Très souvent, le mot « non-violence » évoque des images de bonnes personnes qui ne font pas de mal aux autres et qui préfèrent généralement éviter les conflits. La non-violence est associée à une forme de passivité, au fait de ne pas être violent, voire de ne pas faire valoir ses droits et ses arguments.

Ceci est très éloigné de la philosophie et de la pratique de la non-violence. En effet, la lutte non violente a permis à l’Inde de se libérer du sanglant colonialisme britannique, aux Noirs d’Amérique de faire reconnaître leurs droits humains fondamentaux (voir minute 13′ 08 » de cette vidéo), aux Danois de s’opposer au nazisme et, plus récemment, à la République tchèque d’empêcher l’installation d’une base militaire que les États-Unis voulaient imposer contre la volonté de la majorité de la population.

Le fait que nous ne disposions pas d’informations suffisantes sur ces mouvements montre que le système social dans lequel nous vivons n’a pas intérêt à ce que certaines choses soient connues ; la découverte que des personnes organisées peuvent faire valoir leurs droits est révolutionnaire.

Prenons un exemple simple et hypothétique qui peut donner une idée de ce dont nous parlons. Une chaîne de télévision, proche des intérêts des industries de guerre, fait de la propagande pour la guerre à travers ses émissions. La plupart des gens, confiants, regardent passivement cette monstruosité. Heureusement, certaines organisations protestent, envoient des lettres et organisent des manifestations. Des activités excellentes et justes qui, malheureusement, n’atteignent pas les objectifs souhaités. C’est alors qu’un groupe décide de briser les vitres des bureaux de la société de télévision et de menacer la direction de violence. À première vue, il s’agit d’une action forte et déterminée de la part de ceux qui n’ont pas abandonné et qui veulent continuer la lutte. Mais en réalité, elle montre la grande frustration et l’impuissance que l’on éprouve face à un ennemi plus grand que soi. En fait, hormis l’expression de la colère, rien n’est accompli si ce n’est l’aggravation du conflit, la répression qui en découle et l’abandon de la lutte par ceux qui ne partagent pas les options violentes et compulsives.

Une véritable option non violente pourrait consister à ne plus regarder les émissions de cette chaîne, à éteindre simplement la télévision, à ne pas collaborer avec elle. Il suffirait qu’un pourcentage de ceux qui regardent habituellement ces programmes prenne une telle décision pour porter un coup sévère à l’entreprise, qui serait obligée de revoir ses choix et sa politique. Ainsi, la non-violence n’est ni tendre l’autre joue, ni la rébellion violente, mais la force qui naît de l’union des peuples.

Il est donc clair que la vraie question est de savoir comment créer cette union et comment créer une convergence entre les organisations qui luttent pour la justice et les droits humains. Le dicton « l’union fait la force » est une grande vérité. Si la majorité des personnes affectées par les abus sont organisées dans la même lutte, cela devient une grande force.  C’est pourquoi un grand travail consiste à dialoguer et à communiquer directement avec ceux qui peuvent lutter contre la désinformation. En effet, la désinformation opportune, véhiculée par les grands médias, sert précisément à diviser les gens et à créer des factions, en désignant de faux ennemis sur lesquels rejeter toute la responsabilité, empêchant ainsi d’identifier les véritables auteurs du désastre et de la violence. L’expression « diviser pour régner » illustre bien ce concept.

L’unité et la cohésion du peuple sont essentielles à la non-violence. Sans cet élément, la non-violence reste un beau mot et, au mieux, un choix individuel profond.

Un jour, les gens comprendront que le pouvoir réel est entre leurs mains lorsque, unis, solidaires et conscients, ils luttent pour leurs droits. Et toute activité dans ce sens a une grande importance, même si elle n’aboutit pas à des résultats concrets dans l’immédiat, parce qu’elle est un élargissement de la conscience pour l’avenir.

La non-violence exige la confiance en soi et dans les autres pour s’opposer à ce scepticisme fonctionnel au système, qui nous fait dire des phrases comme : c’est inutile, ce n’est pas possible, personne ne participera, quel est l’intérêt…. Pour M. L. King, ne pas s’opposer à l’injustice et aux abus, rester passif et résigné sont des formes de collaboration et de complicité avec les violents. Pour souligner cette non-passivité, Silo appelle la stratégie du Nouvel Humanisme « Non-violence active » (voir minute 20′ 58 » de cette vidéo)

La non-violence est révolutionnaire, elle demande de la force intérieure, de la conviction, la capacité de prendre du recul et d’avancer au bon moment, de la réflexion, du dialogue… Elle repose sur la certitude intérieure inébranlable du bien-fondé de la cause pour laquelle on se bat et sur la confiance que, tôt ou tard, les objectifs proposés seront atteints. On est donc loin du renoncement face aux premiers échecs, de la passivité et de la résignation, et très loin de l’action violente sans perspective d’avenir. Si nous voulons une société réellement différente, nous ne pouvons pas utiliser les mêmes valeurs et la même méthodologie que le système que nous combattons. Au contraire, l’action elle-même doit déjà contenir les germes du monde nouveau auquel nous aspirons. C’est pourquoi la non-violence est révolutionnaire ; elle aspire à changer non seulement des situations concrètes, mais aussi la mentalité et les valeurs violentes qui sous-tendent les injustices de notre société. Gandhi a dit : « Sois le changement que tu veux voir dans le monde ».

La non-violence se caractérise par le rejet de toute forme de violence et repose sur le principe suivant : « Traite les autres comme tu veux être traité ».

Aujourd’hui, dans un monde où les puissants ont déclenché la guerre et où les gouvernements ne font rien pour l’arrêter, où les spéculateurs s’enrichissent sur le dos des populations, où les seuls investissements sont les armements, où même les produits de première nécessité comme le gaz et l’électricité sont la propriété de quelques-uns, la lutte non violente est non seulement justifiée, tant sur le plan moral que sur celui de la méthodologie d’action, mais elle est aussi la seule issue possible.

Aujourd’hui, tous les sondages montrent qu’en Europe et dans le monde, la grande majorité de la population condamne l’agression contre l’Ukraine, mais souhaite arrêter la guerre par la diplomatie, et non par l’envoi d’armes. Il est temps que cette majorité fasse entendre sa voix, et pas seulement dans les urnes.

Il est urgent de créer un grand mouvement non violent qui rassemble jeunes et vieux, scientifiques et artistes, militaires et pacifistes, femmes et hommes, travailleurs et entrepreneurs, car nous sommes tous concernés par cette crise.

Le 2 avril, éteignons les guerres et allumons la Paix !

 

Traduction de l’italien, Evelyn Tischer