Par Samir Bajali – journaliste syrien

« La victoire d’Alep » ou « Le triomphe du nord » : Nous avons pu lire ces titres pour le moins ahurissants que l’on peut pourtant trouver aujourd’hui en naviguant sur les médias du régime syrien et de son allié russe. Mais, de quelle victoire parle-t-on ? Car nous parlons ici d’une guerre désastreuse qui a ravagé l’âme des S <yriens avant qu’elle ne ravage les quartiers d’ (Alep Est) tout entier. Nous parlons de ses habitants qui ont subi une offensive terrifiante pendant plusieurs semaines.

Depuis l’adoption de la première convention de Genève en 18641 et jusqu’à nos jours, le droit international humanitaire avait  été instauré pour limiter un tant soit peu la cruauté de la guerre. L’ensemble des conventions de Genève prohibe la prise pour cible délibérée des civils et de leurs biens. Cibler les civils est considéré comme  «crime de guerre ».

Mais à Alep, le droit n’existe plus : ce sont les civils qui représentent le plus grand nombre de morts et de blessés dans ce conflit syro-syrien.

Mercredi 09 décembre 2016, alors que les forces régulières syriennes et les milices qui se battent à leurs côtés pour reconquérir Alep Est redoublaient leurs frappes, l’ONU s’était dite inquiète du sort de plusieurs centaines d’habitants ayant fui Alep Est vers les quartiers du régime. Ces hommes portés disparus auraient  faire l’objet de tortures similaires à ce qui s’était  produit antérieurement et a été prouvé à l’issue de plusieurs rapports 23.

C’est une situation aussi grave quand il s’agit de groupes armés sensés porter la voix de rébellion alors qu’ils violent eux-mêmes le droits des civils à être épargnés de la guerre. Dans ce même rapport, l’ONU exprime ses inquiétudes à propos du sort de dizaines de milliers d’habitants empêchés de fuir Alep Est par les insurgés. Les groupes armés de l’opposition comme les nomme Rupert Colville, le porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme, « empêchent des habitants de s’enfuir, n’hésitant pas parfois à faire usage de leurs armes ».

Au-delà de protéger les civils, le droit international humanitaire est pourtant censé faire en sorte qu’un minimum de respect de la dignité humaine soit respectée pendant la guerre, et par conséquent, se doit d’assurer la possibilité de vivre-ensemble ou au moins de cohabiter, une fois la guerre finie.

Ainsi donc, la « victoire d’Alep », ce sont de centaines de civils écrasés entre le marteau d’un gouvernement qui massacre son propre peuple et l’enclume des insurgés qui viole les propres principes de la révolution. Il s’agit d’un régime politique qui applique la disparition forcée à ceux qui fuient et des insurgés qui prennent pour boucliers humains ceux qui restent. Des exécutions sommaires auraient été commises par les forces pro-gouvernementales. On assiste aujourd’hui à une véritable « télé-réalité d’horreur » co-scénarisée et co-réalisée par les forces loyalistes et par les insurgés qui se battent contre elles.

Alep aujourd’hui c’est le triomphe de la barbarie démontrant que lorsqu’il s’agit de la guerre, l’être humain est plus que jamais inhumain.

 

 

 

 

 

 

1 Convention de Genève du 22 août 1864 pour l’amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne. Genève, 22 août 1864

2 L’enfer des prisons syriennes, Amnesty international, 18.08.2016

3 If the Dead Could Speak , Human Rights Watch, 16.12.2015