Assassinats en pleine campagne électorale, irrégularités dans les bureaux de vote… Le résultat des élections présidentielles honduriennes a déclenché une vague de protestations.

Le président du Parlement hondurien, candidat officiel du Parti national (de droite) du Honduras (PNH), Juan Orlando Hernández, a remporté les élections avec 36 % des suffrages. Xiomara Castro, épouse du président destitué Manuel Zelaya, a obtenu 29 % des voix. Avant les élections, des critiques avaient déjà fusé, prétendant que le système électoral n’était pas sans faille et que le PNH allait en tirer parti pour influencer le scrutin à son avantage. Comme tirée d’un livre de Gabriel García Márquez : la chronique d’une fraude annoncée.

Durant les 15 mois qui ont précédé les élections, 39 dirigeants du nouveau parti d’opposition Libre et du Front national de résistance populaire (FNRP) ont été assassinés. Six personnes ont été victimes d’enlèvement et d’assassinat. Il est clair que l’élite voulait coûte que coûte conserver le pouvoir.

manifestacionLe résultat des élections a déclenché une vague de protestations. Des milliers de personnes sont descendues dans la rue et ont exigé de nouvelles élections ou un nouveau comptage. Des irrégularités manifestes ont été dévoilées. Ainsi, un rapporte de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) affirme que de nombreux électeurs étaient mentionnés sur les listes comme « décédés », ne pouvant ainsi pas voter. D’autres y figuraient effectivement, mais étaient eux bel et bien décédés. Le PN avait également distribué des bons de ristourne et des GSM en échange d’une voix. La FIDH insiste également sur la forte présence militaire durant les élections. Et les comptages truqués ont été légion.

Toutes ces indications font planer quelques doutes sur l’équité du scrutin. Le parti Libre a annoncé qu’il ne reconnaissait pas le résultat et a appelé à une manifestation massive le dimanche 1er décembre. La nuit précédente, un membre de Libre a encore été assassiné.

Zelaya destitué en pyjama

Tout a commencé le 28 juin 2009, quand le président du Honduras, Manuel Zelaya, démocratiquement élu, a été destitué par un coup d’État.

En novembre 2005, quand Zelaya a été élu président, il s’agissait d’un changement brusque dans le paysage politique traditionnel du Honduras – qui, depuis sa naissance, n’était dirigé que par deux partis politiques, le Parti libéral et le Parti national.

Bien vite, le président Zelaya était déclaré « persona non grata » par l’élite hondurienne, après que son pays a rallié l’ALBA (Alliance bolivarienne des peuples de l’Amérique, un bloc socioéconomique alternatif regroupant, entre autres, Cuba, le Venezuela, la Bolivie, l’Équateur et le Nicaragua). Avec Zelaya, le Honduras avait un président de gauche et progressiste, qui a pris une série de mesures politiques au profit des travailleurs. Il a ainsi augmenté le salaire minimal de plus de 60 %, une mesure uniquement possible grâce à l’ALBA (et au pétrole vénézuélien qui renforçait l’économie hondurienne).

L’élite a d’un coup perdu son pouvoir et cela n’allait pas rester sans conséquence : un coup d’État se mijotait et a éclaté de façon accélérée quand, en 2009, le président Zelaya a décidé d’appliquer une « réforme constitutionnelle », après avoir consulté la population. La réforme allait concerner la participation citoyenne ainsi que, selon certaines sources, la nationalisation d’entreprises et même de la base militaire de Palmerola (le quartier général des troupes américaines dans le pays et la base de départ de sa « guerre contre la drogue » en Amérique centrale). Dans le passé, d’ailleurs, c’est déjà à partir du Honduras que les États-Unis avaient dirigé plusieurs interventions militaires et élaboré des agendas politiques en Amérique centrale.

Le matin du 28 juin 2009, Manuel Zelaya, encore en pyjama, était mis à bord d’un avion et expédié au Costa Rica voisin.

Agitation sociale

Depuis, le paysgases connaît une période d’instabilité politique et sociale. La pauvreté et la violence ont fortement augmenté. Le Honduras présente les chiffres d’assassinat les plus élevés de la planète, avec 81 pour 100 000 habitants (Belgique : 2,1 pour 100 000). Chaque jour, 20 personnes sont assassinées, au Honduras. Sous le gouvernement de droite de Porfirio Lobo (président depuis 2010), la violence n’a cessé de croître, de même que la pauvreté et les inégalités. Et ce, alors que le président Zelaya a fait baisser la pauvreté de 13,2 %, et l’extrême pauvreté de 26,3%.

Après le coup d’État, Zelaya a voulu rentrer dans son pays, mais l’élite s’y est fortement opposée. De nouvelles élections ont eu lieu, mais celles-ci n’ont pas vraiment été reconnues par la population. Porfirio Lobo était considéré comme un président irrégulièrement élu. Finalement, on en est arrivé à un compromis et l’épouse de Zelaya, Xiomara Castro, a pu participer aux élections. Son nouveau parti, Libre (Libertad y Refundación), a bénéficié du soutien du large mouvement de gauche, le FNRP. C’est la première fois dans l’histoire qu’un nouveau parti était en mesure d’accéder au pouvoir et que le mouvement de gauche était uni auteur d’un seul drapeau, d’un seul candidat, d’un même projet pour le pays. Les espérances étaient on ne peut plus élevées. Pendant très longtemps, Libre est resté en tête des sondages.

Puis il y a eu les élections. Qu’il y ait eu ou pas une fraude à grande échelle et qu’elle ait influencé ou pas le résultat final, une chose est certaine, c’est que le nouveau gouvernement constitue une source de conflit social. La population hondurienne déjà gravement affectée peut s’attendre à un nouveau calvaire.

Source : http://www.intal.be/node/12079