La Kabylie, cœur culturel et historique de l’Algérie, possède une identité singulière façonnée par sa langue, ses traditions et son rôle déterminant dans l’histoire nationale. Hegel souligne que l’esprit d’un peuple s’épanouit pleinement lorsqu’il peut développer librement sa culture et ses institutions, sans rupture nécessaire avec l’ensemble du pays. De même, John Stuart Mill rappelle que les communautés doivent pouvoir s’auto-gouverner pour exprimer leurs aspirations. Une autonomie adaptée permet de concilier la liberté culturelle et politique de la Kabylie avec la cohésion nationale.
Depuis l’époque coloniale, les Kabyles ont été des acteurs majeurs de la lutte pour l’indépendance et de la construction de l’Algérie moderne. Leurs revendications en matière de démocratie, de reconnaissance linguistique et culturelle, et de justice sociale sont anciennes et cohérentes. Pourtant, elles n’ont pas toujours trouvé de réponses institutionnelles satisfaisantes, ce qui a nourri un sentiment d’injustice. Rousseau aurait qualifié cette situation de tension entre la volonté générale et les particularismes locaux : intégrer ces spécificités est indispensable pour renforcer l’unité sociale.
L’idée d’une indépendance totale pour la Kabylie demeure une vision marginale, qui ne correspond ni aux aspirations majoritaires des Kabyles ni à un projet viable pour la région. Elle est fréquemment exploitée à des fins politiques, exacerbant les divisions et alimentant la discrimination envers le peuple kabyle. Une telle séparation entraînerait d’importants défis : fragilité des institutions, vulnérabilité économique, menaces sur les ressources et risques d’instabilité sociale. Spinoza souligne que la vraie liberté se réalise dans un cadre collectif raisonné ; à l’inverse, l’isolement restreint cette liberté tout en augmentant les vulnérabilités.
Certains défendent une Algérie exclusivement arabe et musulmane. Cette vision n’a pas de racines historiques dans le pays et s’inspire d’un modèle étranger, importé, qui ne correspond pas à la réalité culturelle et sociale de l’Algérie. Imposer cette idée marginalise les Kabyles et occulte la pluralité qui a toujours caractérisé le pays. Le dialogue et le respect mutuel restent les seuls moyens de dépasser ces tensions et de bâtir une société juste et inclusive.
Le véritable enjeu n’est donc pas de choisir entre séparation ou unité, mais de créer un cadre de confiance fondé sur la liberté, le dialogue et la reconnaissance des différences. Une autonomie régionale offrirait à la Kabylie les moyens de gérer ses affaires locales, de développer ses ressources, de préserver son patrimoine et de contribuer activement au développement national.
L’autonomie apparaît comme une solution pragmatique et pacifique. Elle permet à la région de gérer son économie, d’aménager son territoire selon ses spécificités et de promouvoir la langue et la culture amazighes. Locke insistait sur l’importance de la gouvernance locale pour garantir la légitimité politique, et Montesquieu voyait dans la proximité du pouvoir avec les citoyens un facteur de justice et de stabilité. Des exemples internationaux montrent que diversité et cohésion nationale peuvent parfaitement coexister : Catalogne et Pays basque en Espagne, Trentin-Haut-Adige en Italie, Québec au Canada ou encore Sápmi en Scandinavie.
Loin de menacer l’unité nationale, une Kabylie autonome la renforcerait. Reconnaître et intégrer les différences constitue la véritable force d’une nation moderne. L’autonomie transforme des revendications légitimes en leviers de développement, de reconnaissance et de liberté, tout en consolidant la cohésion collective.
L’avenir de l’Algérie ne réside ni dans l’immobilisme ni dans la séparation, mais dans une unité renouvelée par une autonomie intelligente : un modèle où la Kabylie s’épanouit culturellement et politiquement, et où l’Algérie se renforce dans sa diversité. Comme le souligne Hegel, l’esprit d’un peuple atteint son accomplissement lorsque toutes ses composantes participent pleinement à l’harmonie du tout.









