Approuvée en troisième lecture par le Congrès, le 19 novembre 2012, la loi générale de télécommunications (LGT) est entrée en vigueur, le 6 décembre, sous l’effet de sa promulgation par le président de la République, Otto Pérez Molina. Reporters sans frontières et l’Association mondiale des radios communautaires (AMARC) avaient déjà alerté sur les conséquences d’une législation pénalisante pour les petits médias en attente de fréquence – et spécialement les radios communautaires indigènes – lors de son approbation en seconde lecture, en novembre 2011 (http://fr.rsf.org/guatemala-reforme-polemique-de-la-loi-de-01-12-2011,41495.html).

 

“Nous sommes aujourd’hui prêts à soutenir les recours envisagés par certains députés contre un texte inéquitable dans ses dispositions, insuffisamment débattu et non conforme a priori aux jurisprudences et traités auquel le Guatemala est lié tant à échelon national qu’international. La LGT, en l’état, est à la fois injuste et discriminatoire”, a déclaré Reporters sans frontières.

 

“Injuste, car elle entérine le grave déséquilibre de l’espace de fréquences au profit de quelques-uns et prolonge une concentration médiatique contraire à l’exigence de pluralisme. Discriminatoire, car elle prive de moyens légaux d’expression publique des communautés représentant pourtant la majorité de la population du pays. Les Accords de paix du 3 décembre 1996, qui ont mis fin à trente-six ans de guerre civile, comme la Convention américaine des droits de l’homme (à laquelle le Guatemala est soumis à titre d’État membre de l’Organisation des États américains), disposent qu’un espace doit être ménagé pour la diffusion et la promotion des cultures indigènes et des minorités. Dans les conditions imposées par la loi, les petites stations issues des communautés indigènes (mayas, xinkas), garifunas (d’ascendance africaine) ou métis peuvent craindre à tout moment la fermeture forcée et la confiscation d’équipements”, a ajouté l’organisation.

 

La réforme de la LGT permet aux radios et télévisions déjà dépositaires d’une concession de fréquence d’en obtenir le renouvellement quasi automatique pour une durée de vingt ans, soit cinq ans de plus que les concessions octroyées au titre de la précédente LGT, adoptée en 1997. La nouvelle LGT ne pose, en outre, aucun seuil au nombre de renouvellements possibles des concessions de fréquences, garantissant ainsi leur propriété illimitée aux médias bénéficiaires.

 

Le Système des Nations unies au Guatemala (SNU) a dénoncé l’absence de réel débat public entourant le processus d’adoption de la LGT, et une discussion parlementaire tenue à huis clos, sans la moindre publicité. Très sévère sur le contenu même de la réforme, le SNU a également pointé son grave défaut de garanties de transparence concernant les conditions d’obtention et de prolongation des fréquences. Enfin, le SNU a déploré le camouflet infligé aux communautés indigènes et à leurs médias, à rebours des recommandations formulées par le Haut commissaire aux droits de l’homme de l’Onu, Navi Pillay, lors de sa visite dans le pays en mars dernier.  

 

Dans les rangs parlementaires, Amilcar Pop, président de la commission de la transparence du congrès et député de Winaq (parti fondé par la prix Nobel de la paix 1992 Rigoberta Menchú) a annoncé qu’il présenterait une action en inconstitutionnalité contre la LGT. Le vice-président de la même commission et député d’Unité nationale de l’espoir (UNE), Carlos Barrera, ainsi que le député de l’Union révolutionnaire nationale guatémaltèque (URNG, ancienne guérilla) Carlos Mejía se sont prononcés pour d’importants amendements à la loi au bénéfice des radios communautaires.