Même quelques semaines après ces élections, nous publions cette interview car on y trouve un regard informé et lucide sur les élections présidentielles aux États-Unis.

 

A l’approche du grand jour des élections présidentielles américaines, nous avons demandé à Alice Slater, un des fondateurs de  réseau des organisations anti-nucléaires Abolition 2000, de nous donner son point de vue sur le premier mandat d’Obama et sur ce qu’elle pensait de la campagne de 2012.

Pressenza : Comment percevez-vous le premier mandat du Président Obama, au niveau de la politique intérieure ?

AS : Je suis extrêmement déçue du mandat du Président et c’est pour cela que j’ai décidé de voter pour Jill Stein, les Verts. Je remarque que le Président Obama a réuni autant de fonds de la part des sociétés que Romney, bien que les Républicains du Congrès aient rassemblé beaucoup plus des fonds que les Démocrates. Pour moi, ceci est un indice qui montre qu’elles veulent [les grandes sociétés] qu’Obama gagne, comme elles l’ont fait la première fois. De plus, Obama devrait passer un accord avec les Républicains du Congrès, permettant de régler les thèmes de la sécurité sociale (comme il l’a mentionné dans l’un des trois débats, il n’y a pas beaucoup de différence entre lui et Romney à se sujet) et l’assurance-maladie.

Quand il est entré dans cette pièce,  il nous a évidement tout vendu sur les soins de santé. Dès qu’il a été élu, il a conclu un accord avec les assurances et les sociétés pharmaceutiques pour son plan de soins de santé épouvantable, après avoir fait campagne sur un plan basée sur une option publique assurance-maladie pour tous. D’ailleurs, il n’est même pas allé près des gens pour obtenir cette option à l’ordre du jour.

En matière d’énergie Obama essaie de surpasser Romney, Bush-Cheney, en plaidant pour davantage de centrales nucléaires (en finançant 8,3 milliards de dollars pour de nouvelles centrales nucléaires en Géorgie, la première à être construite aux États-Unis depuis Three Mile Island !). De plus, il continue à parler sur le charbon propre et davantage de forage pour le pétrole et la fracturation hydraulique, en s’attaquant ainsi à l’Arctique vierge pour le forage pétrolier !

Pressenza : La super-tempête Sandy a-t-elle changé les élections cette dernière semaine ?

AS : Je pense que Sandy a eu un effet sur [les campagnes New Yorkaises de] Bloomberg et Cuomo, qui a timidement évoqué la nécessité de faire quelque chose de différent ou plutôt d’agir sur le c-c-c-changement climatique. Obama est évidement resté silencieux.

En ce qui concerne les libertés individuelles, aucun Républicain ne s’en sortira avec ce que nous, en tant que Démocrates, permettons à Obama de faire en termes de profanation de la Constitution en suspendant l’habeas corpus, la Grande Charte si vous préférez, le principe de base en droit américain qui déclare que nul ne peut être enfermé sans preuve, accusation et procès. Apparemment, Obama a signé une loi qui dit que nous pouvons le faire à des terroristes, quels qu’ils soient !

Et ne me lancez pas sur des longs discours où il en est le juge, jury et bourreau, assis dans une chambre avec deux gars chefs de la CIA et le NSC, prêts à choisir qui devrait être assassiné sur le terrain sans mandat, procès ou toute preuve de culpabilité.

Nous avons fait cela dans 8 pays et avons tué environ 1.000 civils innocents en appliquant cette méthode cruelle et barbare, avec un membre des Forces américaines assit à son bureau en Virginie ou le Colorado et en jouant avec son joystick sur un ordinateur pour tuer des gens sur le terrain.

Pressenza : Comment a été la présidence d’Obama, du point de vue de la paix mondiale et le désarmement ?

AS : Il a passé un accord pour financer les laboratoires d’armes nucléaires et leur création avec 184 milliards de dollars sur 10 ans, permettant ainsi la création de nouvelles bombes, sous-marins et avions pour livrer des armes nucléaires ! Nous sommes en train d’encercler la Chine et la Russie avec des missiles et des armements, provoquant ainsi une nouvelle course aux armes. Sinon, je pense que nous faisons un excellent travail ! Quant à Romney, s’il gagne, il n’est que l’égo identique de la politique étrangère d’Obama, si vous l’avez regardé dans le troisième débat. PAS d’aide ici.

Pressenza : S’il n’y a pas énormément d’espoir de changement dans les mains d’un Président Américain, à quoi peut-on s’attendre ?

AS : Je m’attends à ce que l’aide vienne d’autres consortiums de nations qui se mettent au parfum des États-Unis. Tout un groupe de l’ONU dédié au désarmement nucléaire parle de droit humanitaire. Ironiquement le Japon (de toutes les nations) n’a pas signé cet accord, ne voulant pas troubler son abri sous le parapluie nucléaire américain. Je pense que ce sera une voie plus prometteuse que celle de la très abusée NPT. En effet, notre réseau Abolition 2000 est en train de planifier sa réunion annuelle mondiale cette année en Ecosse, pour soutenir leurs efforts visant à amorcer la force de dissuasion nucléaire britannique sur les sous-marins Trident de l’Ecosse. Nous ne voyons pas le NPT comme une déclaration politique, puisqu’il a tellement été déshonoré et promet aux pays d’avoir accès aux clés de l’usine de bombes avec l’énergie nucléaire, tout en menaçant le nucléaire démuni qui pense pouvoir utiliser ce pouvoir « pacifique » pour construire leur propre bombe dans le sous-sol.

Je pense que nous allons voir beaucoup plus de gens de pouvoir, vouloir arrêter cette dernière tentative de patriarcat. L’Occupy Wall Street n’a pas disparu et s’organise pour le climat. Les gens sont assis dans les arbres pour empêcher les sables bitumineux canadiens d’aller de l’avant et Jill Stein, mon candidat, a été arrêté pour leur avoir apporté des ravitaillements. Obama a décidé de retarder la moitié du chantier, mais après son élection, il devrait aller de l’avant. Je pense que ce sera l’un des plus gros points de pression pour montrer des faits et saisir à nouveau notre démocratie. J’espère que ce sera le dernier souffle du patriarcat et que nous entrerons dans un nouveau paradigme durable.

 

Traduction de l’anglais : Gabriela Guevara