités.

Une nouvelle ZAD au nord de Paris ?

Le projet Europa City pourrait-il devenir une nouvelle ZAD, à l’image de la célèbre Notre-Dame-des-Landes ? François, un reporter debout, a posé la question lors du débat. Mais les militants ne semblent pas vraiment emballés par l’idée. L’un d’entre eux explique que la situation est bien différente de celle du bocage nantais, où les agriculteurs soutiennent depuis longtemps les occupants. Dans la banlieue parisienne, il s’agit plutôt d’agriculture extensive, de gros exploitants qui, s’ils sont correctement indemnisés, ne se battront pas pour préserver ces terres.

Commencer la lutte

Pour lutter contre ce nouveau projet inutile vous pouvez faire un don au collectif ou signer la pétition qui doit récolter 5000 signatures d’ici le 13 décembre. Pour plus d’informations, vous pouvez consulter le site du collectif pour le Triangle de Gonesse et suivre leurs actualités sur Facebook.

Revue de presse (non exhaustive) 

Basta Mag : Bienvenue dans EuropaCity, future cathédrale de la consommation à quelques kilomètres de Paris

Reporterre : Le projet EuropaCity va se poursuivre malgré un débat public au bilan mitigé

Libération : Europacity, projet trop commercial pour convaincre

Le Parisien :  EuropaCity : la région soutient le projet… et agace les élus du 93