Tony Robinson, porte-parole de l’association Monde sans Guerres et sans Violence, écrit une critique personnelle sur le thème de Noël, la forme de consumérisme la plus monstrueuse de toutes, et sur le message de Jésus et les espoirs qu’il nourrit quant à la naissance d’un nouvel humanisme au sein de notre société.

Nous sommes en décembre, et quelques jours nous séparent de Noël. Je suis à Cologne, en Allemagne, pour quelques jours. Il fait horriblement froid dehors et je préférerais rester au chaud, mais un de mes très bons amis vend des gaufres sur l’un des marchés de Noël qui fait la célébrité du pays. J’ai donc accepté de le rejoindre, dans l’espoir que les files d’attente ne soient pas trop longues, que nous ayons l’occasion de discuter autour d’un café, et bien sûr, dans l’espoir d’avoir une gaufre gratuite !

Malheureusement, le stand de gaufres est très occupé et je décide donc de faire le tour des nombreux autres stands, à la recherche de jolies choses à acheter avant de revenir manger une gaufre un peu plus tard. Le marché regorge de marchands proposant ou de la nourriture et du vin chaud, ou des objets faits main tels que des bijoux, des articles en cuir, des jouets en bois, des objets en céramique et bien d’autres choses du même acabit. Il y a énormément de monde. Des enfants pleurent, quelqu’un pousse, quelques-uns ont bu trop de vin, et sur les côtés, un ou deux SDF font la manche alors que tout autour deux, l’on dépense sans compter, sans se rendre compte de contradiction que cela représente… et je commence à me crisper.

Comment sommes-nous arrivés à célébrer Noël de la sorte dans le monde occidental ?

Je commence me demander quel est le sens de tout cela, et je me demande…

Combien de personnes vont-elles s’endetter, ou devrais-je dire s’endetter davantage à cause de Noël ?

Combien de personnes offrent-elles vraiment des cadeaux avec leur cœur, sans se demander combien ils recevront en échange ?

Combien de parents seront-ils poussés à acheter pour leurs enfants des choses dont ils n’ont pas besoin ou qui, victimes des effets de mode, seront dépassées le mois suivant ?

Combien d’emplois dans le monde dépendent-ils des consommateurs occidentaux dépensant autant qu’ils le peuvent, et combien de personnes se retrouveront-elles sans emploi dès que Noël sera passé ?

Combien de familles se disputeront-elles ?

Combien de personnes pleureront-elles d’isolement et de solitude, incapables même de communiquer avec leurs plus proches amis, leurs voisins ou leurs collègues ?

Quelles proportions de souffrance et de misère une simple fête est-elle capable de créer ?

D’où est venu ce monstrueux banquet consumériste ? La légende de Jésus Christ a-t-elle quoi que ce soit à voir avec cela ?

Lorsque l’on se penche sur la mythologie, il semblerait que l’histoire des « trois Rois mages» ait quelque chose à voir avec l’échange de cadeaux. Selon la tradition de l’Église orthodoxe d’Orient, ils arrivèrent les bras chargés d’or, d’encens et de myrrhe le 25 décembre, alors que pour l’Église chrétienne d’Occident, cela ne se produit que le 6 janvier.

Par ailleurs, la mythologie parle également de Saint-Nicolas, dont la fête est célébrée le 6 décembre. C’est sous l’influence de cette fête que l’idée d’échange de cadeaux semble avoir pris de l’ampleur, et c’est de là que l’habitude de laisser chaussette ou chaussure près de la cheminée semble venir.

L’image d’un Père Noël rondelet, âgé et jovial est apparue au XVe siècle : il portait alors un costume vert. Bien sûr, le personnage à la barbe blanche vêtu de rouge nous vient, si l’on en croit la légende urbaine, de Coca Cola, et c’est sans aucun doute la version que nous connaissons le mieux en Occident. Toutefois, les cadeaux, les rennes, les elfes et la résidence du père Noël au pôle Nord sont des détails qui ont été ajoutés par la suite.

Il n’est évidemment aucunement fait mention à Jésus Christ offrant des présents dans tout ce cauchemar consumériste de Noël. On trouve à la place le Sermon sur la montagne. Et à ce stade, j’aimerais signaler qu’en trois ans d’éducation religieuse à l’école, je n’ai jamais entendu parler de ce sermon, qui est le document le plus important de la pensée spirituelle chrétienne ; je commence à être de plus en plus méfiant à l’égard du système éducatif et de l’Église catholique, qui ne nous enseignent rien d’autre que des balivernes telles que la multiplication des pains, sans nous transmettre les enseignements véritables de Jésus. Mais, je digresse. Entre autres choses, le Sermon sur la montagne nous dit :

« Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés Fils de Dieu », et « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux ».

Ces paroles montrent que la figure de Jésus est l’histoire de l’un des premiers humanistes dont nous avons une trace écrite, quelqu’un qui encourageait la non-violence et la nécessité de parvenir à la paix, quelqu’un qui aurait probablement été écœuré devant les célébrations que nous faisons de Noël aujourd’hui.

Alors, cette année, pour les fêtes et pour le reste de notre vie, si vous vous sentez vraiment Chrétiens, et même si vous ne l’êtes pas, le plus beau cadeau que vous pourriez faire à quelqu’un est d’apporter un peu de paix dans le monde et de traiter les autres comme vous voudriez que l’on vous traite. Non seulement vous serez heureux d’aider à apaiser la souffrance des autres, mais cela vous aidera aussi à apaiser votre propre souffrance.

À tous mes amis et à ceux qui liront ces lignes donc, mille excuses, je n’offrirai aucun cadeau de Noël cette année. Mais je nous souhaiterais à tous bonheur et santé. Je nous souhaiterais à tous de trouver quelque chose qui compte réellement dans nos vies, quelque chose qui nous permette de nous réveiller de l’état d’hypnose dans lequel cet horrible monde nous a plongé, de cet état d’hypnose qui nous pousse à accepter la crise économique qui nous touche alors que le budget du secteur militaire ne cesse d’augmenter, de cet état d’hypnose qui nous fait croire que les célébrités et les matchs de football sont plus importants que la défense des droits de l’homme et que l’éradication de la pauvreté, de cet état d’hypnose qui nous fait croire que la guerre et la violence sont les seuls moyens de résoudre les conflits.

 Traduit de l’espagnol par Pauline Aschard