Dilma Rousseff a déclaré que la situation à laquelle le président paraguayen faisait face était inacceptable, tandis qu’Evo Morales accuse de son côté les députés de préparer un coup d’État.

L’Union des nations sud-américaines (UNASUR) dans son ensemble soutient le chef de l’État, et le vénézuélien Alí Rodríguez, secrétaire général de l’UNASUR, a déclaré lors d’une conférence de presse organisée en toute hâte à Rio de Janeiro « soutenir le processus démocratique et chercher à garantir ce processus (à l’aide de la dépêche d’une délégation au Paraguay). »

**Soutien de la rue**

Depuis hier soir, des centaines de jeunes se sont réunis devant le Parlement pour critiquer la décision, prise hier, de lancer une procédure sommaire et expresse de destitution à l’encontre du président du pays. Plus la nuit tombait, plus les manifestants étaient nombreux, brandissant des pancartes sur lesquelles ils exprimaient leur soutien à Fernando Lugo ou la décision illégitime prise par les députés, et l’on pouvait lire des messages tels que « Le Parlement a perdu le procès ».

Des manifestations de soutien du même ordre ont eu lieu dans d’autres villes du pays, et depuis ce matin, bon nombre de manifestants font le voyage en autobus jusqu’à la capitale afin d’éviter ce que beaucoup considèrent comme un « coup d’État de l’extrême droite, qui profite des évènements de Curuguaty ».

Bien qu’ils aient été victimes de la répression, les mouvements paysans font front commun pour défendre l’État de droit. « Ce qui est en train de se produire met un terme au projet de réforme agraire, au modèle de production. Cela condamne notre peuple à une extrême pauvreté et à un État corrompu » a déclaré Luis Aguayo, responsable de la Mcnoc (Organisme de coordination national des organisations paysannes), au journal argentin Página 12.

**La propriété de la terre**

Rappelons que 11 paysans et 6 policiers ont été assassinés à Curuguaty : cet évènement tragique est survenu alors que les paysans occupaient des terres appartenant à la famille Riquelme (ou tout du moins revendiquées par les Riquelme après que le dictateur Alfredo Stroessner, au pouvoir pendant 45 ans, les lui ait cédé).

Cette sanglante expulsion intervient dans le cadre du combat pour la mise en place d’une réforme agraire et dans un contexte de disputes continuelles entre les grands propriétaires terriens et les paysans, qui ont fait en sorte de récupérer méthodiquement et petit à petit des terrains pour assurer leur subsistance.

Et justement, parmi les accusations qui viennent alimenter ce procès politique figurent des objections aux politiques menées par le président, qui ont cherché à répondre aux demandes des paysans et ont provoqué d’innombrables conflits d’usurpation de terres en faveur des dépossédés. Fernando Lugo s’est ainsi attiré les foudres des puissants membres du parti Colorado.

**La subjectivité de mise**

Un détail à ne pas omettre : les arguments présentés par les députés qui cherchent à déstabiliser le président sont un calque des analyses et des critiques qui émaillent quotidiennement la presse, la radio et la télévision du pays.

Le schéma des coups d’État allumés et attisés par les médias se répète, comme ce fut le cas au Honduras et au Venezuela, et comme cela a failli se produire pour Rafael Correa et Evo Morales.

Protégés par les journalistes qui les soutiennent, les personnes qui détiennent vraiment le pouvoir légitiment leur discours et affaiblissent leurs rivaux et leurs ennemis. L’action et les revendications des mouvements sociaux sont rendus invisibles et ceux-ci sont stigmatisés à coup de diffamation continuelle. C’est ce qui arrive au président Lugo, victime d’une campagne agressive visant à le discréditer depuis qu’il a remporté les élections en 2008.

Traduction de l’espagnol : Pauline Aschard