L’Afrique fait à nouveau parler d’elle et est devenue une zone de fortes tensions internationales. Le souvenir de la guerre de Libye et de la destruction de ce pays est encore présent dans l’esprit de ses voisins. Le coup d’État du général Abdourahmane Tchiani au Niger en juillet dernier 2023 rappelle l’importance des matières premières du continent et les guerres successives pour leur contrôle.

Si l’occupation du Sahara occidental par le Maroc visait à s’approprier le phosphate et la pêche, le coup d’État au Niger remet en cause le contrôle de l’uranium par la multinationale française Areva. Le Niger est l’un des principaux exportateurs d’uranium au niveau international et en même temps l’un des pays les plus pauvres du monde selon les indices des Nations Unies.

En ce qui concerne la situation sociale et économique du Niger, le manque d’électricité, d’eau potable, d’éducation et de santé a conditionné la stabilité d’un système politique qui ne devrait pas être régi par des coups d’État.

Le grand paradoxe de l’Afrique est sa richesse d’une part et la pauvreté chronique de la plupart de ses pays d’autre part. Cette année, de nombreux Africains sont morts en mer en tentant de rejoindre l’Europe, fuyant la guerre, la sécheresse et les conditions de vie déplorables qu’ils subissent.

Au Niger, on trouve de l’uranium, en Libye, du pétrole, en Algérie, du gaz naturel, en Mauritanie, de l’or et du fer, en République du Congo, du coltan. La plupart de ces minerais sont exploités par des sociétés étrangères qui s’approprient plus de 80 % des bénéfices. Dans le cas de l’or, le cyanure est utilisé pour son extraction, ce qui entraîne une grande pollution pour les personnes, les plantes et les animaux.

Ce modèle économique et social imposé à l’Afrique depuis son indépendance jusqu’à aujourd’hui n’a fait qu’accélérer les causes de sa pauvreté. Plusieurs famines ont frappé ce continent dans les années 80 et 90, obligeant les organisations internationales à intervenir pour sauver des vies humaines. Si nous voulons contribuer au développement et à la stabilité politique de l’Afrique, nous devons laisser les Africains trouver eux-mêmes leur propre modèle de développement qui corresponde à leurs besoins.

Les Africains n’ont pas besoin de consommer autant de fruits de mer et de viande, de pantoufles et de voitures que dans les pays riches. L’Afrique a besoin de conditions minimales qui lui permettent de produire sa propre nourriture et de répondre à ses besoins fondamentaux en matière d’autosuffisance.

L’aide humanitaire ou l’aide au développement n’est rien d’autre que de l’assistance, elle ne contribue pas au développement du pays bénéficiaire, elle le rend dépendant de la contribution des autres. Un exemple clair est celui des camps de réfugiés sahraouis en Algérie, des programmes d’aide de l’ONU qui y sont mis en place et des coupes qu’ils subissent.

Si nous voulons contribuer au développement de ce continent, nous ne pouvons pas exploiter ses ressources et ses matières premières sans générer des bénéfices pour ses populations. Le cas de la mine d’uranium d’Imouraren au Niger exploitée par la société française Areva ou le cas de la mine d’or de Tasiast en Mauritanie, dont le minerai est extrait par la société canadienne Kinroos, sont deux exemples similaires de la manière dont, en Afrique, la richesse du sous-sol n’a fait que contribuer à une plus grande pauvreté des peuples de ce continent.

Le cas de la mine de Fos Bucraa au Sahara occidental est encore plus choquant. Cette mine est exploitée par la compagnie minière publique marocaine OCP Group, dont les bénéfices vont entièrement dans les coffres du gouvernement marocain, tandis que le peuple sahraoui vit dans l’exil, le refuge et l’occupation.

En Afrique, une bataille se livre pour la survie de nombreux peuples et nations : l’ancien modèle consistant à extraire des matières premières, à construire des infrastructures pour leur transport et à laisser le pays sans routes, sans électricité et sans eau potable n’est plus viable. Il convient d’investir dans la société les bénéfices générés par ses richesses, et c’est ainsi que nous pourrons mettre fin aux politiques d’aide humanitaire.

La corruption est l’un des fléaux qui ont déterminé le destin de l’Afrique. Dans le cas de Mobutu Sese Seko, ancien dictateur du Zaïre, aujourd’hui République démocratique du Congo, sa fortune s’élevait à 6 milliards de dollars, alors que la dette extérieure du pays atteignait 13 milliards de dollars. Il a régné de 1960 à 1997, date à laquelle il a été chassé du pouvoir et s’est exilé au Maroc jusqu’à sa mort. Sa richesse pouvait être comparée à la dette extérieure de son pays.

Oui, Mohamed Bazoum a été renversé par un coup d’État au Niger et la Cedeao, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, qui dirige le Nigeria, (NdT: Niger et Nigeria sont deux pays voisins en Afrique de l’Ouest) cherche une solution à la crise actuelle. La solution future au conflit nigérien doit respecter la souveraineté et éviter toute intervention militaire.

L’Afrique n’a pas besoin de nouvelles guerres après la destruction de la Libye; les guerres n’ont apporté que davantage de réfugiés et de morts. Il est temps de soutenir les peuples africains dans leur quête d’un développement qui leur permette d’avoir des conditions de vie décentes.

Une nouvelle vision économique et politique, avec des relations internationales plus justes, peut sauver l’Afrique de l’émigration en bateaux et dériveurs vers l’Europe. Tout dépend de la solution à la crise du Niger et aux autres conflits qui sévissent sur le continent.

 

Traduit de l’espagnol par Evelyn Tischer