Par ORTIZ Fabiola

le Brésil insiste pour développer l’énergie nucléaire, malgré son coût et le fait que son apport au réseau électrique national sera toujours marginal. « Le système électrique a besoin d’une contribution thermique et l’énergie nucléaire est la plus propre et la plus sûre », affirme, à IPS, le président d’Eletrobas Electronuclear, Othon Luiz Pinheiro da Silva. « Ce serait une mauvaise décision de la rejeter », a ajouté l’homme qui dirige l’entreprise publique chargée de construire et d’exploiter les réacteurs.

La génération thermonucléaire fournit 3 % de l’offre électrique. Mais Pinheiro da Silva lui-même reconnaît que sa contribution ne devrait pas augmenter au-delà de 4 % car, même si la demande augmente, le développement hydroélectrique et les contributions d’autres sources d’énergie renouvelable continueront de développer le réseau énergétique.

Angra dos Reis, dans la région de Costa Verde, sur l’océan Atlantique et à environ 160 kilomètres à l’ouest de Rio de Janeiro, a été choisie pour y construire Angra 1, le premier réacteur du Brésil, qui a commencé à fonctionner en 1985 avec la technologie américaine, avec une puissance de 640 mégawatts.

Angra 2 a été construit à partir d’un accord de transfert de technologie avec l’Allemagne et a commencé à fonctionner en 2001 avec une puissance de 1.350 mégawatts.

Le Brésil dépend de l’hydro-électricité, qui est la production énergétique la moins chère. Le super-intendant de Angra 2, l’ingénieur Antonio Carlos Mazzaro, qui travaille dans ce complexe depuis 35 ans, a dit à IPS que l’apport nucléaire est « complémentaire ».

Angra 2 « génère 10,5 millions de mégawatts/heure par an, suffisamment pour répondre à un tiers de la demande de l’État de Rio de Janeiro, ou à celle d’une population de 5 millions d’habitants », a expliqué Mazzaro.

Angra 3 est en train d’être construit pour un coût de 6 milliards de dollars et devrait commencer à fonctionner en 2018. 3 000 ouvriers y travaillent.

La Constitution définit que l’État détient le monopole de ce type d’énergie et de tout le cycle de l’uranium.

Le Brésil, avec presque 200 millions d’habitants, a commencé les recherches dans les années 1950. Il possède la 6ème plus grande réserve naturelle d’uranium au monde, avec quelques 310 000 tonnes. Mais selon certaines estimations, il pourrait en détenir jusqu’à 800 000 tonnes.

Le Brésil aspire à devenir un exportateur de combustible nucléaire et à construire entre quatre et huit nouvelles centrales d’ici 2030. Des études indiquent 40 éventuels sites où les implanter. Mais le gouvernement a dû faire marche arrière suite au désastre de la centrale japonaise de Fukushima.

« Le plan n’a pas changé, ce qui a changé est sa vitesse d’exécution. Les gouvernements devaient donner une réponse à l’opinion publique et la réponse immédiate du Brésil a été une paralysie des projets pour les analyser et prendre des décisions », a indiqué Pinheiro da Silva.

« Bien que nous soyons dans une région beaucoup plus favorable (sur le plan sismique) que Fukushima (Voir un article sur Fukushima en espagnol) et que nous utilisions une technologie plus moderne, nous réfléchissons à un plan d’intervention en analysant tous nos systèmes de sécurité », avec une investissement de 128 millions de dollars, a-t-il ajouté.

Le lauréat écologiste Vilmar Berna pense que la Costa Verde a été un mauvais choix. Une succession de montagnes boisées se prolonge abruptement dans la mer, laissant à peine la place pour une étroite bande de plages. Le sol est fragile et les glissements de terrain constants. « Les trois centrales se trouvent dans un véritable trou de souris, la seule route d’accès est déjà embouteillée les jours fériés. Imaginez s’il fallait évacuer la population », a dit Berna à IPS.

La tentative de développer la région, qui vit surtout du tourisme, a également été un échec, a-t-il soutenu. Quand Angra 1 a été construit, plus de 5 000 travailleurs sont arrivés. Une fois le travail fini, eux et leurs familles sont venus grossir les « favelas » (quartiers pauvres et denses), a rappelé Berna.

La décision de se lancer dans l’industrie nucléaire a été prise en pleine dictature militaire (1964-1985). « Dénoncer l’énergie nucléaire, c’était comme dénoncer le gouvernement et cela signifiait prison, torture ou mort. Mais aujourd’hui, en démocratie, cette question devrait être décidée par référendum », a-t-il dit.

Le projet, qui établit les critères et les conditions pour approuver l’emplacement de nouveaux réacteurs électronucléaires, a été présenté en janvier en référendum par la Commission Nationale d’Énergie Nucléaire. Mais Berna et l’analyste politique Clóvis Brigistance de Secretagão dénoncent la persistance du secret. « Le peuple n’a jamais eu le droit de choisir s’il voulait ou non de cette énergie », souligne Berna.

D’autre part, la température de l’eau salée utilisée pour refroidir les réacteurs et qui retourne à la mer est de quatre degrés plus chaude, selon Berna.
Le Conseil National de l’Environnement a décidé en 2011 que cette eau ne devait pas dépasser de plus de trois degrés la température normale de la mer ni dépasser la limite maximum de 40 degrés.

Eléctronuclar a répondu à IPS que, depuis les années 1980, il dispose d’un programme pour mesurer tous les 15 jours la température à deux endroits où les eaux de refroidissement sont rejetées à la mer. Ces dernières années, “la température de l’eau de mer rejetée dans la crique de Saco Pirauara de Fora n’a jamais dépassé les 40 degrés stipulés par la résolution” ; dit le communiqué envoyé à IPS.

Une autre question qui préoccupe les écologistes est celle de la gestion des résidus radioactifs.

D’après l’entreprise elle-même, ceux de basse radioactivité sont stockés dans des installations du complexe d’ Itaorna. Et ceux qui sont très radioactifs, comme les combustibles nucléaires usés, se trouvent dans les réacteurs.

Ce 2 décembre, la justice a assigné le gouvernement, la Commission Nationale d’Énergie Nucléaire et l’entreprise à inclure dans le budget les ressources nécessaires pour projeter, construire et installer des réservoirs finaux où entreposer les résidus radioactifs d’Angra.

Cette décision obéit à une action entamée par le Ministère public (« fiscalía ») en 2007, en réponse à une demande civile dénonçant le fait que depuis les années 1980, des déchets étaient stockés dans des réservoirs provisoires, ce qui constituait un risque pour la santé publique.

 

L’article a été traduit de l’espagnol au français par Melissa Antonelli, et relu par Aurélie Gasc, traductrices à Ritimo. Retrouvez l’article original sur le site d’Inter Press Service (IPS), Energía nuclear, marginal pero estratégica para Brasil