L’Italie a fait l’impensable : transformer un déploiement naval en un acte de prestidigitation politique. Elle a envoyé des frégates pour la photo, pour montrer à l’opinion publique européenne une image d’engagement humanitaire, mais au premier frisson face à la menace israélienne, elle a annoncé qu’elle se retirerait à 150 milles nautiques de Gaza, en pleine haute mer, alors que la flottille internationale navigue encore dans les eaux internationales.

Ce retrait n’est pas la neutralité ni la prudence : c’est une complicité active avec la violence. Abandonner 45 pays, avec cinquante embarcations et des centaines d’activistes civils non armés transportant nourriture, médicaments et fournitures, est un geste de trahison qui transforme la prétendue prudence en co-responsabilité morale et juridique.

Il ne s’agit pas d’une opération quelconque : la Flottille Mondiale Sumud est aujourd’hui la plus grande initiative citoyenne de solidarité en Méditerranée, soutenue par un tiers de l’humanité. C’est un convoi pacifique, désarmé, qui exerce un droit légitime de libre navigation dans les eaux internationales, protégé par la Convention sur le droit de la mer et par le droit humanitaire. Et pourtant, les gouvernements européens se retirent par “crainte” de représailles de la part d’un État membre des Nations Unies : Israël.

Ils craignent l’irruption d’un État qui a annoncé ouvertement qu’il coulerait les embarcations, qu’il enlèverait et emprisonnerait les activistes. L’Italie et l’Espagne le savent, mais elles choisissent de se retirer avant même que le crime ne soit consommé, laissant les civils sans témoins officiels, sans protection militaire et sans même l’enregistrement de ce qui se produira. Cette lâcheté, dans de telles circonstances, s’appelle complicité.

Giorgia Meloni parle de “prudence” et d’“éviter les déstabilisations”. Son ministre Crosetto a même déclaré qu’il s’attend à ce que les navires de la flottille soient interceptés et que les activistes soient arrêtés. Ces paroles ne sont pas des lapsus, ce sont des aveux : l’Italie non seulement se retire, mais elle anticipe et normalise les crimes qu’elle sait inévitables. Sur le plan juridique, l’omission calculée d’un État qui a déjà assumé un devoir de protection en déployant des navires de guerre peut être considérée comme une complicité dans des crimes internationaux. Et sur le plan politique, cela signifie avoir choisi qui protéger et qui abandonner : protéger la façade diplomatique, abandonner les peuples et les civils qui luttent pour la vie à Gaza.

Ce que Meloni et Crosetto présentent comme du bon sens est en réalité un acte qui viole de front le droit international : la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer consacre la liberté de navigation en haute mer ; le Manuel de San Remo établit que même en cas de blocus, un convoi humanitaire ne peut être attaqué ; et le Statut de Rome qualifie de crime de guerre l’attaque contre des missions civiles de secours. L’Italie, en se retirant délibérément et en encourageant Israël à intercepter et emprisonner, devient complice d’un crime qui n’a pas encore eu lieu, mais dont elle prévoit et facilite la réalisation.

L’Espagne court le même risque de répéter cette farce : envoyer des navires en Méditerranée pour soigner son image, pour donner l’impression d’un engagement, mais les retirer au moment critique. Le président et le roi, absents à l’heure décisive, ont transformé leurs discours sur Gaza en pièces de musée : des paroles sans chair, sans conséquence. Si leurs navires suivent le scénario italien, l’histoire les inscrira pour ce qu’ils sont : des complices silencieux d’un génocide, des témoins qui fuient avant que la scène décisive ne soit écrite.

Ce n’est ni exagération ni rhétorique : en ce moment les activistes sont pacifiques et désarmés, et les eaux qu’ils parcourent sont encore internationales. Ils n’ont pas encore atteint les eaux territoriales palestiniennes. Et pourtant, ils sont laissés à leur sort face à un État qui bombarde, tue et assiège en toute impunité. Que l’Europe se retire avant même d’assister aux enlèvements et aux attaques est la mesure la plus cruelle de cet abandon : un acte politique qui livre la scène à l’impunité et efface les témoins.

L’histoire jugera sévèrement cette décision. L’abandon de la Flottille Mondiale Sumud n’est pas un accident, c’est un crime d’omission conscient : l’Italie, l’Espagne et l’Europe silencieuse deviennent ainsi des complices actifs d’Israël. Aujourd’hui, la lâcheté se déguise en diplomatie, et le calcul de la stabilité se traduit en abandon de la vie. Et tandis que les navires poursuivent leur route vers Gaza, la mer devient un miroir : elle reflète la dignité de ceux qui insistent pour apporter de l’aide, et révèle la misère morale de ceux qui, depuis leurs palais gouvernementaux, choisissent de fuir au nom de la prudence.