Par Christine Behain (*)

Quel est le lien entre Geneviève de Gaulle, rescapée du camp de Ravensbrück et Joseph Wresinski fondateur d’ATD Quart Monde ?

Un jour, une de ses amies, Madame de Briançon, lui propose de rencontrer le père Joseph Wresinski. Arrivée dans le camp de Noisy le Grand, c’est le choc. Elle y retrouve les regards éteints qu’elle avait vu á  Ravensbrück, l’odeur des vêtements mal lavés, mal séchés: “C’était mon odeur” dit-elle dans le film le chemin d’Espérance de Claire Jeanteur. Elle y retrouve l’inhumanité qu’elle avait cherché à laisser au passé. Tout revient en bloc. Elle ne peut en prendre son parti. Elle propose tout de suite ses services au père Joseph Wresinski. C’est le début d’un long engagement au sein du Mouvement ATD Quart Monde, dont trente quatre ans en tant que Présidente d’ATD Quart Monde en France.

C’est lorsqu’elle était dans l’exercice de cette responsabilité que j’ai eu l’honneur d’être sa secrétaire de 1995 á 2000, années au cours desquelles fut votée la loi d’orientation contre les exclusions, en 1998. Années intenses en rebondissements que l’on peut lire dans le livre auquel j’ai aussi apporté une contribution “le secret de l’espérance”.

La dernière fois que j’ai vu Geneviève peu de temps avant qu’elle ne nous quitte, je voulais l’honorer en lui assurant que je continuais le combat. De son lit de malade, si frêle et si forte á la fois, elle eut cette phrase d’ultime Résistante: “Mais, moi aussi!” m’a t’elle répondu avec un beau sourire.

Geneviève de Gaulle Anthonioz au Panthéon

Secrétaire de Geneviève de Gaulle Anthonioz de 1995 á 2000, j’étais très émue ce mercredi 27 mai, lors de la cérémonie d’entrée au Panthéon avec 3 autres résistants.

Militer aux côtés de cette femme d’exception m’a transformée, son humanité et sa foi dans l’espérance m’ont permis d’avancer dans ma propre vie. « Le passage à l’humain commence au moment où l’on se sent concerné par l’humanité de l’autre » disait-elle.

Ce n’est pas sans émotions et angoisses que j’ai accepté l’offre de François Phliponeau, volontaire á la Photothèque du Centre International Joseph Wresinski, de venir me prendre á La Haye pour aller ensemble aux 70 ans de la libération du Camp de concentration de Ravensbrück, en Allemagne. François transportait dans sa voiture la partie de l’exposition “Femmes d’avenir” consacrée á Geneviève de Gaulle Anthonioz. Une exposition en l’honneur de deux rescapées du Camp de concentration Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle Anthonioz qui entrent ensemble au Panthéon. Ces deux grandes résistantes et amies, membres de l’Association des Déportées et Internées de la Résistance se retrouvent ainsi á nouveau unies par cet honneur suprême de leur patrie.

Geneviève m’a plusieurs fois partagé son expérience dans les camps ainsi que la fraternité qu’elle avait éprouvée dans ces épreuves. Aussi, le fait que j’aille sur les lieux du camp allait me confronter de visu á cette réalité “qu’il faut accepter de voir, afin de ne pas en prendre son parti”.

C’est une confrontation à la mémoire, à une période de l’histoire tellement horrible que l’on préférerait l’occulter. Mais justement notre devoir est de rappeler, de se confronter á cette horreur impensable, á l’inhumanité qu’ont endurée plus de quarante mille femmes de l’Europe, afin que d’ancrer ce “refus de l’inacceptable” dans nos vies et nous engager toujours plus á oeuvrer pour l’humanité.

Redites? Paroles fades ou faciles… Ou paroles d’une actualité brûlante? Acceptons de voir dans le monde d’aujourd’hui toutes les situations d’oppression, d’atteinte á la dignité de la personne, quel qu’elles soient, et engageons nous á dénoncer sans merci tout abus, tout irrespect, afin de créer un vrai courant en faveur du respect de l’humain et de la démocratie. C’est de cette façon que nous pouvons aujourd’hui faire Mémoire, pénétrés du passé et résolument tournés vers l’avenir, comme Germaine et Geneviève nous en donnent l’exemple.

Toutes les deux étaient des résistantes, l’une par l’usage de la science, l’ethnologie, l’autre par sa connaissance des rouages de la politique et sa pugnacité dans son combat auprès du père Joseph Wresinski fondateur d’ATD Quart Monde.

 

(*) Christine Behain, auteur du livre « En chemin… les rencontres »

JPG - 27.2 ko