Paul Larudee est un universitaire et un acteur des droits humains qui a toujours été impliqué dans les causes du Moyen Orient. Il fait partie du Syrian Solidarity Movement.

Quelles personnes et organisations font partie du Syrian Solidarity Movement ?

Le Syrian Solidarity Movement comprend différents membres originaires de Syrie, du Liban, de Palestine, des États-Unis, du Canada, du Royaume-Uni, d’Irlande et bien d’autres pays.

Il existe des informations contradictoires sur ce qu’il se passe dans la Ghouta. Comment voyez-vous la situation là-bas ?

Par de nombreux aspects, la Ghouta est un replay de Alep, Homs Deir Ezzor et tous les autres lieux que l’armée syrienne est parvenue à récupérer des zones aux mains des forces fortement soutenues par les mercenaires étrangers et les puissances impérialistes qui cherchent à détruire la Syrie et créer soit un régime fantoche soit une condition d’impuissance et de chaos semi-permanent. Dans tous les cas, les médias internationaux occidentaux et même les ONG complices hurlent au massacre des civils et aux bombardements indifférenciés, mais dans les faits c’est justement le contraire.

L’Observatoire syrien des droits de l’homme a lui aussi rapporté que moins d’un tiers des victimes de la guerre sont des civils et les autres des combattants. L’armée syrienne et ses alliés russes ont interrompu de manière périodique leur offensive pour permettre aux civils de partir et ils ont fourni des centaines, voire des milliers de tonnes de fournitures de secours, le tout sans l’aide des organismes de secours occidentaux. Ils ont également offert l’amnistie ou le passage des combattants en toute sécurité. Cependant, l’opposition et les combattants étrangers contraignent les civils à rester pour les utiliser comme des boucliers humains pour les combattants et accumulent les escortes pour les combattants et leur famille.

Les réseaux d’informations occidentaux n’ont pas de journalistes indépendants sur le terrain. Toutes leurs sources sont les combattants eux-mêmes. C’est une des raisons pour lesquelles les échanges se terminent lorsque les combattants sont vaincus et les informations sur la population libérée ne sont jamais partagées avec le public occidental.

À Afrin et et au Rojava, il semble que le gouvernement de Assad puisse s’unir aux forces kurdes. Mais les djihadistes et les Turcs ont pour l’heure gagné la bataille. Que se passe-t-il ?

Les milices kurdes en Syrie et l’armée syrienne ne se sont jamais considérées comme des ennemies. Cependant, les États-Unis cherchent à les diviser. Les États-Unis ont établi de manière illégale au moins dix bases sur le territoire possédé par des groupes kurdes et sont leur principale source de fonds militaires, avec des milliers de soldats américains. Par le biais d’une entente avec la Turquie, les États-Unis ont cependant contraint les groupes kurdes se trouvant au nord-est de l’Euphrate à trahir ceux d’Afrin, qui se trouvent sur la rive du fleuve. La Turquie a ainsi réussi à occuper la région. L’armée syrienne s’est proposée de défendre Afrin et, finalement, les kurdes d’Afrin ont accepté, mais il était trop tard. La Turquie ne se réjouit pas de l’aide qu’apportent les États-Unis aux kurdes du nord-est, mais elle a eu le droit de prendre Afrin comme dédommagement. Cela convient aux États-Unis qui veulent diviser la Syrie en des régions plus petites comme ils l’ont fait pour l’Afghanistan, l’Irak et la Libye.

Vous avez suivi le mouvement de Musallaha, qui demandait la réconciliation. Qu’en est-il ?

Le mouvement de la société civile de Musallaha (réconciliation) est l’une des choses les plus positives qui émergent de ce chaos sordide. Des gens ordinaires, des syriens de toutes les confessions se sont réunis pour montrer la tolérance et la compassion dont ils font preuve les uns envers les autres, pour déposer les armes et trouver des solutions négociées et non violentes qui mettent un terme au conflit, au moins au niveau local. Ces solutions impliquent généralement une amnistie, une autonomie locale, un processus décisionnel coopératif, un retrait pacifique des mercenaires étrangers et des accords similaires. On peut dire avec certitude que cette manière de procéder a été utilisée dans presque tous les retours à la paix dans toutes les parties de la Syrie qui sont actuellement sous le contrôle du gouvernement.

Le gouvernement Assad a depuis longtemps établi un Ministère pour la réconciliation : que fait ce ministère ? S’agit-il d’un travail intéressant ou simplement de propagande ?

Le Ministère de la réconciliation est la conséquence du mouvement de la société civile de Musallaha et une affirmation de l’engagement du gouvernement à son égard. Pour témoigner de sa bonne foi, le gouvernement a nommé un membre de l’opposition, le Dr Ali Haidar, au poste de ministre. À partir de ce moment, les accords de réconciliation trouvés depuis 2013, dont le gouvernement constitue l’une des parties, ont tous été honorés sans exception. Le gouvernement syrien reconnait que la loyauté de ses citoyens est nécessaire à l’unité du pays et que les membres d’une même famille ont parfois combattu dans des camps opposés. La compassion et la réconciliation sont donc une stratégie indispensable pour retrouver définitivement la souveraineté syrienne sur l’ensemble du territoire syrien.

Nous nous sommes rencontrés lors de la conférence des organisations syriennes désarmées et non violentes. Ce mouvement a été perpétuellement discriminé tant par le gouvernement que par les puissances étrangères. Pensez-vous que la société civile puisse encore contribuer au futur de la Syrie ?

La société civile a toujours contribué au présent et au futur de la Syrie. J’ai moi-même vu les leaders civils de Homs mettre au point un plan de reconstruction et de restauration de la vieille ville quelques jours après sa libération. Ce plan a été entièrement financé par des fonds privés et est né d’une initiative privée. Je ne doute pas que le gouvernement joue et doit jouer un rôle dans de tels efforts, mais l’aspect notable est à quel point les personnes elles-mêmes ont été ingénieuses pour reconstruire. Si les organisations en exil sont prêtes à renoncer à leur demande pour que le gouvernement Assad n’ait pas sa place en Syrie, alors je suis optimiste quant à ce que le gouvernement Assad n’insiste pas pour que les groupes en exil n’aient pas leur place en Syrie. Le mouvement Musallaha a montré qu’un compromis entre d’anciens adversaires est possible lorsque qu’ils ont la volonté d’en faire ainsi. La solution pour la Syrie est une société dans laquelle tous les syriens ont leur place et dont la confiance et la coopération sont les fondements. Afin que cela se produise, la communauté internationale doit s’assurer qu’aucun pays extérieur ne s’immisce en Syrie en violation de sa souveraineté. Seuls les Syriens peuvent apporter des solutions à la Syrie.

 

Traduit de l’italien par Caroline Pequegnot