Par Khaled ISSA
PRÉAMBULE
La Syrie est un pays de 24 million d’habitants, d’une superficie totale de 185 180Km², dont 60 000km² de terres exploitées. La recette publique en 2010 dépassait à peine 11 milliards de dollars US, dont la moitié provenait des ressources pétrolières. La mauvaise gestion des affaires publiques, les mauvaises conditions climatiques des dernières années, l’insuffisance des subventions arabes ou étrangères, la distribution inégale des crédits dans les diverses régions, contraignaient plus de 30% de la population à vivre au-dessous du seuil de pauvreté. Ce pourcentage est encore plus élevé dans la région Nord-est du pays.
La Syrie est marquée par une forte vulnérabilité nationale. Les élites qui se sont succédé au pouvoir ne sont pas parvenues à forger une cohésion nationale. Leurs références idéologiques, en général pan arabe ou panislamique, n’étaient d’ailleurs pas favorables à la création d’un Etat nation à l’occidentale. Leurs pratiques politiques se fondaient sur des structures infra nationales  tel que l’appartenance confessionnelle, ethnique, régionaliste ou clanique. C’est à partir de ces appartenances que les alliances se nouaient, dans le but de conquérir ou de maintenir le pouvoir politique.
Au niveau confessionnel, la communauté alaouite (15% de la population), occupe la majeure partie du littoral, surtout dans la chaîne montagneuse qui porte le nom de cette communauté. Mais cette dernière est elle-même divisée en tribus et en sectes concurrentes, voire hostiles. Le territoire de cette communauté est circonscrit par la mer, à l’Ouest, et par trois zones à majorité sunnite : au Nord, la frontière avec la Turquie ; au Sud, la frontière avec le Liban ; à l’Est, la vallée de l’Oronte.
Quant à la communauté chrétienne, suite à une immigration constante, elle ne forme plus que 8% environ de la population. Elle est dispersée géographiquement entre plusieurs villes et régions du pays. Elle se subdivise en plusieurs églises et ethnies.
Le Sud du pays est marqué par la présence de la communauté druze, 4% de la population. Elle occupe la zone montagneuse du Sud du pays, qui couvre presque la moitié des frontières avec la Jordanie. Les Druzes de Syrie sont séparés de ceux d’Israël par le plateau du Hauran, une enclave à majorité sunnite.
La petite communauté ismaélite, 1% de la population, dans le gouvernorat de Hama, fragilise la cohésion de la communauté arabe sunnite de la Ma’moura (Syrie intérieure : Damas, Homs, Hama, et Alep).
Au niveau ethnolinguistique, la communauté kurde, qui regroupe près de 15% de la population syrienne, est majoritaire sur la presque totalité de la zone frontalière avec la Turquie. Ils constituent le premier groupe ethnique non arabe en Syrie et posent de ce fait un défi au caractère « arabe » de la Syrie. De ce fait, les dirigeants de Damas, influencé par l’idéologie pan arabe ou pas islamique, menaient une politique systématique de discrimination et d’oppression à l’égard des Kurdes et des régions dont ils forment la majorité.
A part les Assyro-chaldéens, qui habitent une trentaine de villages dans la région de la Jazireh et qui ont des revendications politiques et culturelles, aucun des autres groupes non arabes, comme les Arméniens, les Tcherkesse, ou les Turcomans, ne forme une entité homogène dans un espace géographique déterminé.
La majorité de la population syrienne est arabe sunnite. Elle tient les grandes villes de la Syrie intérieure, moins de la moitié des frontières avec la Jordanie, la majeure partie des frontières avec le Liban et l’Irak, et une petite partie des frontières avec la Turquie. Les Arabes sunnites appartiennent à différentes écoles juridiques (madhab) et se rattachent à divers courants de pensées. S’ajoutant aux appartenances régionales et tribales, ils constituent autant de variables qui affectent le comportement politique des diverses fractions de cette communauté.
La configuration complexe de la population syrienne explique bien d’aspects de la stratégie menée par le régime, et les postions des personnalités et formations de l’opposition, ainsi que la politique et les actions des puissances régionales.
Depuis la création de l’Etat syrien, ses institutions sont dominées par les militaires. D’abord par les autorités mandataires, ensuite par les officiers syriens. Les institutions politiques ou civiles sont dépourvues de tout pouvoir réel. C’est le clientélisme, comme de fonctionnement, qui dominait la vie politique, la redistribution du pouvoir par la cooptation, et la redistribution de la richesse par la corruption.
La configuration ethnographique et confessionnelle en Syrie, impose la nécessité d’un Etat démocratique fondé sur quatre principes :
Un Etat démocratique, fondé sur le principe de la souveraineté populaire, la séparation des pouvoirs, et la démilitarisation des institutions de l’Etat.
La laïcité, pour garantir la liberté absolue de conscience et la libre pratique de cultes de toutes les communautés sans aucune discrimination. Que toutes les considérations métaphysiques restent dans le domaine privé des citoyens.
La décentralisation, pour élargir les assises populaires des institutions étatiques par la participation de la population aux affaires à caractères régionaux ou locaux, et répondre aux aspirations et revendications régionalistes ou communautaires, dans lae cadre de l’unité de l’Etat.
La citoyenneté, pour assurer l’égalité de toutes et tous en droits et devoirs sans aucune discrimination, toute référence religieuse ou ethnique doit être exclue de nom de l’Etat. L’Etat syrien deviendra la patrie de tous ses ressortissants et défendu en priorité par tous.
DÉCLARATION
(Relative à la cause kurde, aux droits des minorités et droits de la Femme)
– Conformément à la Charte des N.U., la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et les deux conventions des droits de l’Homme signées en 1966, notamment les articles concernant les droits de l’Homme, Individus et communautés, et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Après avoir vu les diverses délibérations précédant la rédaction finale de ces documents, ainsi que leurs préambules.
– Prenant en compte les mesures politiques chauvinistes dont fait l’objet le peuple kurde, ainsi que la persécution et les dommages subis par ce peuple sous les autorités dictatoriales.
– Considérant que la réalisation des principaux droits nationaux fait partie des caractéristiques de notre époque.
– Prenant en compte le caractère multiconfessionnel et multiethnique de la Syrie, nécessitant la constitution d’institutions politiques exprimant la volonté du peuple syrien dans sa diversité et la mise à profit de cette diversité d’appartenances pour consolider la cohésion patriotique et le développement du pays.
– Considérant que le traitement abusif dont souffre actuellement la femme syrienne en raison de son appartenance, n’est pas conforme aux conventions internationales et aux principes de la justice et que ceci paralyse une grande partie du potentiel national.
1) La transformation des institutions de l’État Syrien en une République Démocratique Parlementaire, laïque et décentralisée, fondée sur les principes de séparation de pouvoirs, par une constitution respectant les Droits de l’Homme et ceux des peuples, ainsi que les diverses appartenances nationales et confessionnelles de tous les citoyens, établissant un équilibre entre d’une part, l’unité et la capacité nécessaire dont le pouvoir central doit être doté, et d’autre part, la nécessité de doter les institutions des autorités régionales des pouvoirs nécessaires à la réalisation de l’auto-administration démocratique de toutes les régions.
2) Que l’identité nationale du peuple Kurde soit constitutionnellement reconnue, qu’une solution équitable de la cause du peuple kurde en Syrie soit trouvée, conformément aux chartes et conventions internationales, dans le cadre de l’unité nationale. Que soient abolies toutes les décisions racistes et discriminatoires appliquées contre ce peuple, que les conséquences de ces décisions soient traitées, et que les dommages subis soient réparés. Que soient protégées et développées les langues et cultures des Assyriens, des Syriaques et des Chaldéens. Que soient respectés les Droits culturels des communautés Turkmène, Arménienne et Tcherkesse.
3) Le développement des régions qui ont subi les politiques de négligence et de marginalisation, sur le plan des services publiques et de l’investissement, et que soit établi un régime garantissant la redistribution équitable de la richesse entre les diverses régions de l’État.
4) Faire voter des lois garantissant une représentativité équitable dans les élections des assemblées nationales et locales, pour faciliter la participation des diverses catégories de la société à la prise des décisions politiques dans le pays.
5) Faire voter des lois conformes à la Charte des N.U., à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, et à toutes les Conventions Internationales relatives aux Droits de l’Homme.
6) Assurer la protection constitutionnelle nécessaire pour le droit à l’expression des idées, des opinions politiques et à l’exercice des cultes pour tous les citoyens syriens.
7) Une garantie constitutionnelle pour les Droits de la Femme, assurant l’égalité absolue entre les hommes et les femmes dans les droits et devoirs, dans tous les domaines, Conformément à la Convention de la suppression de toute forme de discrimination entre les deux sexes ratifiée par la Syrie.
Genève le 29 Janvier 2013