Robert Vargas, journaliste et directeur du site internet ciudadoriental.org, et Genris García, directeur du site vigilanteinformativo.com, sont tous deux attaqués en justice pour “diffamation“ par une entreprise multinationale canadienne de textile, la Gildan Activewear Dominican Republic Textile Company Inc. Cette offensive judiciaire pourrait aboutir à des peines allant de 3 mois à un an de prison, ainsi qu’une amende équivalente à un montant compris entre 5 et 500 salaires minimum.

Les deux journalistes avaient récemment publié sur leur site des reportages sur les dégâts environnementaux causés par l’entreprise aux alentours de la municipalité de Guerra, à l’est de la province de Santo Domingo (sud-est de l’île). Ils avaient donné la parole aux communautés locales qui dénonçaient la pollution de l’environnement et la déforestation causées par les installations et les activités de la multinationale.

“Cette offensive judiciaire constitue une véritable tentative de censure de la part de l’entreprise textile Gildan. Celle-ci cherche éhontément à faire cesser la diffusion d’informations concernant les dégradations environnementales qu’elle cause dans la région. Ce n’est pas le premier cas dans le genre et la dépénalisation des délits de presse est aujourd’hui une réforme nécessaire pour que les journalistes puissent travailler librement en République Dominicaine, sans craindre d’être emprisonnés“ a déclaré Reporters sans frontières.

Cette affaire intervient alors que gronde le débat sur la réforme du Code pénal dominicain, et de la Loi 6132 sur l’Expression et la Diffusion de l’Opinion. Le projet de loi, qui avait été approuvé en première lecture par la Chambre des Députés, puis par le Sénat, a provoqué la mobilisation du SNTP (Syndicat National des Travailleurs de la Presse) et du CDP (Collège Dominicain de Journalistes). Ceux-ci ont alerté l’opinion publique sur le caractère rétrograde de certains articles du Code pénal, parmi lesquels l’article 191 et l’article 193 qui sanctionne de peines de prison pouvant aller jusqu’à 3 ans et d’amendes pouvant atteindre l’équivalent de 9 salaires minimum les journalistes ayant critiqué des fonctionnaires publics. Le SNTP et le CDP ont demandé à ce que tous ces articles qui concernent la pénalisation des délits de “diffamation“ et d’“injure“ soient retirés du Code pénal.

“Alors que toute la jurisprudence de la CIDH (Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme) va dans le sens de la dépénalisation, il s’agirait d’un véritable retour en arrière pour la liberté de l’information si le projet de loi était voté tel quel. Dans la région des Caraïbes, il y a Grenade qui a la première passé le cap en dépénalisant la diffamation (mais en partie seulement, puisque la ‘diffamation à caractère séditieux’ est encore un délit). Nous prenons acte de la déclaration de Nelson Guillen, président de la Commission de la Communication au sein de la Chambre des Députés, qui a garanti que le projet serait modifié et a affirmé qu’il se joignait à la lutte mondiale pour la dépénalisation des délits de presse“, a ajouté Reporters sans frontières.