Nous assistons non seulement à l’effondrement des modèles néolibéraux, mais aussi à l’épuisement de leur prétendu pendant humanitaire. Les crises exigent notre attention, mais des transformations plus profondes sont déjà en cours. Les humanitaires répondent aux urgences immédiates, comme à Gaza et dans la Flottille, mais les humanistes sont mis au défi d’aller plus loin : proposer des principes et des valeurs qui transcendent le moment présent et ouvrent la voie à une nouvelle civilisation, une nation humaine universelle.
Chanter « We Are the World » ne suffit plus. Nous devons désormais le vivre.
Pour les humanistes, la tâche ne consiste pas seulement à dénoncer les guerres, les génocides, les cessez-le-feu et les cycles de violence. Il s’agit de remettre en question les structures mêmes qui les soutiennent : les croyances profondément ancrées, l’économie de marché et les systèmes de domination sociale et politique.
La question décisive de notre époque est celle de la gouvernance mondiale. La mondialisation néolibérale est en train de s’effondrer, mais aucun remplacement cohérent n’a encore pris forme. Ce qui émerge à la place, ce sont des projets concurrents de multipolarité, de coopération régionale et de nouveaux alignements institutionnels. Comme l’a récemment observé Andrew Korybko dans Pressenza, dans « The SCO & BRICS Play Complementary Roles in Gradually Transforming Global Governance » (L’OCS et les BRICS jouent des rôles complémentaires dans la transformation progressive de la gouvernance mondiale) :
« Les processus en cours prendront beaucoup de temps à aboutir, peut-être même une génération ou plus, il faut donc tempérer les attentes d’une transition rapide vers une multipolarité à part entière. »
Il ne s’agit donc pas de crier victoire ou de désespérer face aux retards, mais de reconnaître que ces nouvelles formes de gouvernance sont déjà en train de s’enraciner et de redessiner l’horizon des possibilités.
Les exemples abondent. Au Bangladesh, le mouvement étudiant anti-discrimination témoigne d’une volonté générationnelle de justice et d’égalité. Au Mexique, le gouvernement a répondu aux attaques de Trump non pas par une escalade, mais par une politique de dialogue et de résolution des conflits. Même à New York, la dynamique de l’élection municipale révèle des courants culturels et politiques en mutation, comme l’a noté Partha Banerjee.
Dans l’ensemble, ces développements nous rappellent que le monde n’est pas statique. La multipolarité n’est pas simplement une formule diplomatique, elle reflète des changements plus profonds dans la culture, l’économie et la conscience humaine. Le choix urgent qui s’offre à nous est de savoir si nous allons nous épuiser à réagir à chaque nouvelle injustice amplifiée par les médias, ou si nous allons nous consacrer à la construction de l’avenir de l’humanité.









