Les avions français ont bombardé les positions islamistes dans le nord du Mali pour la première fois samedi dernier. Pendant ce temps, des commandos français s’enlisaient dans une tentative de libération d’otage en Somalie. Denis Allex,  un agent de la DGSE (services secrets et de renseignement français) y est détenu depuis plus de trois ans par des insurgés islamistes.

Dans la journée de samedi 12 janvier 2013, la France s’est engagée sur deux fronts de guerres, le Mali et la Somalie. Il s’agissait de deux actions essentielles pour la France. Au Mali, la montée en puissance de l’extrémisme constitue une menace réelle pour les intérêts français, tandis qu’en Somalie il s’agissait d’une mission commando initiée pour la libération d’un soldat français détenu pas les islamistes Shebab.

Selon les autorités françaises, la France n’a pas d’intérêt caché comme celui de s’installer au Mali, bien au contraire la France voudrait, à court terme éduquer et former l’armée malienne afin  qu’elle puisse faire face a ces rebelles. C’est d’ailleurs le cas aujourd’hui en Afghanistan où les forces étrangères venues combattre les talibans se retirent progressivement, laissant place à une armée bien formée et mieux armée qu’avant.

Le président français s’adressant à la nation a rappelé que cette intervention s’inscrivait dans le cadre d’une assistance à un pays ami qui est le Mali. Objectivement, il s’agit restaurer l’intégrité territoriale de ce pays. Mais il s’agit aussi d’une assistance à un pays ami. En effet, Le Mali et la France entretiennent des relations étroites tant sur le plan historique, que culturelles.

La France et ses intérêts

Les autorités françaises, pour justifier cette intervention militaire au Mali, précisent que cela  entre dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. Vu sous ce prisme, elle a l’appui de la communauté internationale. Le président français lui-même a déclaré que cette action se faisait «dans le cadre de la légalité internationale» et «en accord avec le président malien Dioncounda Traoré». Par ailleurs, la France déclare avoir le soutien des pays de l’Afrique de l’Ouest, regroupés au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CDEAO),  même si  leur engagement dans le conflit est assez lent.

En 2011, le Mali a conservé son rang moyen comme partenaire commercial de la France : il apparaît au 84ème rang de ses clients, figure à la 160ème place comme fournisseur et au 30ème rang pour les excédents. L’an passé, ces échanges ont progressé de 9%, passant de 287 M€ à 314 M€. Ils continuent de dégager un excédent confortable (3ème au sein de l’UEMOA, derrière le Sénégal et le Bénin), qui atteint 298 M€, contre 276 M€ en 2010. Parmi les pays de l’UEMOA, le Mali atteint en 2011 le 4ème rang des pays clients de la France, et le 5ème rang des pays fournisseurs et des échanges (imports + exports), avec une part de 7,2%, loin derrière la Côte d’Ivoire (1 280 M€, soit 29,4% de échanges français dans la zone), le Sénégal (983 M€ , 22,6%), le Bénin (813 M€, 18,7%) et le Niger (456 M €, 10,5%).

La France, seule contre le MNLA, l’Ançar l’Eddine, le  Mujao, l’Aqmi

A la suite de cette intervention, on se pose la question de savoir si, à terme, la France parviendra à résoudre le problème islamique dans la région. Pour répondre à cette préoccupation, il faut remonter dans l’histoire de l’islam dans la région. En effet, la colonisation française n’a été qu’une parenthèse sur la poussée islamique dans cette partie du continent. Pendant près d’un siècle, l’avancée islamique du nord vers le sud catholique a été gelée. Mais après le tracé des frontières et  la fin de la colonisation, les islamistes ont ressuscité les armes de conquête. Le MNLA, l’Ançar l’Eddine, le Mujao, l’Aqmi etc. sont des groupes radicaux créés avec le désir de conquérir le sud catholique.

La France se contentera de chasser le naturel, mais il reviendra au galop. Sur le terrain du conflit, les événements s’avèrent difficiles. L’armée française fait face depuis samedi à des groupes islamistes bien équipés, bien armés et bien entraînés, dotés de matériel roulant essentiellement constitué de Pick-up. Ils ont d’ailleurs montré leur capacité à faire face aux frappes françaises en détruisant un hélicoptère et tuant son pilote.

Deux poids deux mesures ?

Le Sélaka, coalition de plusieurs groupes armés en république centrafricaine, a repris les armes le 10 décembre 2012. Depuis lors, les villes de Ndélé, Bria, Bambari, la ville stratégique de Kaga Bandoro sont tombées entre leurs mains. Leur principale revendication est que les autorités à Bangui respectent les accords de paix signés entre 2007 et 2011. Les accords qui prévoyaient notamment un programme de désarmement, un programme de démobilisation et un programme de réinsertion.

Avec l’aide de certains chefs d’Etats africains, des discussions directes entre les rebelles et le pouvoir centrafricain s’étaient ouvertes le mercredi 9 janvier à Libreville (Gabon).  Les rebelles centrafricains sont restés fermes sur leur position au cours de ces négociations.  Elles ont continué de réclamer le départ immédiat du chef de l’État, François Bozizé, et ont également présenté un mémorandum dans lequel ils demandent à ce qu’il soit traduit devant la Cour Pénale Internationale (CPI). Ces négociations sont aujourd’hui au point mort en attendant le sommet des chefs d’État africains sur la Centrafrique. Pendant ce temps, Les rebelles qui continuent leur marche sur Bangui sont aujourd’hui à des dizaines de kilomètres de la ville.

L’on avait assisté le mardi 8 janvier au retrait des troupes tchadiennes, présentes en Centrafrique depuis le début de la crise, Ce retrait intervient après que l’Afrique du sud ait décidé d’envoyer des troupes sauver le régime de François Bozizé.

Opération délicate

Du côté de la France, on commence déjà à grincer des dents quant au bien-fondé de cette intervention et surtout des conséquences qui en découlent, notamment celle qui pourrait porter atteinte à la vie des 8 otages français au Sahel. Le spectre de ce qui s’est passé en Somalie hante les différentes familles des otages. Même si elles sont d’accord pour une intervention militaire au Mali, elles pensent que le gouvernement français devrait tout faire pour libérer les otages sains et saufs. Sur cette question, comme cela avait été le cas aussi pour l’otage détenu en Somalie, les autorités françaises ont réaffirmé leur volonté de ne pas intenter des actions qui mettraient en péril les otages. Objectivement, les spécialistes de guerres, sans être excessifs, pensent qu’il n’existe pas d’opération de libération d’otage à risque zéro.

Aussi, l’opinion pourrait reprocher à la France d’avoir menée une opération très risquée en Somalie. Car dans ce cas de figure, l’information est capitale, elle doit être juste et précise. Le commando chargé d’intervenir dans une telle situation doit être bien renseigné, en temps réel, de l’endroit exact où se trouve l’otage. Ce qui n’était pas facile avec les islamistes shebab qui sont très mobiles et également, très vigilants.

La force ouest-africaine surprise par le conflit

Depuis samedi, il y a eu des rencontres au sommet de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CDEAO) pour l’envoi d’une force ouest-africaine au Mali. 600 hommes environs sont attendus au Mali. Ils viendront du Niger,  du Burkina Faso, du Togo, du Bénin, du Nigeria. Pendant de temps au mali, le président Diocounda n’est pas resté les bras croisé. Dans un message aux maliens, il a expliqué les raisons pour lesquelles il a d’abord regretté cette ultime solution : « la guerre n’est pas notre choix, notre choix c’est la paix, la paix encore la paix. ». Ensuite, il a révélé que c’est avec l’accord de la CDEAO qu’il  a sollicité et obtenu l’appui aérien de la France pour combattre les rebelles islamistes dans le nord du pays. Dans cette allocution, le président malien a reconnu les faibles moyens de l’armée régulière en lançant un appel à toutes les administrations du pays qui disposeraient de véhicule pick-up, de les mettre à la disposition de l’armée qui en a besoin.

10 années de démocratie pour rien

Sur le continent, il y a très peu de pays vraiment démocratiques. Le Mali, le Ghana, l’Afrique du Sud sont probablement les pays en Afrique où l’expression démocratique est acceptable. Mais voilà une démocratie fragilisée en moins d’un an par des conflits d’intérêts et de positionnement.  La gestion du processus électoral produit généralement un impact négatif sur la paix et la sécurité. Ainsi cité comme référence en Afrique, le Mali vit des moments assez tourmentés depuis le coup d’état militaire du 21 mars 2012.

Aujourd’hui, le pays est menacé par un l’islam radical qui entend imposer la charia. Avant les frappes françaises,  le nord du pays était occupé par ces groupes islamistes radicaux qui avaient le contrôle des régions de Kidal, puis de Gao et de Tombouctou, soit environ deux tiers du territoire.