Pressenza siège de l’ONU, New York, 03-05-2010.
Cinq ans après l’échec de la dernière édition, la 8ème conférence de révision du traité de non prolifération d’armes nucléaires (TNP) a finalement pu commencer lundi dernier à New York. Si la conférence se déroule dans une atmosphère généralement plus optimiste que celle de l’année dernière en raison des changements opérés au sein de l’administration américaine, le profond désaccord entre les Etats-Unis et l’Iran a de nouveau occupé le devant de la scène onusienne, provoquant le départ de plusieurs délégations lors de l’intervention du président iranien Mahmoud Ahmadinejad.

Dans son discours d’inauguration, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon s’est adressé aux délégués au nom de l’humanité : « L’humanité compte sur vous pour agir », a-t-il déclaré. Après avoir rappelé aux intervenants l’échec de la précédente conférence d’examen du TNP, due en grande partie à l’intransigeance américaine et iranienne, il a déclaré : « Cette fois nous pouvons, et nous devons faire mieux ».

Le secrétaire général a plaidé pour le désarmement, la ratification universelle du TNP, le développement sécurisé de l’énergie nucléaire– au grand dam des lobbies écologiques-, la ratification du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN), l’ouverture de négociations sur un traité interdisant la production de matériel fissile, la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient. Il a également encouragé l’Iran à collaborer de manière « constructive » à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et a exhorté la nation à clarifier les doutes et inquiétudes concernant son programme. En référence à la Corée du Nord, il a appelé à un retour aux pourparlers à six nations.

La première nation appelée à la tribune était aussi la plus controversée : le président de la République islamique d’Iran M. Mahmoud Ahmedinajad est venu de Téhéran pour exposer la position de son pays. Il a déclaré : «Quelque soit le prétexte sous lequel elle est détenue, il n’en demeure pas moins que la production et la possession de la bombe nucléaire sont des actes dangereux qui mettent en première ligne les pays qui se targuent de l’avoir sous leur contrôle. La seule fonction de la bombe nucléaire est d’anéantir toute forme de vie et de détruire l’environnement. La bombe nucléaire est un feu dirigé contre l’humanité, et non pas une arme de défense». Il a qualifié la possession d’armes nucléaires d’acte «honteux et condamnable».

Le président iranien a montré du doigt les états qui se dotent de l’arme nucléaire pour acquérir une position dominante, accusant les États-Unis d’encourager la prolifération et condamnant la politique américaine de dissuasion qui possède plus de 20 000 armes dans le monde : « Non seulement le gouvernement des Etats-Unis a déjà utilisé l’arme nucléaire, mais il continue à menacer de l’utiliser, contre l’Iran», a-t-il déclaré. Il a également relevé l’hypocrisie des états dotés de l’arme nucléaire qui empêchent les états non dotés de l’arme nucléaire d’exercer leur droit « inaliénable » d’utiliser l’énergie atomique à des fins civiles. Enfin, il a rappelé qu’en fermant les yeux sur le développement d’un arsenal en Israël, les États-Unis mènent une politique de «deux poids, deux mesures».

Il a également regretté que l’AIEA, sous prétexte des risques de prolifération, exerce une pression excessive contre les états non dotés de l’arme nucléaire tandis que les états dotés de l’arme nucléaire continuent de bénéficier d’une immunité totale et de droits privilégiés.

« Pour la simple raison que ces Etats considèrent l’arme nucléaire comme un élément de leur supériorité, nous ne pouvons raisonnablement nous attendre à une véritable initiative en faveur du désarmement et de la non-prolifération».

«Comme dit un proverbe iranien : « un couteau ne coupe jamais la main qui le tient. » S’attendre à ce que les principaux trafiquants d’armes travaillent à l’établissement de la sécurité est un espoir sans fondements».

Il a poursuivi en accusant les Etats-Unis d’utiliser la présumée menace de terrorisme nucléaire dans le but de détourner l’attention du public de ses propres arsenaux et de son non respect du TNP.

Il a proposé pour le TNP la nouvelle appellation de « Traité pour la non-prolifération et le désarmement nucléaire » et a appelé à la mise en œuvre de la zone exempte d’arme nucléaire au Moyen-Orient qui avait déjà été proposée en 1995. Il a également exhorté les États-Unis à retirer leurs armes placées en Allemagne, en Italie, au Japon et aux Pays-Bas, et enfin a appelé à une restructuration du Conseil de sécurité de l’ONU.

Insistant sur le fait que l’énergie nucléaire était une énergie propre, il a rappelé le slogan d’une précédente conférence internationale en Iran : «De l’énergie nucléaire pour tout, des armes nucléaires pour personne». Cherchant à apaiser les craintes au sujet des intentions de l’Iran, le président Ahmadinejad a déclaré : «La grande nation iranienne n’a pas besoin de bombes nucléaires pour son développement et ne considère pas que celles-ci puissent être une source d’honneur et de dignité».
En réponse au président iranien, la secrétaire d’état américaine Hillary Clinton, faisant référence aux discours et aux actions du président Obama a déclaré « Je représente un président et un pays qui militent en faveur d’un monde sans armes nucléaires ».

Tout en réaffirmant l’engagement des États-Unis dans la voie du désarmement, elle a accusé la Corée du Nord et l’Iran de non-respect du Traité et de « tricheries » : « Ce matin, le président iranien a adressé contre les Etats-Unis et d’autres représentants de la conférence les habituelles accusations faussées, dépassées et parfois provocantes».

«L’Iran fera tout ce qui est en son pouvoir pour détourner l’attention de son propre bilan et fuir ses responsabilités » a poursuivi la secrétaire d’Etat, ignorant les signes de désapprobation d’une poignée de sceptiques à l’égard des intentions américaines qui ne pouvaient s’empêcher de voir de l’ironie dans ces propos.

Hillary Clinton est arrivée les bras chargés de cadeaux pour le lobby anti-nucléaire : « J’annonce que nous soumettrons au Sénat des États-Unis un protocole de ratification de notre participation à la zone exempte d’armes nucléaires établie en Afrique et dans le pacifique sud».

Selon ses propos, Il semble finalement probable que le président Obama ai des chances de voir sa prophétie d’un monde sans nucléaire se réaliser : « le président Obama a affirmé que les Etats-Unis conserveraient une arme nucléaire dissuasive capable de protéger son pays et ses alliés tant que les armes nucléaires existeraient».

Les associations anti-nucléaires rassemblées pour une conférence alternative ont du attendre jusqu’à 7 heures avant d’obtenir leur accréditation auprès du personnel de l’ONU largement en sous-effectif. Lorsqu’enfin ils ont passé la porte des bâtiments de l’ONU, c’est avec exaspération que certains ont enduré le discours irrespectueux des délégués occidentaux à l’Iran. Un des portes paroles de l’association Monde sans guerres a déclaré : « Les États-Unis traitent l’Iran avec une hypocrisie sans relâche. Il est évident que personne ne souhaite voir l’Iran se doter de l’arme nucléaire, mais ce sont précisément les pays dotés de l’armes nucléaire qui respectent le moins le TNP et qui apparaissent les plus réticents à mettre en marche le processus de désarmement. Comment pouvez-vous reprocher aux nations qui sont sous la menace d’un tyran mondial de vouloir s’équiper en technologie nucléaire ? »

Certains représentants de la délégation de l’association britannique anti-nucléaire CND (« Campaign for Nuclear Disarmament), ont amèrement regretté de ne pas entendre une seule fois mentionné le nom de l’IRENA, l’agence internationale des énergies renouvelables, et se désolent que la conférence sur le TNP soit à ce point soumise aux directives de l’AIEA, organe de promotion de la prolifération d’énergie nucléaire.

Les associations anti-nucléaires continuent de rejeter tous leurs espoirs sur une « Convention contre les armes nucléaires » qui viserait à l’élimination totale des armes atomiques comme ce fût le cas pour les mines anti-personnelles et les armes chimiques, et ils croisent les doigts pour que suffisamment de pays les suivent dans cette position et fassent passer le mot jusqu’à l’accord final attendu le 28 mai qui signera la fin de l’examen du traité de non-prolifération.

Traduction : Baud Mathilde