Dans Climat. 30 questions pour comprendre la conférence de Paris, Pascal Canfin et Peter Staime démêlent les fils multiples de la COP 21 et de ses enjeux avec un livre concis, clair, pédagogique. Dynamique fondatrice ou coquille vide, y aura-t-il un avant et un après Paris ?

L’agitation est palpable. A un peu plus de six mois de sa tenue à Paris, la conférence sur le climat – surnommée COP 21 parce qu’elle est la 21e du genre organisée sous l’égide de l’ONU – commence à imposer sa marque. Ainsi voit-on le chef de l’Etat, François Hollande – ou le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius – courir le monde et jouer les VRP internationaux, un jour à Pékin, le lendemain à Berlin ou à Rio, en brandissant l’étendard de la COP 21 comme si, de son issue, dépendait l’avenir à court terme de la planète.

Saisir les enjeux, comprendre la conférence

L’affaire est plus compliquée et c’est le grand mérite de Pascal Canfin – l’une des têtes les mieux faites parmi les écologistes « politiques » – et Peter Staime – fin connaisseur du dossier climat – d’en démêler les fils multiples dans un livre concis, clair, pédagogique. Et bon marché !

L’ouvrage qu’ils cosignent est fait en quelque sorte de courtes fiches cuisine ordonnées autour de quatre thématiques : les enjeux de la conférence de Paris à partir de quelques questions de base (qui émet des gaz à effet de serre ? quel en est l’impact sur le climat ?…) ; les acteurs de laCOP 21 (essentiellement les Etats) et leur position respective ; les grandes lignes de ce que serait un accord sur le climat « juste et équitable » à Paris ; enfin, une partie fourre-tout où il est question de gros sous (ça coûte combien de lutter contre le changement climatique ?), de technologies (peut-elle nous sauver ?) et du rôle des entreprises (peut-on leur faire confiance ?) et de la finance (comment la mobiliser ?).

Plusieurs chapitres viennent en complément dont l’un propose douze mesures « pour faire de Paris un succès » (la décroissance n’est pas au menu) tandis qu’un autre constitue un guide pratique à l’usage de ceux qui souhaitent participer à la conférence de Paris – n’y manque que le plan du métro pour se rendre à la conférence et des adresses d’hôtels !

On l’a compris : le livre entend allier réflexion sur le fond et un vadémécum pour la conférence (avec un fourmillement d’adresses de sites internet).

L’hypocrisie des Etats

De ce point de vue, la réussite est indéniable et tous ceux en quête d’un état des lieux honnête et mesuré sur le dossier climatique gagneront à le lire. Les principales pièces du dossier y sont correctement présentées. Les auteurs savent expliquer avec des mots simples mais précis, sans s’encombrer de chiffres, la réalité et l’ampleur du dérèglement climatique (expression plus exacte que celle de changement climatique) comme ils savent débusquer à l’occasion l’hypocrisie des Etats.

Ainsi, la France qui se gargarise à bon compte d’être le bon élève de la classe et d’avoir réduit ses émissions de carbone (grâce au nucléaire) oublie-t-elle de comptabiliser le « carbone importé », autrement dit celui émis dans des pays étrangers (la Chine, l’Arabie saoudite…) pour produire de l’énergie (le pétrole) et des biens qui in fine sont destinés à la France. Si elle affichait cette comptabilité autrement plus fine, la France bomberait moins le torse : depuis 1990, rappellent les auteurs, « les émissions produites en France ont diminué de plus de 7 % mais celles qui ont été consommées [en France] ont augmenté de 15 % [alors que la moyenne européenne n’est que de 9 %] ».

Si l’on conserve cette approche méthodologique (qui aurait pu être retenue à l’échelle internationale) un autre constat déplaisant pour nous s’impose : un Français émet davantage de gaz à effet de serre qu’un Chinois (dont le pays continue à être présenté comme un épouvantail).

Une autre idée à laquelle les auteurs tordent le cou concerne l’Allemagne qui n’aurait décidé d’abandonner le nucléaire au lendemain de l’accident de Fukushima que pour, si l’on peut dire, se jeter dans les bras du charbon. Rien de plus faux, écrivent Canfin et Staime : « La baisse de la part du nucléaire est largement compensée par des énergies renouvelables, qui couvrent déjà, certains jours, près des trois quarts des besoins en électricité du pays. »

Dynamique fondatrice ou coquille vide ?

C’est d’ailleurs l’un des principaux mérites du livre de ne pas hésiter à appeler un chat un chat et d’épingler les Etats qui ont intérêt à voir échouer la conférence de Paris : le Canada et la Russie qui « regardent avec gourmandise la fonte de glace en Arctique pour ouvrir de nouvelles routes commerciales [et] explorer l’immense réservoir de pétrole et de gaz des régions polaires », mais également la Norvège, la vertueuse Norvège qui « développe des partenariats avec la Chine pour exploiter les ressources potentielles de l’Arctique », l’Australie, l’un des principaux pays exportateurs de charbon, les pays producteurs de pétrole… Cela fait beaucoup de monde. Etonnamment, sur le banc des accusés, les compagnies pétrolières et minières n’occupent qu’un strapontin. Leur responsabilité est pourtant énorme.

La difficulté du défi à relever, la multiplicité des acteurs en présence, l’ampleur des intérêts – notamment financiers – en jeu font que si la conférence de Paris doit être un succès, ce ne pourra être qu’un succès partiel. Il y aura peut-être un avant Paris et un après Paris mais tout sera affaire d’interprétation et de mise en œuvre. « L’accord créera-t-il le cadre permettant de prendre des engagements plus ambitieux plus tard, lançant ainsi une dynamique fondatrice, ou sera-t-il une coquille vide et une nouvelle occasion manquée au regard des exigences de la science ? » s’interrogent les auteurs.

Réponse dans quelques mois. Après la « bataille de Paris ».


 


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Source : Jean-Pierre Tuquoi pour Reporterre

 

L’article original est accessible ici