Les cinéphiles qui s’étaient préparés à voir des films sur les droits de l’homme ont été tout simplement déçus. Une note signée par le préfet du département du Mfoundi portant la mention très urgente est tombée sur la table des responsables du CCF, interdisant la projection du premier des trois films. Devant les chars anti-émeutes et le groupe de militaires qui portaient la lettre, les organisateurs ont vite fait de s’exécuter avant de se rapprocher de l’autorité signataire de la lettre pour tenter de comprendre, puisque, comme affirmé précédemment, toutes les conditions avaient été remplies pour que ces films soient projetés sur le territoire camerounais.

L’autorité préfectorale fait trois principaux reproches aux organisateurs : l’absence de déclarations officielles des trois associations organisatrices, l’absence de déclarations de réunion publique et l’absence de visas pour l’ensemble des films. Du coté des organisateurs, on croit rêver ! Toutes ces exigences avaient en effet été remplies.

Concernant le premier reproche, l’Association Kofi Annan est reconnue officiellement depuis le 3 mars 2005 par l’autorité préfectorale de la ville de Bafoussam, chef lieu de la région de l’Ouest. L’Association Espace Lumière quant à elle est déclarée depuis le 18 juillet 2000 à Yaoundé et, enfin, l’Alliance Ciné est une association française loi 1901, dont l’existence légale date de du 8 août 2000 à la sous-préfecture de St Germain.

Quant au deuxième reproche, deux des trois récépissés de déclaration publique nécessaires ont été respectivement obtenus le 21 mars 2011 et le 7 avril 2011. Le troisième devait être délivré le 12 avril, date de projection du film et a été refusé lors de cette descente musclée au CCF.. Commentant la décision une semaine après, les autorités ont évoqué des risques de trouble à l’ordre public car disent-elles le contenus de ces films étaient de nature à écorcher les images de certaines personnes, ainsi que leur famille.

Le Cameroun n’est pas le premier pays à accueillir ces films. Ils sont projetés depuis deux décennies dans les pays de l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique du Sud. « Sankara, homme intègre », « Norbert Zongo, Borry Bana », « Marchands de miracle », « Radio Okapi », sont quelques films qui étaient prévus au festival.

Financé par l’Union européenne, la première édition du Festival international du film des droits de l’homme vient de connaître un cuisant échec au Cameroun. Au-delà du festival, la projection des films programmés pouvait redonner aux cinéphiles camerounais l’envie de renouer avec le septième art, en ce moment où le pays n’a aucune salle de cinéma. Par ailleurs, le Cameroun a toujours été dans le visé des ONG de défense des droits de l’homme.

En 2009, Amnesty International avait publié un rapport accablant sur l’état des droits de l’Homme dans le pays, dénonçant de graves violations des droits humains dans le pays. En publiant ce rapport à l’approche de l’élection présidentielle au Cameroun, Amnesty International tirait la sonnette d’alarme aux autorités du Cameroun. Aujourd’hui, nous sommes à quelques mois seulement de cette échéance électorale et on assiste encore à des descentes musclées des éléments de la force de l’ordre pour empêcher la diffusion des films sur les droits de l’homme.

François Tekam