Image : Une longue histoire, le soulèvement bolchevique de janvier 1918 en Ukraine (Source : Wikipédia)

« La situation en Ukraine évolue d’heure en heure. Les ultra-nationalistes de droite et leurs collaborateurs « libéraux » ont pris le contrôle de la Rada (Parlement ukrainien) et renversé le Président Ianoukovitch, élu démocratiquement bien que totalement corrompu et incompétent. Ancienne Première ministre et détenue, Ioulia Timochenko a été libérée et est en train de faire cause commune avec des partis fascistes tels que Svoboda (parti néo-nazi d’extrême droite) tandis que les chefs nominaux de l’opposition, comme Arseny Yatsenyuk et Vitali Klitschko, commencent à passer au second plan. »… « En échange de l’« aide » européenne, l’Ukraine sera obligée d’accepter la baisse des salaires, d’importantes coupes dans le secteur public et les services sociaux, en plus d’une hausse des impôts pour la classe ouvrière et d’une baisse drastique des pensions. En outre, le pays sera obligé d’adhérer à un programme de libéralisation qui permettra à l’Europe de vendre ses marchandises pour une misère sur le marché ukrainien ainsi que la déréglementation et l’ouverture du secteur financier du pays à la spéculation prédatrice et à la privatisation. » L’Europe au chevet d’une Ukraine souffrante : quand le néo-libéralisme et le néo-fascisme unissent leurs efforts. Par Eric Draitser pour le Centre de recherche sur la mondialisation.

Indépendamment des actions que la Russie peut mener ou non pour préserver les Russes ethniques de Crimée, l’implication de l’extrême droite dans le soulèvement ne présage rien de bon vu qu’elle vit de la violence, de l’intolérance et des sabotages des négociations pacifiques. Mais très souvent, cette implication de l’extrême droite est due à un concept erroné : cohérence versus calcul. Cela entraîne une contradiction avec d’un côté une aversion pour l’implication des extrémistes, et de l’autre notre raison qui nous dicte que : « nous avons besoin d’eux pour gonfler nos effectifs… et ils sont efficaces, après tout ; nous nous occuperons d’eux dès que nous aurons obtenu les résultats révolutionnaires escomptés. »

Lorsque les puissances extérieures collaborent avec le processus de changement (ou lorsqu’elles en sont les principaux promoteurs) la composition des forces rebelles importe peu, contrairement aux résultats rapides et économiques.

Prenons simplement l’exemple de la Syrie, où les islamistes radicaux sont très vite devenus de solides partenaires dans la lutte pour renverser le gouvernement d’Assad : quelle que ce soit l’issue de cette lutte, que le gouvernement tombe ou reste, que la Syrie se divise ou demeure unie, les radicaux ne disparaîtront pas (de même qu’en Irak, en Lybie, etc.) ; d’une certaine manière, ce sont eux les véritables vainqueurs du chaos causé par la stratégie déterminée de changement de régime pour avoir la mainmise sur le pétrole et instaurer une suprématie sectaire au Moyen-Orient en rendant l’Iran vulnérable.

L’Égypte a répété l’histoire : les jeunes révolutionnaires, plus ou moins en contact via les réseaux sociaux, ont vu leur effectif augmenté avec les très organisés Frères musulmans, ce qui peut avoir été perçu comme une bonne chose en termes de calcul… mais lorsque les Frères musulmans ont fait leur propre calcul, ils ont estimé qu’ils avaient besoin des partenaires islamistes les plus radicaux pour pouvoir obtenir la majorité absolue dans le pays, changement qui a finalement conduit à l’effondrement de l’ensemble du processus.

Tout processus qui renferme dès le départ une contradiction est condamné à traîner cette dernière du début jusqu’à la fin, qu’il « réussisse » ou qu’il « échoue », puisqu’il ne peut atteindre l’objectif le plus important, celui de l’aspiration humaine, source de la force qui nous pousse à rechercher une situation différente : une vie pleine de sens, c’est-à-dire une vie cohérente, libérée de toutes ses contradictions.

Comme la déstructuration lente et progressive de l’empire financier néolibéral triomphant poursuit sans relâche sa recherche de nouveaux marchés à inonder et une main-d’œuvre bon marché à exploiter, cela mènera à de plus en plus d’exemples de « révolutions populaires » soutenues par la bête blessée… et dans de telles conditions, les choix sont restreints ; mais prendre parti entre les violentes factions n’est guère plus judicieux. En fait, il est crucial d’adopter la méthode de la non-violence quel que soit le processus de changement puisqu’il s’agit de la seule attitude capable d’amener à un avenir ayant du sens pour toutes les parties impliquées.

 

(Traduit de l’espagnol par Florian MORINIÈRE)