Ne les oublions pas ! La rédaction Pressenza publie ce témoignage transmis par une soeur missionnaire à Bukavu. La région est toujours en proie à un chaos dévastateur ; les habitants y survivent de plus en plus difficilement.
Je la rencontre le 9 juin 2025, hors d’une salle de rencontres. Elle a rempli un carton de bouteilles en plastique vides. Je lui demande qu’est-ce qu’elle en fera et quelle est la situation des femmes en ce temps d’occupation à Bukavu. Elle accepte volontiers de parler.
« Je suis maman de quatre enfants que j’envoie à l’école. Je récupère ces bouteilles en plastique vides ; après les avoir lavées, je les remplis d’eau ou de jus fait avec de la poudre que j’achète, je les mets au congélateur et puis je les vends à 200 FC (moins de 10 centimes d’euro). Mais alors que dans le temps, une maman qui envoyait l’enfant au marché lui laissait le petit reste et l’enfant achetait mes jus, actuellement ce n’est plus les cas et il est difficile que les enfants achètent.
A Bukavu, depuis que la guerre du M23 a commencé, la vie est devenue très difficile : beaucoup ont perdu le travail, beaucoup ne font plus de commerce à cause du pillage qui a été systématique dans les dépôts où nous gardions nos articles. Ceux qui sont venus nous amener la guerre ont pillé à leur manière ; des habitants aussi, en voyant que les militaires avaient fui et que les policiers étaient partis, ont pillé leurs concitoyens ; et des personnes qui avaient fui la prison sont la source du pillage.
A cause de la guerre nous ne pouvons plus bouger pour atteindre les marchés des alentours. Celles qui s’efforcent d’aller encore s’approvisionner au marché de Mudaka, doivent payer beaucoup de taxes sur la route. Si par exemple avec un capital de 30.000 francs (équivalent à 10 $) on fait des achats, on nous demande 20.000 francs de taxes. On est rançonné. On commence à enregistrer des viols, aussi en centre-ville, même si des parents cherchent à cacher le crime pour ne pas faire perdre le respect pour leur enfant.
Payer l’école à mes enfants est difficile, par manque d’argent. Ils s’efforcent d’aller à l’école, mais chaque jour ils sont chassés. Leur père était agent de l’Etat et comme les autres agents ne travaille pas : il ne nous reste que de nous débrouiller.
Nous, les femmes, sommes mortes même si nous respirons encore. Privées même du peu que nous avions, nous sommes restées en train de souffrir et ne sommes plus à la mesure de soutenir nos familles, alors que nous étions le pilier de la maison. Nous ne savons plus quoi faire. On dort et on ne sait pas si on se lèvera. Nous ne mangeons pas, nous ne nous habillons pas, nous ne voyageons pas, nous ne vivons pas, nous mourons ! Nous sommes victimes d’accords que nous ne connaissons même pas.
A notre gouvernement national je dirais de nous aider d’abord à faire arriver la paix ici à l’Est, en s’impliquant à tous les niveaux, parce que les assassinats sont sans nombre. Avec la paix, tout devient facile ; sans paix, rien n’est possible.
Au M23 je dirais : celui qui vient libérer une personne ne la tue pas ! Le libérateur cherche la paix des personnes. Jésus a donné sa vie, il nous a libérés. Vous êtes des tueurs, pilleurs, rançonneurs. Allez dire à ceux qui vous envoient de nous laisser la paix.
A la Communauté internationale, je répète les paroles du pape François : « Retirez vos mains de l’Afrique ! ». Vous êtes l’ennemi n. 1 de la RD Congo : vous ne venez pas pour notre bien, mais pour nous voler les minerais. C’est vous qui soutenez le M23. Vous vous présentez comme des riches, mais les riches, c’est nous les Congolais. Vous nous trompez en disant que vous nous aidez, mais vous êtes des criminels en cravate. Vous ne vous souciez pas de la vie des Congolais, mais du sous-sol du Congo. Laissez-nous la paix : restez chez vous et que nous restions chez nous. Dieu nous a donné notre richesse : si vous la voulez, venez la demander dans une voie normale.
Je pars avec mes bouteilles, demain je les vendrai pour quelque sous… et la vie continue. »









