A présent, tout le monde sait que le président Chavez a remporté l’élection présidentielle au Venezuela. Dans un sens, on peut dire que le 7 octobre, la population (El pueblo) a gagné. Cependant, ces mots ne reflètent pas la totalité de la situation. Ce qu’il y a de plus intéressant à propos de cette élection, c’est son déroulement assez impressionnant. Dans quel pays du monde peut-on dire que 97 % de la population est inscrite sur les listes de vote (plus de 19 millions de personnes) ? Et quelle est la dernière fois que vous avez entendu que plus de 82% des électeurs inscrits sont effectivement allés à un bureau de vote de leur plein gré, ont fait la queue, parfois pendant des heures, avant de voter ? Cette élection vénézuélienne est un très bon exemple d’une démocratie qui fonctionne bien. La qualité du système de vote est également digne de mention. Le Venezuela a l’un des systèmes de vote les plus modernes et les plus informatisés du monde. La Fondation Carter a relevé que de nombreux Vénézuéliens ont dit craindre que ce nouveau système de vote électronique pourrait permettre aux autorités de savoir pour qui les individus ont voté, ce qui les exposerait à des représailles s’ils votaient contre Chavez. « Toutefois, cette préoccupation n’a aucun fondement », a dit le centre. « Le logiciel des machines de vote garantit le secret du vote ».

Revenons à l’effet de démonstration démocratique. C’est vraiment la seule chose qui peut être utile pour tous ceux qui s’intéressent à la démocratie, qu’ils vivent au Venezuela ou non. Même si nous le voulions, nous ne pourrions pas exporter Chavez dans un autre pays. Mais, nous devrions étudier sérieusement le travail accompli. Pourquoi des Vénézuéliens vivant en Colombie ont-ils marché pendant des heures et traversé des rivières à pied pour aller voter au Venezuela ? Pourquoi, même lorsque la frontière était fermée pour des raisons de sécurité, a-t-on pris l’avion en provenance de Hong Kong pour voter ? Pourquoi les gens de Miami pleuraient-ils quand ils ont entendu les résultats comme s’ils venaient de perdre un être cher ? Qu’est-ce qui motive les gens à ce point ? Un journaliste français couvrant l’élection à Caracas, avec toute son savoir et son expérience, s’est précipité pour expliquer que le « problème » était que l’élection était très polarisée. Mais quel choix avait le peuple vénézuélien? Bien sûr que l’élection est polarisée, sans quoi nous n’aurions pas de choix réels –des choix auxquels les gens peuvent adhérer-, différentes idées qui ont été clairement énoncées et surtout, des choix qui présentent une vision différente de l’avenir. C’est pourquoi les élections au Venezuela sont toujours si intéressantes. Chacun était connecté à sa façon et  savait l’importance de l’élection. Plus de 5.000 journalistes couvraient l’évènement  Merrill Lynch a même envoyé une lettre à ses clients une semaine avant l’élection en leur disant que Chavez devait gagner avec une marge de 10%, et qu’ils devaient investir en conséquence. C’est la géopolitique dans toute sa splendeur. Imaginez que Henrique Capriles, le candidat de l’opposition, ait remporté l’élection ? Quelle incidence sur la relation avec la Colombie et les Etats-Unis, comment se serait accéléré le développement de bases militaires américaines en Amérique latine, que serait-il arrivé à l’accord de libre-échange et ainsi de suite ? Ce sont là les véritables options en jeu. Des questions et des choix similaires existent également au niveau local – par exemple, est-ce que de l’aide serait offerte par le gouvernement aux conseils de quartier pour la construction de logements et de parcs, et pour organiser l’accès aux soins de santé et à l’éducation ? Au cours de la dernière décennie, le pays a réduit le pourcentage de population la plus pauvre de 50% à 20%. Bien entendu, ces développements ont utilisé les rendements de l’industrie pétrolière et certains « experts » occidentaux ont exprimé leurs inquiétudes sur  la fragilité de la situation. Faut-il rappeler à ces « experts » que les Etats-Unis devaient avoir un plan de sauvetage, que le gouvernement a dû intervenir en refinançant la cinquième banque américaine pour éviter un effondrement de l’économie mondiale et que le gouvernement américain doit des milliers de milliards de dollars à la Chine ? L’économie européenne et américaine est celle qui est réellement insoutenable, et survit artificiellement grâce au travail pas cher, grâce aux ressources et aux crédits d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud. Les Etats-Unis comptent maintenant 40% de la population au niveau ou en dessous du seuil de pauvreté, et ne peut vraiment pas faire l’éloge de son système économique.

Un membre mexicain de la délégation internationale d’observateurs a déclaré qu’à son avis, les élections au Venezuela ressemblaient à celles d’Afrique du Sud, où les gens ont voté en masse pour Nelson Mandela et ont ainsi mis fin à l’apartheid. Je me souviens aussi de conversation au Chili après la campagne « Non à Pinochet » et les premières élections après 17 ans de dictature, où il aurait été très intéressant d’avoir un moyen de mesurer l’énergie avec laquelle les gens ont voté !

Les gens se mobilisent, s’inscrivent sur les listes et votent lorsque de véritables alternatives et propositions leur sont présentées. Comment expliquer que les principales questions pendant les campagnes électorales en Europe et aux États-Unis sont les impôts et le budget ? S’agit-il d’élections démocratiques ou d’un vote pour choisir notre prochain directeur financier ? Où est le débat idéologique ? Où est le projet global ? Quel avenir construisons-nous ? Que faisons-nous pour le milliard de personnes qui souffrent de pauvreté et de colère dans le monde ?

Ce sont les sujets qui étaient les enjeux de cette élection démocratique vénézuélienne. Vive le Venezuela et la démocratie ! Que ce soit un exemple pour le reste d’entre nous.