Albert Jacquard est décédé mercredi soir à son domicile parisien à l’âge de 87 ans, a annoncé jeudi son fils à l’AFP.

Cet homme de science français (Généticien) était passionné par la vie et les gens.
L’éducation (lui-même enseignant) le pousse à s’interroger sur le destin de l’homme, son humanité, son devenir et les empêchements qui le maintiennent sans son esclavitude quotidienne.

Pour rester cohérent entre ce qu’il sent et ce qu’il pense, il fera aussi acte de militance jusqu’à son dernier souffle en manifestant directement dans la rue au coté de tous les discriminés. Dans ses écrits, il fût aussi un Combattant contre les théories racistes et défendra l’humanisme antilibéral.

Le plus juste pour se souvenir de lui, est encore de lui emprunter ses paroles pleines de bon sens et d’espoirs…

À propos du bonheur il déclare:

«Pour moi, le bonheur, c’est de se sentir beau dans le regard des autres.» (1)

«Manifester son bonheur est un devoir; être ouvertement heureux donne aux autres la preuve que le bonheur est possible.»(1)

 

Concernant la discrimination il affirme :

«Il faut prendre conscience de l’apport d’autrui, d’autant plus riche que la différence avec soi-même est plus grande.» (1)

« Exprimer une idée est une activité difficile à laquelle il faut s’exercer ; la télé supprime cet exercice ; nous risquons de devenir un peuple de muets, frustrés de leur parole, et qui se défouleront par la violence. » (1)

« Les autres ne sont pas notre enfer parce qu’ils sont les autres ; ils créent notre enfer lorsqu’ils n’acceptent pas d’entrer en relation avec nous.  »  (1)

L’humanité n’est pas seulement l’addition de six milliards d’êtres humains, mais la mise en commun, par eux, de leurs angoisses et leurs espoirs. (11)

« Tolérer, c’est accepter du bout des lèvres, c’est bien vouloir, c’est, de façon négative, ne pas interdire. Celui qui tolère, se sent bon de tolérer, celui qui est toléré se sent doublement méprisé pour le contenu de ce qu’il représente ou de ce qu’il professe et pour son incapacité à l’imposer. L’intolérance, auto défense du faible ou de l’imbécile, est certes une marque d’infantilisme, mais la tolérance, concession accordée par le puissant sur de lui, n’est que le premier pas vers la reconnaissance de l’autre ; d’autres pas sont nécessaires qui aboutissent à « l’amour des différences ». » (4)

«Un processus apparemment inéluctable d’enrichissement des riches et d’appauvrissement des pauvres a été mis en place et accélère ses effets. Il fonctionne aussi bien dans les rapports entres les États ou les grandes entreprises multinationales qu’entre les individus. La Terre entière est devenue une jungle où la principale vertu est d’être compétitif, c’est-à-dire capable de l’emporter sur les autres.» (6)

«Ce n’est pas là seulement une affirmation de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, c’est la conclusion de la recherche scientifique : tous les humains ont une origine commune.
Ils sont donc tous également co-propriétaire de la planète, donc co-responsables de sa gestion. A la question : « A qui est confiée la planète ? » la seule réponse est désormais : « A tous les humains, y compris ceux qui ne sont pas encore nés.»(10)

« Je suis « je » parce que tu m’as dit « tu »(12)

 Avec les incohérences de notre société ultralibérale, il écrit:

« « Réussir » est devenu l’obsession générale dans notre société, et cette réussite est mesurée par notre capacité à l’emporter dans des compétitions permanentes. Il est pourtant clair que la principale performance de chacun est sa capacité à participer à l’intelligence collective, à mettre en sourdine son « je » et à s’insérer dans le « nous », celui-ci étant plus riche que la somme des « je » dans laquelle l’attitude compétitive enferme chacun ; le drame de l’école est d’être contaminée par une attitude de lutte permanente, qui est à l’opposé de sa finalité. » (9)

« La croissance de la consommation est, parmi les exigences manifestées, celle qui recueille actuellement la plus large approbation. Par malheur, c’est aussi celle qui, dans les pays développés, nous entraîne le plus évidemment vers un butoir, en raison de la finitude de la planète. » (10)

« Il y a trente ans, la perspective d’un chômage atteignant un million de personnes était considérée comme invraisemblable ; ce serait la révolution. Aujourd’hui il y a plus de cinq millions de chômeurs, et les rues ne sont pas coupées par des barricades. » (8)

«Est fanatique celui qui est sûr de posséder la vérité. Il est définitivement enfermé dans cette certitude; il ne peut donc plus participer aux échanges ; il perd l’essentiel de sa personne. Il n’est plus qu’un objet prêt à être manipulé. »(4)

«Le pétrole et le gaz naturel sont les exemples les plus spectaculaires de ces ressources non renouvelables. L’on sait que ces substances, devenues précieuses pour nos sociétés fondées sur la technique, sont le résultat d’un processus de production qui s’étend sur plusieurs centaines de millions d’années. Les détruire, c’est les faire disparaître définitivement. Avant d’en disposer, il faudrait donc répondre à la question : « A qui appartiennent-elles ? » La réponse la plus raisonnable est : « A tous les hommes », en incluant dans ce « tout » non seulement les six milliards et demi d’êtres humains d’aujourd’hui, mais les nombreux milliards qui leur succèderont jusqu’à la fin de l’humanité.» (9)

«Lorsque des familles sont à la rue, lorsque des enfants sont logés dans des trous à rats, lorsque, comme à Paris durant l’été 2005, plusieurs incendies de taudis provoquent des dizaines de morts, tandis que des locaux tout proche restent vides, il serait criminel de ne pas réagir en remettant en cause le droit de propriété.»(9)

Il croyait et défendait depuis le plus profond de son être en la réussite d’un futur radieux pour l’homme:

« Il faut que la terre entière devienne un refuge.» (3)

«Nous ne sommes en rien des objets soumis à quelque destin, mais des passagers conscients et mortels, agissant sur cette planète. Nous sommes des dépositaires et passeurs d’expériences, de savoirs, échangeant en projections leurs questionnements, leurs ambitions, leurs idées, rêves et idéaux, leurs luttes et combats pour avancer en résonances, par nos unicités partagées.» (5)

«Nous pouvons choisir. Mieux, ou pis, nous sommes obligés de choisir ; nous n’avons pas la liberté de ne pas être libres. Que ce cadeau ait été fourni par le Créateur ou qu’il résulte de l’aboutissement local de l’élan de l’univers vers toujours plus de complexité, peu importe ; il nous faut  » faire avec « , et constater que, parfois, il s’agit d’un cadeau empoisonné. »(7)

« L’objectif de toute éducation devrait être de projeter chacun dans l’aventure d’une vie à découvrir, à orienter, à construire.  »(2)

«Il est nécessaire que la morale d’un peuple soit décidée par le peuple lui-même ; d’où le besoin d’une nouvelle forme de démocratie : la démocratie de l’éthique. »(7)

« Désormais la solidarité la plus nécessaire est celle de l’ensemble des habitants de la Terre. (5)

«Demain sera ce que nous en ferons ; aucun sort ne nous a été jeté qui nous rendrait incapables de produire une humanité pacifié. Encore faut-il qu’elle soit sincèrement et unanimement désirée. »(9)

Bon voyage respectable ami, dans cet autre temps et autre espace où tu es entré ce mercredi 11 septembre 2013.
Tu restes dans nos mémoires…
(1) Extrait du Petite philosophie à l’usage des non-philosophes

(2) Extrait de l’Abécédaire de l’ambiguïté de Z à A

(3) Petit manuel d’humanisme à l’usage des enfants de Albert Jacquard

(4) Éloge de la différence : La génétique et les hommes.

(5) Réinventons l’humanité

(6) Le souci des pauvres: L’héritage de François d’Assise

(7) Petite philosophie à l’usage des non-philosophe

(8) L’équation du nénuphar

(9) Mon utopie

(10) Le compte à rebours a-t-il commencé?

(11) Être humain?

(12) Conférence au Luxembourg