Image : Godzilla par Ron Guyatt

Godzilla, un monstre géant, devenu mutant en raison de radiations nucléaires, apparaît pour la première fois dans un film japonais de science-fiction du même nom en 1954, ravageant le Japon telle une mise en garde symbolique contre les risques des armes nucléaires. Pendant deux décennies, Godzilla bénéficiait d’une grande popularité, apparaissant dans plus de 28 films ainsi que dans de nombreux jeux vidéo, romans, bandes dessinées et une série télévisée. Puis, telle une détente fragile dans la région, Godzilla fut englouti par les vagues de l’océan Pacifique.

Ces derniers temps, Godzilla fait de nouveau parler de lui avec une menace de conflagration nucléaire. Les tensions au Nord-Est de l’Asie ont presque atteint des sommets. La Corée du Nord a testé une autre arme nucléaire ainsi qu’un missile balistique qui pourrait servir de vecteur à une cette dernière.  La Corée du Nord a également menacé les États-Unis d’une attaque préventive et a annulé l’accord d’armistice qui mit fin temporairement à la guerre de Corée des années 50.

En réponse, les Nations-Unies ont renforcé leurs sanctions contre la Corée du Nord. La Corée du Sud, le Japon et les États-Unis ont entamé des exercices de manœuvres militaires afin de s’entraîner à une attaque contre la Corée du Nord. Lors des dernières actions de représailles, la Corée du Nord a suspendu sa ligne de communication d’urgence avec la Corée du Sud, entraînant la péninsule dans une crise rappelant la crise des missiles de Cuba de 1962, qui mena les États-Unis et l’Union Soviétique au bord de la guerre nucléaire.

Ainsi, un jeu de stratégie du bord de l’abîme va-t-il forcer la Corée du Nord à faire marche arrière ?  Ou cela va-t-il inciter le Nord à entreprendre des actions encore plus belliqueuses, menant à des conflits militaires ? Existe-t-il de meilleurs moyens pour apaiser la situation et obtenir une paix plus sûre et plus durable avec la Corée du Nord ? Pour répondre à ces questions, il faut regarder au-delà de la rhétorique du régime autocratique de la Corée du Nord qui, comme une fierté vaniteuse, est diffusée plutôt dans le but d’impressionner que de dévoiler la réalité et voir la logique de leurs actions.

Du point de vue de la Corée du Nord, la dissuasion nucléaire devient une réponse logique à leur position d’État isolé, entouré de forces ennemies et menacé, en particulier par les forces militaires du Japon, de la Corée du Sud et des États-Unis. Cela inclut des menaces voilées de « changement de régime » et une première utilisation potentielle des armes nucléaires contre eux.

L’annulation par la Corée du Nord du traité d’armistice a été reçue comme une menace.  Cependant, cela provient de la frustration de la Corée du Nord due au fait que les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud ont rejeté à plusieurs reprises les demandes de traité de paix afin de mettre officiellement un terme à la guerre de Corée de 1950-53.

La décision de la Corée du Nord de se retirer du traité de non-prolifération (TNP) et d’acquérir des moyens nucléaires dissuasifs n’a pas été prise par hasard. Au contraire, celle-ci fut prise après l’invasion de l’Irak dirigée par les États-Unis. La Corée du Nord en a déduit  que c’était la suppression des armes irakiennes de destruction massive qui fit disparaître l’effet dissuasif et permit ainsi une invasion par les États-Unis. C’est pourquoi la Corée du Nord a annoncé qu’ils avaient besoin de développer leurs propre moyens de dissuasion nucléaire afin d’éviter une invasion similaire des États-Unis en Corée du Nord.

Dans ce contexte, replier la Corée du Nord dans un coin ne fera que les pousser à entreprendre d’autres actions pour prouver leur capacité à empêcher une attaque contre leur État. La dernière menace d’une frappe préventive contre les États-Unis est directement inspirée de la doctrine militaire américaine consistant à lancer des attaques préventives contre les États s’avérant être des menaces potentielles pour les États-Unis.

Bien sûr, rien de cela ne justifie le comportement  belliqueux de la Corée du Nord. Les actions de la Corée du Nord ne sont pas « justes », tout comme l’hypocrisie du Conseil de Sécurité des Nations-Unies qui sanctionne le développement de la Corée du Nord ou de l’Iran tandis que les programmes d’armement nucléaire, entièrement développés, des cinq membres permanents du conseil de sécurité (Chine, France, Russie, Royaume-Uni et États-Unis) sont ignorés, et les programmes d’armement nucléaire des États ne faisant pas partie du traité de non prolifération (Inde, Israël et Pakistan) sont relativement mis de côté.

La solution au problème de la Corée du Nord est de ne pas accepter leur jeu d’intimidation, mais de les comprendre, et de trouver une approche qui prend en compte leurs préoccupations quant à la sécurité ainsi que celles des pays menacés par la Corée du Nord.

Une telle approche a été proposée par un groupe de parlementaires de plusieurs partis japonnais et sud-coréens. Celle-ci évoque la mise en place d’une zone exempte d’armes nucléaires en Asie du Nord-Est (ZEAN) – semblable aux ZEAN couvrant l’Antarctique, l’Amérique latine et les Caraïbes, le Pacifique sud, l’Asie du Nord-Est, l’Asie centrale et l’Afrique.

Une ébauche du traité, transmise par Katsuya Okada (ancien ministre japonais des affaires étrangères)  propose que la Corée du Nord abandonne ses armes nucléaires mais pas unilatéralement. Ce traité implique également que cinq autres nations : la Corée du Sud, le Japon, la Russie, la Chine et les États-Unis  diminuent également la place accordée aux armes nucléaires dans leur politique de sécurité. Plus précisément,

  • le Japon et la Corée du Sud devraient s’engager à interdire les armes nucléaires sur leurs territoires et à ne pas menacer la Corée du Nord avec les armes nucléaires utilisées par les États-Unis pour leur « défense ».
  • Les États-Unis, et la Russie devraient s’engager à ne pas déployer d’armes nucléaires sur les territoires japonnais, sud-coréens ou nord-coréens ;
  • les États-Unis et la Russie s’engageraient à ne pas utiliser ou menacer d’utiliser des armes nucléaires contre le Japon, la Corée de Sud ou la Corée du Nord.

Ce projet offre une approche gagnant/gagnant-gagnant/gagnant qui renforce la sécurité de tous les États de cette région. La Corée du Nord recevrait  la garantie officielle, notamment de la part des États-Unis,  que des armes nucléaires ne seront pas utilisées contre eux. Le Japon et la Corée du Sud recevraient la garantie officielle, notamment de la Chine et de la Russie, que des armes nucléaires ne seront pas utilisées contre eux. Le projet offre l’approche la plus réaliste afin de convaincre la Corée du Nord d’abandonner ses moyens nucléaires et de faire reculer la politique de la corde raide qu’ils mènent actuellement.

Les Zones exemptes d’armes nucléaires sont un succès quant à l’élimination des menaces nucléaires dans plusieurs régions. Une ZEAN en Asie du Nord-Est offre la meilleure possibilité de contrôler Godzilla et s’orienter vers une paix durable en Asie de Nord-Est.

Alyn Ware

Coordinateur mondial pour les parlementaires pour la non-prolifération nucléaire et le désarmement.

Lauréat du Right Livelihood 2009