Les temps changent, les besoins restent : Les Débats de Putney et les assemblées Occupy à Londres.

En 1647, l’Angleterre fut le théâtre de circonstances remarquables, un épisode révolutionnaire lors duquel on exigea des droits humains universels, l’armée tenta de se démocratiser par l’élection de ses officiers et un défi spirituel se présenta pour le pouvoir établi combiné à des demandes d’accès à la terre pour les gens ordinaires. Nous revenons ici sur le contexte des Nouveaux Débats de Putney, qui examineront ce qui a été réalisé, ce qui ne l’a pas été et ce qui peut être fait pour raviver l’esprit de cet épisode des plus intéressants.

Révolution d’octobre en Angleterre : une affaire pas terminée

Dans les premiers jours d’octobre, il ya 365 ans, le mouvement Levellers [1]  s’est mis à rédiger deux documents qui allaient devenir les points politiques forts de la révolution anglaise, survivance de la guerre civile entre le roi Charles Ier et le Parlement.

Le document « The Case of the Armie Truly Stated » [2] a été publié le 15 octobre 1647 et avant la fin du mois, les Levellers avait également abouti à un « Agreement of the People for a firm and present peace upon grounds of common right«  [3] .De façon étonnante pour l’époque, la New Model Army dirigée par Oliver Cromwell avait cédé à la pression pour permettre la tenue d’un Conseil de l’Armée. Il était composé d’officiers et de simples soldats, dont les représentants furent désormais connus comme les Agitateurs. L’armée était postée à Putney et Charles Ier était prisonnier : la guerre civile semblait terminée. Ce que les deux documents énonçaient était un accord constitutionnel qui n’avait pas de place pour la monarchie ou la Chambre des Lords. En outre, ils soulignaient que le pouvoir doit appartenir au peuple et que le vote doit être attribué à tout homme libre, prévoyant que les parlements seraient élus tous les deux ans.

Ces documents fracassants sont arrivés au Conseil de l’Armée et ont provoqué des débats houleux tenus dans une église de Putney. Ces débats ont duré du 28 Octobre au 9 Novembre. The Case of the Armie déclare :

Alors que tout le pouvoir est, par essence et depuis l’origine, détenu par l’ensemble du peuple de cette nation, et alors que c’est le libre arbitre ou le consentement de ses représentants qui doit être la seule origine ou le seul fondement de tout gouvernement juste, alors que le motif et le sens des choix de tout gouvernant juste dépend de son appréhension de ce qui est sûr et bon, qu’il soit énoncé avec insistance, que soit déclaré clairement et sans délai le pouvoir suprême des représentants du peuple ou des parlementaires.

L’Agreement of the People énonce :

Le pouvoir des représentants présents et à venir de cette nation est inférieur à celui des personnes qui les ont élus et s’étend assurément et sans consentement ou assentiment de toute autre personne ou personnes, à l’adoption, la modification et l’abrogation des lois, à l’installation et la suppression des bureaux et des tribunaux, à la nomination, la révocation et la mise en accusation des magistrats et des dirigeants de tous les niveaux, à la décision de faire la guerre ou la paix, à la négociation avec des Etats étrangers et, de façon générale, à tout ce que les citoyens ne se sont pas expressément ou implicitement réservé à eux-mêmes

Ce que les Levellers mettent sur la table sont des questions qui résonnent encore aujourd’hui à propos de la relation entre gouvernants et gouvernés, entre la propriété et la politique, l’indépendance du système judiciaire et la nature du pouvoir et de l’État.

C’est le beau-fils de Cromwell, Henry Ireton, dont la déclaration à Putney résume le caractère bourgeois de la révolution qui mit une fin brutale à la monarchie absolue et créa les conditions sociales pour l’émergence ultérieure du capitalisme.

Ireton déclara que le vote était à juste titre limité à ceux qui ont « des intérêts permanents dans ce royaume », à savoir « les propriétaires terriens et les corporations qui détiennent tout le commerce ». Il ajouta que la liberté ne peut être octroyée de façon générale si la propriété est maintenue. » Ceci évoque clairement la vie économique qui gouverne la Grande-Bretagne aujourd’hui !

Bien que la représentation par le vote ait finalement été reconnue (mais pas complètement jusqu’en 1929), le pouvoir souverain du peuple suggéré par les Levellers (et les Diggers [4], premiers communistes) demeure plus que jamais hors de portée.

La révolution anglaise des années 1640 a éclaté parce que la relation entre l’État et le peuple était irrémédiablement détruite. On pourrait dire que les relations entre l’Etat capitaliste et le peuple sont tout aussi fracturées. L’État gouverne pour le compte de dirigeants et de banques et contre le peuple.

Des groupes de travail Occupy London organisent une série d’évènements comme les Nouveaux Débats de Putney ce mois-ci et le suivant, et le 17 novembre une assemblée se tiendra à Londres pour élaborer un nouvel Agreement of the People. Les deux évènements offrent des occasions de terminer le travail inachevé de la Révolution d’octobre en Angleterre.

 

(1) Groupe de dissidents radicaux pendant la guerre civile anglaise

(2) Littéralement : la vérité sur le conflit avec l’armée

(3) Littéralement : accord du peuple pour une paix solide et immédiate selon les principes de droit commun).

(4) Groupe de dissidents radicaux qui croyaient en une forme de communisme agraire.